Allers et retours entre le contenu manifeste et le contenu latent du rêve, entre le rêve des loups et la scène primitive

Nous en sommes donc à la page 201 du texte de L’homme aux loups dans le gardiner. Mais je reprends d’un peu plus loin le fil du texte en haut de la page 199 où Freud annonce qu’il va étudier « les relations de cette scène originaire au rêve, aux symptômes et à l’histoire de la vie du patient ». Autrement dit nous étions partis de la vie de Sergei avec bien sûr l’importance des événements de son enfance jusqu’au moment du rêve des loups. Le contenu manifeste de ce rêve nous a ramené à son contenu latent, ce que Lacan appellera « la pragung », la frappe de la scène primitive, la représentation d’un rapport sexuel de ses parents trois fois répété, et dans une position particulière « a tergo », par derrière ou encore « more ferarum » comme les bêtes.

A partir de cette Pragung, de cette empreinte de la scène primitive, la démarche s’inverse, elle sert de point de départ pour déployer l’importance qu’elle a eu par rapport à son rêve, mais aussi à ses symptômes, sa névrose et surtout par rapport à ses choix amoureux. C’est là que nous en sommes : « Poursuivons maintenant la discussion des relations entre rêve et scène originaire » au milieu de la 201. Il poursuit donc l’interprétation du rêve car dans les faits elle n’a pas encore à proprement parler commencée. « D’après nos attentes précédentes, le rêve devait présenter à l’enfant qui se réjouit de l’accomplissement de ses souhaits à Noël, l’image de la satisfaction sexuelle par le père, telle qu’il l’avait vu dans cette scène originaire comme modèle de sa propre satisfaction, qu’il aspire à obtenir du père. »

Cette représentation réveille donc en lui, par le biais du conte du loup et du tailleur, la scène où le loup avait eu la queue arrachée, coupée, « un loup sans queue ». Son désir d’être aimé du père et d’en recevoir des cadeaux réveille donc son angoisse de castration, angoisse qui le réveille. Freud met là en relation, en quelques phrases, le contenu du rêve et le souvenir de la scène primitive par le biais du conte du loup et du tailleur d’une part, puis du conte des sept chevreaux. Pour la premier ce qui a compté comme signifiant c’est le « monté sur lui ». C’est lui qui lui rappelle le loup dressé comme substitut du père.

Freud en propose une sorte d’articulation logique rigoureuse : « La transformation du matériel : scène originaire, histoire du loup (celui du petit tailleur)- conte des sept chevreaux – est le reflet du progrès de la pensée pendant la formation du rêve : aspiration à la satisfaction sexuelle par le père – compréhension de la condition relative de la castration – peur (Angst) du père. Je pense que maintenant seulement le rêve d’angoisse du garçon de quatre ans est élucidé sans résidu. »

Donc la phrase qui précède est considérée par Freud comme étant l’interprétation définitive, sans résidu, selon ses propres termes, de ce rêve d’angoisse. Au point même de ce « résidu » il rajoute une très longue note, qui reprend à nouveau chacun des ingrédients ayant composé ce rêve. Je la laisse en attente pour l’instant.

Il vaut la peine de remarquer déjà que Freud au début de son texte, est parti du contenu manifeste du rêve pour dégager son contenu latent qui était rien de moins que l’évocation de la scène primitive, or on s’aperçoit que pour l’interpréter, il reconstruit en quelque sorte, à partir de la scène primitive toutes les étapes de la fabrication de ce rêve. Il y a donc un double aller retour nécessaire entre contenu manifeste et contenu latent pour que l’interprétation du rêve puisse être dite achevée.

Autrement dit ce schéma doit être parcouru au moins deux fois en suivant le sens des flèches pour arriver à l’interprétation complète du rêve. Mais j’attends pour le modifier d’avoir travaillé également la note de la p.202

travail-rêveD’autre part, il me semble qu’ on peut contester cette affirmation de Freud que cette interprétation a été achevée « sans résidu », car cela entrerait en totale contradiction d’une part avec le fait que le rêve est toujours surdéterminé et qu’il est donc toujours susceptible de revêtir d’autres significations, d’autre part que ce même rêve a toujours en lui-même, une part d’inconnu, ce que Freud a appelé « l’ombilic du rêve ».

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