Les trois raisons de sa révolte contre la religion (L’Homme aux loups)

 

Je piétine un peu sur  les deux avant dernières pages de ce texte de Freud sur L’Homme aux loups (pages 262 et 263 du « gardiner ») dans lesquelles il traite des trois raisons de sa révolte contre la religion, la première nous l’avons vu, c’est la fixité de ses investissements libidinaux. Doit-on y lire ses fixations sadiques anales et donc sa haine du père et sa révolte contre lui. Oui,  car nous les avons déjà trouvées décrites dans le corps du texte, notamment page 238 où Freud évoque sa révolte contre un Dieu cruel qui a été capable de laisser martyriser son fils et le laisser mourir sur la croix. Nous avons tous des souvenirs, au demeurant assez réalistes et effrayants de ces représentations du Christ, soit mort sur la croix, soit gisant, cadavérique,  sur les genoux de sa mère. Cela donne aux enfants une bien curieuse idée de ce qu’on peut attendre de l’aide de Dieu le père et surtout de ce qu’est la nature humaine, encore que de ce côté-là ils puissent en savoir quelque chose venant d’eux-mêmes, de leurs propres fantasmes.

 

La seconde raison de sa révolte contre Dieu le père est décrite par Freud à partir des propres fondements de la religion. Elle est en effet née de la culpabilité éprouvée après le meurtre du père originaire. Sa fondamentale ambivalence s’exprime d’ailleurs au niveau même du christianisme, puisque comme l’indique Freud, si c’est un fils qui doit payer pour la faute des hommes, de tous les hommes, c’est ainsi qu’il nous sauve, cette faute ne peut être que celle du meurtre du père.  Voici comment Freud l’exprime : «  Un deuxième point d’attaque lui fut offert par le fait que l’enseignement religieux lui-même n’a pas à sa base un rapport univoque avec Dieu le père, mais est traversé par les signes d’une attitude ambivalente qui a présidé à sa genèse. Cette ambivalence il la détecta à l’aide de la sienne, extrêmement développée, et y attacha cette critique pénétrante qui nous étonna tant de la part d’un enfant de cinq ans. Le plus important fut toutefois un troisième facteur, auquel nous sommes en droit de rapporter les résultats pathologiques de sa lutte contre la religion. Le courant qui le poussait vers l’homme, qui devait être sublimé dans la religion, n’était plus libre mais partiellement isolé par le refoulement et par là soustrait à la sublimation, lié à son but sexuel originel. En vertu de cette connexion, la partie refoulée aspirait à sa frayer un chemin jusqu’à la partie sublimée ou à la rabaisser jusqu’à soi. Les premières ruminations, qui tournaient autour de la personne du Christ, contenaient déjà la question de savoir si ce fils sublime pouvait aussi accomplir la relation sexuelle au père, maintenue dans l’inconscient, »

Je trouve que cette analyse si fine de Freud des composantes homosexuelles qui interviennent dans le sentiment religieux ouvre des horizons notamment et paradoxalement sur la question de l’athéisme : comment un athée se situe-t-il par rapport à cette révolte contre le père ? Plutôt que du côté de la haine du père, le véritable athéisme ne reposerait-il pas plutôt sur une sorte d’indifférence à son égard. Je n’en suis pas sûre car il me semble que l’athéisme est souvent militant. Enfin cela mériterait réflexion. Freud est allé très loin dans cette voie avec son Moïse.  Il me semble qu’être athée c’est renoncer au paradis, à perdre tout espoir de ce côté-là au moins, à un au-delà de la vie, si ce n’est celle de notre descendance.

 

Enfin pour en revenir à nos moutons à savoir la névrose obsessionnelle de l’Homme aux loups, Freud nous indique que dès qu’il trouva dans la vie un autre substitut paternel, en l’occurrence un de ses professeurs, il abandonna les secours de la religion. Je crois me souvenir qu’il troqua le sabre contre le goupillon. Il devint un fervent admirateur des uniformes et de l’armée, de ceux qui marchent au pas. Je n’ose pas écrire qu’il tomba ainsi de Charybde en Scylla.

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