Le rêve dit du chaperon (l’analysant d’Ella Sharpe)

 

 

 

Dans cette séance du 14 Janvier 1959 du désir et de son interprétation, Lacan commence par énoncer quelques remarques concernant le rêve et notamment celle-ci qui va lui permettre d’introduire le rêve de l’analysant d’Ella Sharpe, le fait, par exemple, que tous les commentaires qui accompagnent le rêve, qui se produisent en marge de son récit, font déjà partie de son contenu latent. Ils nous mènent sur la voie de son interprétation : «  Ce qui en somme est dit par le sujet en note marginale concernant le texte du rêve, à savoir tous les accents de tonalité, ce qui dans une musique s’accompagnent d’annotations comme allegro, crescendo, decrescendo, tout cela fait partie du texte du rêve […] C’est là quelque chose de vraiment fondamental pour ce qui est de l’interprétation d’un rêve […] Il interprète le rêve en intégrant le sentiment de doute par exemple qu’il y a dans ce rêve au moment où le sujet le raconte, comme un des éléments du rêve sans lequel le rêve ne saurait être interprété ». Lacan l’appelle « le colophon du doute » qui est une sorte de marque-page, une petite main l’index pointé qui était utilisée pour indiquer le passage intéressant d’un manuscrit. Ce colophon du doute indique là où se trouve le désir du rêve, ce qu’il y a à chercher.

A propos du rêve de l’analysant d’Ella sharpe, ce ne sera pas le doute qui sera ce colophon mais une remarque grammaticale de l’analysant à propos de l’intransitivité du verbe « se masturber ».  C’est donc de là qu’il part : il en fait le point pivot de ce rêve.

 

Du bon usage du graphe du désir à propos du rêve

 

Lacan utilise le graphe pour éclairer les questions qu’il vient d’introduire à propos du rêve : «  Il ne suffit pas d’accepter ce fait, ou cette règle de conduite, comme devant être reçue religieusement comme l’on fait bien des disciples de Freud, sans chercher à voir plus loin, faisant confiance à l’inconscient en quelque sorte […] C’est là que le graphe nous permet de préciser, d’articuler de façon plus évidente, plus certaine, ce dont il s’agit quand Freud nous donne une telle règle de conduite dans l’interprétation du rêve.

Lacan définit le rêve comme une énigme c’est-à-dire un énoncé qui comporte en lui-même sa dimension d’énonciation. Quelque chose est au-delà du rêve qui demande à être déchiffré, à être reconnu.

Il va alors tenter de l’inscrire sur le graphe mais il souligne d’emblée qu’il peut y avoir plusieurs façons d’y projeter ces éléments du rêve.

« L’intérêt structural du graphe, c’est que c’est une structure qui nous permet de repérer le rapport du sujet avec le signifiant, pour autant que nécessairement dès que le sujet est pris dans le signifiant – et il est essentiel qu’il y soit pris, c’est ce qui le définit […] un réseau à ce moment s’impose qui reste toujours fondamental. Tâchons ici de voir comment nous pouvons répartir les différentes fonctions intéressées dans l’énonciation du rêve dans le dit graphe dans ce cas ».

Le rêve énoncé se présente comme un tout, un bloc. Il se distingue en tant que rêve d’un autre rêve. «  C’est un énoncé qui se produit au niveau inférieur du graphe. » C’est donc le récit du rêve, un récit adressé à l’autre, à l’interlocuteur.  Mais c’est aussi « au niveau de ce discours pour l’autre, qui est aussi le niveau où le sujet l’assume, ce rêve, que va se produire ce quelque chose qui accompagne le rêve et le commente en quelque sorte de sa position plus ou moins assumée par le sujet ». C’est donc là que se formulent  les commentaires du sujet à propos du rêve. Par exemple celui-ci «  A ce moment là tout s’est passé comme si le tel sujet était en même temps tel autre ou se transformait en tel autre ».

Or ces commentaires, pourtant apportés en contrepoint du récit du rêve, entremêlé à lui,  Lacan les inscrit pourtant sur la ligne morcelée du graphe du désir, la ligne du haut qu’il appelle chaîne de l’énonciation « en tant que ceci, nous dit-il, intéresse le signifiant ».

 

Le rêve pour pouvoir être interprété ne peut pas être pris comme un tout mais décomposé en chacun de ces éléments. Tout ce qui accompagne le rêve, ses commentaires, participe à cette fragmentation : « Pour revenir à cet au-delà du sujet qu’est l’inconscient freudien, toute une oscillation, toute une vacillation se produit qui ne laisse pas moins dans une permanente question de son altérité. Et  ce que  le sujet reprend de cela ensuite et de la même nature morcelante, à la même valeur d’élément signifiant que ce qui se produit de substitution, de dérangement du signifiant, qui est ce que Freud nous montre d’autre part être la voie normale pour déchiffrer le sens du rêve ». Autrement dit, les commentaires qui accompagnent un rêve constituent le début de son interprétation. Ils font donc partie de l’association dite libre qui est la méthode de déchiffrage  du rêve qui est « un épellement des éléments  signifiants ».

