Une intime conviction

Photo-mael-et-livres-042Dans son texte sur l’Homme aux loups, au moment de présenter son histoire clinique et  de démontrer par ce biais la réalité de la sexualité infantile ainsi que celle des scènes primitives, Freud introduit à leur propos, le mot de « conviction ». D’emblée il se pose la question de savoir s’il va être cru, si les vérités qu’il va énoncer seront admises par ses lecteurs et peut-être aussi au-delà d’eux, par celui à qui secrètement il s’adresse, à Carl Jung. Réussira-t-il à nous convaincre ?

Déjà il argumente : « Comme on sait, aucune voie ne s’est trouvée pour loger en quelque sorte la conviction résultant de l’analyse dans la restitution de cette dernière ».  Je pense que Freud souligne ainsi le fait que la force de conviction, l’absolue certitude, qui se dégage de l’analyse elle-même ne peut être transposée dans le récit de celle-ci. Sa force est perdue.

A  partir de cette remarque, il vaudrait la peine de reprendre ce qu’aussi bien Freud que Lacan ont pu dire de cette conviction qui est de l’ordre, je ne sais pas trop comment le dire, de l’ordre d’une acceptation subjective, mais d’une acceptation, d’une reconnaissance de ce qui est manifestation du savoir inconscient. C’est la raison pour laquelle cette conviction ne peut être acquise que dans l’analyse ou de ses après-coups.On peut dire qu’elle est liée à un effet de surprise, une sorte d’illumination qui est liée à l’apparition d’un signifiant et qui permet aussi la levée du doute.

A ce propos j’ai un petit fragment d’analyse à vous proposer pour illustrer ce qu’il en est de cette conviction. Au cours d’une séance d’analyse je pleurais, je pleurais pour une raison que j’ai oubliée, j’ai pu l’oublier car ce n’était pas la bonne. Je me souviens que Lacan m’avait simplement suggéré que ces pleurs pouvaient peut-être recevoir une autre explication et avait arrêté là la séance. Aussitôt dans l’escalier, j’éclatais de rire : je venais de retrouver la phrase que répétaient tous les parents à leur fille devenue en âge d’être courtisée « si tu écoutes ce que te disent les garçons, tu attendras un enfant et il ne te restera plus alors que ton mouchoir pour pleurer ! ». La variante est celle des yeux à la place du mouchoir. J’attendais un enfant… puisque je pleurais. L’éclat de rire accompagne la conviction. Ce petit fragment d’analyse, le plus discret possible, est une démonstration de l’efficacité des séances courtes de Lacan : Elles nous donnaient l’esprit d’escalier. C’est dans l’escalier qu’on retrouvait ce qu’il avait voulu nous dire et donc ce qu’on lui avait dit.

Mais Freud poursuit concernant la conviction : « On ne publie donc pas de telles analyses pour susciter la conviction chez ceux qui jusqu’à présent se sont comportés de façon rétive et incrédule. On n’espère apporter quelque chose de neuf qu’aux chercheurs qui se sont déjà acquis des convictions par leurs propres expériences au contact des malades ». La conviction est toujours intime et la matérialité du signifiant est la pièce à conviction.

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