Les méfaits du Surmoi, dans la mélancolie, la névrose obsessionnelle et l’hystérie

eng1868Dans son texte de l’Homme aux rats, Freud décrit la « compulsion au suicide » de son analysant, Ernst Lanzer, sous deux formes, l’injonction d’avoir à se trancher la gorge et l’injonction de se faire maigrir à toute force, compulsion qui se transforme ensuite en ordre de se jeter du haut d’une falaise.
Freud reprend cette question des désirs de suicide, dans l’un des derniers chapitres des Essais de psychanalyse, sous le titre « Etats de dépendance du moi ». Il y aborde la question du Surmoi et de la question du sentiment de culpabilité. Ce qui est une question centrale, pour Ernst, puisqu’il vit dans la hantise d’être un criminel.
« Comment se fait-il, écrit Freud, que le Surmoi se manifeste essentiellement comme sentiment de culpabilité… et avec cela, fasse preuve envers le moi d’une dureté et d’une sévérité extraordinaire ? Si nous nous tournons d’abord vers la mélancolie, nous découvrons que le Surmoi excessivement fort, qui s’est annexé la conscience, fait rage contre le moi avec une violence impitoyable, comme s’il s’était accaparé de tout le sadisme disponible dans l’individu. Ce qui maintenant règne dans le surmoi, c’est pour ainsi dire, une pure culture de la pulsion de mort et en fait il réussit assez souvent à mener le moi à la mort, si ce dernier ne se défend pas à temps de son tyran en virant dans la manie.
Voici maintenant comme il aborde cette question de la pulsion de mort retranchée dans le Surmoi, pour la névrose obsessionnelle :
« Des reproches de conscience sont aussi douloureux et torturants dans certaines formes de névrose obsessionnelle mais ici la situation est moins claire. Il est remarquable que l’obsessionnel au contraire du mélancolique ne franchit en fait jamais le pas de l’autodestruction. C’est comme s’il était immunisé contre le danger de suicide et il en est beaucoup mieux protégé que l’hystérique. Nous comprenons que ce qui garantit la sécurité du moi, c’est le fait que l’objet a été maintenu. »
Mais, par suite de la régression au stade sadique anal où détruire l’objet devient équivalent à l’aimer, la lutte n’en continue pas moins entre le désir de le détruire et le désir, en rétorsion, de se détruire soi-même.
Il faut le lire dans le texte bien sûr. Nous avons là donc la question du suicide, abordée en fonction de la mélancolie, la névrose obsessionnelle et l’hystérie. Il y a quand même un point qui mériterait d’être poussé un peu plus loin, c’est la question de l’objet qui empêche ou non le passage à l’acte suicidaire, ce que Freud appelle « une immunisation contre le danger de suicide ».
On a coutume de dire que dans la mélancolie, l’ombre de l’objet est tombé sur le moi. Il le plombe, si on peut dire. Elle implique donc cette disparition de l’objet. Pourtant c’est dans la mélancolie que le sujet peut être sauvé de son tyran, le Surmoi, en basculant dans la manie, c’est-à-dire dans un mécanisme où, selon ce qu’en raconte Freud, le moi et l’Idéal du moi font entre eux alliance, se rejoignent l’un l’autre, se confondent l’un l’autre. Or, selon Lacan, cet idéal du moi se met en place à la sortie de l’Œdipe et il constitue la trace de l’Identification au père, aux insignes du père. Donc, paradoxalement, c’est dans la mélancolie, qui est quand même du registre de la psychose, que les effets de la métaphore paternelle se font sentir, il est vrai sous la forme de la manie, donc dans l’excès.
Si dans la névrose obsessionnelle, le sujet se protège de ses désirs suicidaires, c’est en raison des liens à l’objet à la fois aimé et haï qui sont solidement maintenus. Dans l’hystérie, les dangers de passage à l’acte, quaut au suicide, seraient donc liés au fait que le rapport à l’objet d’amour même maintenu est fragilisé parce qu’endeuillé. C’est l’objet d’un amour déçu même s il n’est pas encore perdu.
Donc, contrairement à la mélancolie, dans ces deux dernières structures, il n’y a pas d’intervention de l’Idéal du moi en tant que protecteur. Bien au contraire, en creusant l’écart entre le moi et cet Idéal du moi er donc, en dévalorisant le moi, il accentue et aggrave la culpabilité et le désespoir, quant au désir de reconnaissance de la part de l’objet aimé. Les amours du névrosé sont des amours malheureuses, parce que ce sont des amours oedipiennes qui n’ont pas été abandonnées.
 

2 Comments

  1. je me demande si l’endeuillé dont on parle dans cet article est catégorisable ou pas,autremen dit,s’il ne dépend pas d’une telle situation de perte ou séparation.
    Les processus psychiques de l’endeuillé n’auraient-ils pas liens avec l’intensité de l’événement traumatique?

  2. Que dire de trois points énoncés par Hagman(2001)à savoir la personnalité,la relation avec le défunt,le milieu familial et culturel comme « les seuls » à occasionner une réponse à la perte?

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