Exercice de style autour du Réel, symbolique et imaginaire noués par le symptôme

 

Lacan a introduit très tôt dans son enseignement ces trois catégories du Symbolique, de l’Imaginaire et du Réel comme étant trois catégories qui permettent de structurer ce qu’il en est de l’expérience analytique, de pouvoir s’y repérer de façon rigoureuse et surtout d’assurer ce qui est la fonction décisive du psychanalyste, l’interprétation.

Ce R.S.I en raccourci, est une gageure que nous avait proposée une participante à une liste de discussion consacrée à la psychanalyse : Peut-on dire, juste en quelques mots ce que sont ces trois catégories du Réel, du Symbolique et de l’imaginaire et comment ils sont noués par le symptôme ?

J’ai essayé de le démontrer à l’aide de trois exemples, trois traits d’esprit, ceux que Lacan a empruntés à Freud, et qu’il commente dans le séminaire des Formations de l’inconscient.

Le premier est celui du « famillionnaire »

Hirsch Hyacinthe, un héros de Henri Heine, rencontre un personnage important cousu d’or, un dénommé Salomon Rotschild. Ce Hirsch est pauvre, famélique et pourtant il se voit traité, à sa grande surprise, somptueusement par cet homme d’un autre monde. il est reçu par lui d’une façon tout à fait « famillionnaire ». Comment repérer les trois registres, à partir de ce trait d’esprit ?

L’imaginaire est le plus accessible. C’est le contenu manifeste de cette histoire entre deux personnages l’un pauvre, l’autre riche.

Le symbolique est mis en exercice dans le jeu de mots, l’emboutissement des deux termes familier et millionnaire en raison de leurs sons communs les mil et les er.

Le symptôme est le trait d’esprit lui-même,  cette formation de l’inconscient d’Henri Heine, celle du famillionnaire.

Le réel comment le mettre en évidence ? Pour le trouver nous devons faire surgir un autre personnage, l’oncle de Henri Heine qui lui aussi s’appelait Salomon, Salomon Heine. L’oncle était riche et le neveu pauvre et pour cette raison, il se vit refuser la main de sa cousine, son objet d’amour. Voilà donc l’événement traumatique de l’écrivain, son réel, qui fut mis en acte dans son trait d’esprit symptomatique.

Deuxième exemple : « une femme de non-recevoir »

« J’ai tout de suite vu ou su que c’était une femme de non recevoir ». Ce témoignage d’amours pour le moins malheureuses, n’est un trait d’esprit que pris au second degré, une fois repris par un tiers à savoir Lacan.

Ce témoignage des rapports d’un homme à une femme est du registre de l’imaginaire. Elle est son petit autre, un petit autre peu satisfaisant, décidé à n’en faire qu’à sa tête et certainement pas prête à céder à ses désirs.

Le symbolique est cette substitution, au départ liée à l’ignorance de la langue, de sa propre langue maternelle, de femme à fin, femme de non recevoir au lieu de une fin de non recevoir.

Où est le réel ? Justement dans cette mauvaise rencontre pour lui du désir de l’Autre. Le pouvoir qu’il a de vous adresser une fin de non-recevoir. Je crois me rappeler que Lacan reprend cet exemple dans le séminaire l’acte analytique justement pour y mettre en évidence le fait qu’il n’y a pas de rapport sexuel et que ce qui s’y substitue c’est la rude loi du désir de l’Autre.

C’est signé Quanon.

Voici le troisième exemple qui est celui que j’aime le mieux. C’est lui aussi un trait d’esprit au second degré, parce qu’au premier degré il relève de la plus franche bêtise. C’est un producteur de cinéma célèbre, Lacan par charité ne cite pas son nom, qui à tout bout de champ disait : « C’est comme ça et pas autrement. C’est signé Quanon ».

Le champ de l’imaginaire, c’est ce scénario des exigences d’un producteur, sa toute puissance.

Le symbolique est mis en évidence par la substitution à un terme élidé, « une condition sine qua non » à cette connerie  » c’est signé Quanon ou Kouanon ».

Le réel comment se manifeste-t-il ? Je suggérerai que c’est dans le fait de faire descendre ce personnage tout puissant de son piédestal. L’Autre est castré. C’est un des aspects du réel. Il n’y en a pas Un pour rattraper l’Autre.

Voilà en essayant de répondre à cette gageure, celle de réussir à écrire en quelques lignes sur ce que sont ces trois catégories qui se nouent par et dans le symptôme, je ne prétends pas bien sûr avoir fait le tour de la question mais ces trois exemples démontrent le plus simplement possible que :

– Tout d’abord c’est à partir du déchiffrage, de l’interprétation du symptôme que ces trois catégories peuvent être dégagées, dans un effet d’après coup de cette interprétation.

– Que d’autre part, sous ce registre du réel, plusieurs concepts de la théorie analytique, aussi bien issus du texte de Freud que de celui de Lacan, peuvent y être rangés. Je ne fait que les évoquer, le trauma, la pulsion de mort, Das Ding, La Chose, il n’y a pas de rapport sexuel, et j’en passe.

Mais le plus important est sans doute le désir de l’Autre qui a rapport au réel, en tant qu’il ne se présente jamais que sous une forme énigmatique. On n’en a jamais le fin mot. Tout compte fait c’est peut-être bien ça le réel.

Pour les fanas du noeud borroméen, le voici, ce noeud à quatre, les trois ronds du symbolique, du réel et de l’Imaginaire noués par le symptôme. Mais avec des mots, on peut le dessiner aussi.

 

 

 

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