L’introduction du texte de l’homme aux rats

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En guise d’introduction, Freud présente donc les deux points qu’il compte développer, d’une part une approche « fragmentaire » de l’histoire clinique de l’Homme aux rats avec le récit de sa grande appréhension obsédante, sa crainte que son père et sa Dame n’aient à subir le supplice des rats, d’autre part une approche théorique de ce qu’est une « compulsion », « quelques brèves notions sur la genèse et les mécanismes subtils des phénomènes de compulsion psychique ».

Ces deux approches, et c’est le troisième point qu’il précise, trouvent place dans un ensemble théorique plus large, puisque ce texte est dans la suite logique de ce qu’il a déjà avancé en 1896, sur les mécanismes métapsychologiques des neuropsychoses de défense, regroupant ainsi sous ce terme hystérie, névrose obsessionnelle et paranoïa, autrement dit, ce qu’il en est des mécanismes propres aux deux formes de névrose et de la psychose.

Donc son approche du texte de Dora et de L’homme aux rats, n’est pas identique, puisque pour Dora il décrit ce qu’il visait, en fait le rôle décisif que pouvait jouer l’interprétation des rêves dans l’analyse elle-même, démontrant ainsi ce qu’il en est de ce travail. Tandis que dans cette introduction-là ce qui semble plutôt annoncer c’est ce travail de déchiffrage de la langue de la névrose obsessionnelle comme étant un dialecte de l’hystérie.

Cependant, comme dans son introduction au texte de Dora, il se désole ne pas avoir pu tout dire de l’essentiel de cette histoire pour ne préserver la sphère privée : « J’aurais voulu pouvoir et avoir le droit d’en dire bien davantage ».

Mais il rajoute à ce regret ce commentaire : « … je trouve de plus en plus que les déformations auxquelles on a coutume de recourir sont inefficaces et condamnables. Car si ces déformations sont insignifiantes elles n’atteignent pas leur but, qui est de préserver le patient d’une curiosité indiscrète, et si elles sont plus considérables, elles exigent de trop grands sacrifices, rendant incompréhensibles les contextes liés justement aux petites réalités de la vie. Il résulte de ce fait un état de chose paradoxal : on peut bien plus facilement dévoiler les secrets les plus intimes d’un patient, qui le laissent méconnaissable, que décrire les caractères de sa personne les plus inoffensifs et les plus banaux, caractère que tout le monde lui connaît et qui révèlerait son identité. »

Ce que Freud omet de dire, mais peut-être ne le savait-il pas ou pas encore, c’est l’importance dans toute analyse des noms propres et tout spécialement du nom patronymique du sujet.

En apparence dans ce passage, Freud se justifie de ne pas voir pu et voulu tout dire de la beauté extraordinaire de ce cas, mais pose quand même la question essentielle de savoir comment rendre au plus juste ce qui se passe dans le cours du travail analytique.

S’il m’était donné d’en discuter avec notre cher Freud, je lui aurais peut-être suggéré que c’est ce qu’il avait réussi à faire dans son ouvrage de l’interprétation des rêves où il avait ainsi apporté la preuve que celui qui est le mieux à même de rendre compte de ce qui s’est passé pour lui dans son analyse, c’est encore l’analysant. Je lui aurais alors raconté la façon dont Lacan avait réparti les deux rôles de l’analysant et de l’analyste.

Pour l’analyste, ce qui est à sa charge c’est à proprement parlé l’acte analytique, ce en quoi il s’engage, vis-à-vis de l’analysant, à se tenir dans cette position fort inconfortable du psychanalyste. Mais par contre c’est à l’analysant qu’est dévolu ce qu’il appelle « la tache psychanalysante ». C’est bel et bien lui qui travaille, au fil des jours, séance après séance, dans cet interminable travail du « cent fois sur le métier remettez votre ouvrage », dont nous avons vu l’exemple dans ce journal d’une analyse.

Donc, au total, est-ce à dire que ce serait à l’analysant de filer, de tresser, de tisser la théorie analytique entremêlée à son histoire clinique, subjective et familiale, dans sa singularité, avant de l’entremêler à celle de ses analysants? Je ne suis pas loin de le penser. En tout cas ce n’est qu’ainsi que la psychanalyse peut être réinventée.

C’est en écrivant L’interprétation des rêves que Freud a inventé la théorie analytique, à la suite de la mort de son père, c’est dans le journal de cette analyse, celle de l’Homme aux rats qu’il a continué sa propre analyse en même temps que celle de son analysant, prenant appui l’un sur l’autre, sous l’égide de leur commune névrose obsessionnelle.

On peut inscrire ce rapport intime clinique et théorie ainsi que le passage du journal d’une analyse au texte officiel des cinq psychanalyses sur une bande de Moebius.

Celle-ci n’est pas trop rébarbative c’est la raison pour laquelle je me suis risquée à vous l’envoyer. Elle démontre qu’il y a une continuité entre la clinique et la théorie et également entre le journal de cette analyse et cette approche théorique de la névrose obsessionnelle telle que Freud la présente.

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