7 – « Une phobie en marche »

Je suis toujours épatée de constater à quel point Lacan nous aide tellement à relire Freud. On ne peut que le constater à propos de ce qu’il nous dit de la phobie du Petit Hans, dans La relation d’objet (séance du 13 mars 1957) : «  Ce sur quoi je veux vous laisser c’est de vous demander d’ici la prochaine fois de reprendre le texte du Petit Hans et de vous apercevoir que c’est une phobie sans aucun doute mais si je puis dire une phobie en marche. Dès qu’elle est apparue tout de suite les parents ont pris le fil et jusqu’au point où elle se termine le père ne le quitte pas. »

 C’est ce terme de « Phobie en marche » qui je trouve dynamise la lecture de ce texte de Freud. En tout cas il m’a fait cet effet : Le rapport hebdomadaire du père, que j’avais interprété comme une suite de détails au demeurant un peu monotone, notamment leurs déambulations au travers de la ville de Vienne, de Lainz à Mungden en passant par la gare centrale, reprend un peu de vigueur si on essaie d’en dégager les différentes étapes franchies par le Petit Hans pour arriver à bout de sa phobie. Et dans ces différentes étapes franchies on voit mieux le rôle qu’a joué Freud, par exemple dans le fait qu’il a demandé au père d’initier son fils à l’existence de la différence des sexes et ainsi à lever l’ambiguité qu’avait maintenu sa mère sur la possession par elle d’un fait-pipi.

 Ce qui apparaît avec cette remarque de Lacan c’est une chronologie de sa phobie.

Les premiers troubles sont apparus en début janvier. Ils ont débuté par le rêve d’angoisse du Petit Hans, puis très vite l’impossibilité d’aller dans la rue de peur qu’un cheval ne le morde.

 Début mars, il y a eu une aggravation des troubles, il a même peur d’aller sur le balcon de leur maison mais il accepte de sortir le dimanche avec son père car il y a moins de circulation. C’était encore au temps des voitures à chevaux.

Nous en sommes à la page 113 dans le sous-chapitre intitulé « Rapport hebdomadaire du père de Hans ». Concernant la chronologie de sa phobie on remarque qu’elle s’étend désormais du cheval à d’autres animaux : «  A Schönbrunn, il a peur de certains animaux qu’il regardait avant sans aucune crainte. Ainsi il ne veut absolument pas entrer dans le pavillon de la girafe ( girafe que nous retouverons plus tard, sous forme de la « girafe chiffonée ») il ne veut pas non plus aller voir l’éléphant, qui l’amusait tant d’habitude. Il a peur de tous les grands animaux, tandis qu’il prend plaisir aux petits. »

 Le père indique au Petit Hans qu’il a peur des grands animaux parce qu’ils ont un grand fait-pipi. Or le Petit Hans nie avoir déjà vu le fait-pipi des chevaux et Freud indique à ce propos dans une note que c’est déjà l’effet du refoulement. Il a oublié les avoir vu.

Par rapport à tous ces grands fait-pipi,  Hans indique que le sien est bien enraçiné et que d’autre part il grandira. Il garde donc espoir.

 En contre-point de ce compte-rendu du père, Freud suit donc lui son idée à savoir ce qu’il en est tout d’abord du mécanisme du refoulement et la transformation du plaisir en déplaisir : Ce n’est pas que les grands fait -pipi lui fassent peur. Au début cela lui faisait plaisir mais « c’est le renversement du plaisir en déplaisir qui a de façon encore inexpliquée, a frappé toute son investigation sexuelle ».

 En effet au cours de ces investigations Hans a fait des comparaisons entre son fait-pipi et ceux des animaux. La comparaison n’était pas à son avantage. Freud se risque à cette formule « l’ angoisse actuelle de Hans est édifiée et sur son plaisir passé et sur son déplaisir présent. »

Il commente ensuite l’affirmation de Hans que son fait-pipi est bien enraciné et qu’il grandira avec lui, Il pense que c’est à la fois un défi et une consolation. Il la met en rapport avec la menace de sa mère, celle de le lui couper, menace qui ne prend effet qu’après-coup, à savoir un an et trois mois après. Ce sont les éclaircissements fournis récemment par son père sur l’absence de pénis des femmes qui ont dû réveiller son complexe de castration. Mais Freud précise que c’est parce qu’il se rebelle contre ces éclaircissements qu’il n’eurent pas d’effets thérapeutiques.

 C’est ainsi que Hans est obligé de s’affronter aux angoisses de la castration. Freud les décrit ainsi : «  Existe-t-il donc vraiment des créatures qui ne possèdent pas de fait-pipi ? Alors ce en serait plus si incroyable que l’on pût lui enlever le sien, et faire de lui, pour ainsi dire, une femme! » A cette question il répond en effet « non, il est bien enraciné ». Il faut souligner ce que nous en dit Freud, que les effets thérapeutiques ne sont pas là parce qu’il nie cette évidence de l’absence de pénis possible. Il est en proie au démenti de la castration, celle du je sais bien mais quand même.

 D’autre part il y a une équivalence posée pour lui entre la perte possible du pénis et la transformation en femme.

 En annexe de ce paragraphe, Freud écrit une très longue note sur l’une des origines de l’antisémitisme auquel il associe le mépris des femmes, ce qu’on appelle le machisme. Je la reprendrai à part.

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