Mais ce déchiffrage, cet isolement des signifiants qui ont servi à l’invention du rêve,  ne suffit pas à atteindre ce qu’il en est du désir du rêve : « Je vous l’ai dit, le désir est essentiellement lié par la doctrine, par la pratique, par l’expérience freudienne, dans cette position : il est exclu, énigmatique, où il se pose par rapport au sujet être essentiellement lié à l’existence du signifiant refoulé comme tel et sa restitution, sa restauration est liée au retour de ces signifiants. Mais ce n’est pas dire que la restitution de ces signifiants énonce purement et simplement le désir. Autre chose est ce qui s’articule dans ces signifiants refoulés et qui est toujours une demande, autre chose est le désir pour autant que le désir est quelque chose par quoi le sujet se situe, du fait de l’existence du discours, par rapport à cette demande. Ce n’est pas de ce qu’il demande dont il s’agit, c’est de ce qu’il est en fonction de cette demande et ce qu’il est dans la mesure où la demande est refoulée, est masquée, et c’est cela qui s’exprime d’une façon fermée dans le fantasme de son désir[…] La restitution du sens du fantasme, c’est-à-dire de quelque chose d’imaginaire, vient entre les deux lignes, entre l’énoncé de l’intention du sujet et ce quelque chose que d’une façon décomposée il lie, cette intention profondément morcelée, fragmentée, réfractée par la langue,. Entre les deux  ce fantasme où d’habitude il suspend son rapport d’être ».

 

Avec le graphe du désir, on peut marquer, y inscrire, à quel point trois temps sont nécessaires pour déchiffrer un rêve :

1-    le texte du rêve et ses commentaires

2-     remonter de l’énoncé de son texte à son énonciation,

3-     puis y repérer entre ces deux chaînes de l’énoncé et de l’énonciation, ce qu’il en est du fantasme en tant que soutien du désir.

 Ces trois temps nous pouvons les retrouver déjà avec le rêve de Garibaldi.

Le premier temps est le texte du rêve dans lequel Freud met en italique pour les isoler les deux termes en allemand, celui  « parlamentarische Obstruktion », obstruction parlementaire,  terme que l’on retrouve dans la chaîne de l’énonciation comme obstruction intestinale  et d’autre part le mot Stühlen qui veut dire siége, chaise,  que l’on retrouve dans la chaîne de l’énonciation comme ayant pris un autre sens,  le sens de  selles, d’excrément.

Le désir de ce rêve est énoncé par Freud avec force en référence à cette sorte rabaissement de l’image du père idéalisé, dans l’évocation de ce rapport au corps du père et donc par contraste, c’est celui de  « rester grand et pur aux yeux de ses enfants ». C’est là que Freud se repère quant à sa place dans l’existence, il s’y repère en tant que père et fondateur d’une lignée, comme l’indique un autre de ses rêves, le rêve du Conte de Thun.

Le rêve de l’analysant d’Ella Sharpe

 Pour aborder cette question de l’interprétation des rêves Lacan choisit un exemple qu’il emprunte à Ella Sharpe : « Il nous permet de bien articuler ce qu’est le désir dans le rêve » il souligne en effet « qu’un rêve n’est pas simplement quelque chose qui s’est révélé avoir une signifiance, mais quelque chose qui dans la communication analytique, dans le dialogue analytique, vient jouer son rôle actuel, non pas à tel moment de l’analyse comme à tel autre, et que justement le rêve vient d’une façon active et déterminée, accompagner le discours analytique pour l’éclairer, pour prolonger ses cheminements, que le rêve est un rêve enfin de compte fait souvent pour l’analyse mais souvent pour l’analyste. Le rêve, à l’intérieur de l’analyse, se trouve en somme porteur d’un message. »

 

Voici ce rêve qu’Ella Sharpe et Lacan à sa suite ont  longuement analysé :  « J’ai rêvé que je faisais un voyage avec ma femme autour du monde, et nous arri­vions en Tchécoslovaquie où toutes sortes de choses arrivaient. Je rencontrais une femme sur la route, une route qui me rappelle à présent une route que je vous ai décrite dans les deux autres rêves que je vous ai rapportés récemment, et où j’avais un jeu sexuel avec une femme devant une autre femme.

Cela se produisait de même dans ce rêve.

Cette fois-ci ma femme était là pendant que l’événement sexuel se produisait. La femme que je rencontrai avait une allure très passionnée.

et ceci me rappelle une femme que j’ai vue au restaurant hier. Elle était brune et avait des lèvres très pulpeuses, très rouges et une expression très passionnée; et il était évi­dent que si je lui avais donné le moindre encouragement, elle y aurait répondu. Elle a dû stimuler le rêve, le pense. Dans le rêve la femme voulait avoir un rapport sexuel avec moi et elle prenait l’initiative, ce qui, comme vous le savez, m’aide grandement, si la femme peut faire cela, je suis grandement aidé. Dans le rêve la femme, en fait, était couchée sur moi; cela vient tout juste de m’apparaître. De toute évidence elle essayait d’introduire mon pénis dans son corps. Je pou­vais le déduire des manœuvres qu’elle faisait. Je n’étais pas d’accord avec cela, mais elle était si déçue que je pensais que j’allais la masturber.

Cela sonne tout à fait mal d’utiliser ce verbe transitivement. On peut dire « je me suis masturbé » et ceci est correct, mais c’est tout à fait mal d’utiliser ce verbe transitivement. »

Lacan fera porter l’analyse du rêve sur cette remarque d’ordre grammatical et aussi sur une autre partie du rêve qui concerne ce qu’il appelle « le chaperon »,  hood en anglais :

« Le rêve est très vivant dans mon esprit. Il n’y a pas eu d’orgasme. Je me rappelle son vagin qui enserrait mon doigt. Je vois le devant de ses parties génitales, la fin de la vulve. Quelque chose de large qui se projetait en avant et pendait vers le bas, comme un repli sur un chaperon*. Ça ressemblait tout à fait à un chaperon et c’était cela que la femme utilisait dans ses manœuvres pour obtenir mon pénis. Le vagin semblait se refermer autour de mon doigt. Le chaperon semblait étrange. »

 

A la suite de l’énoncé de ce rêve, Lacan  effectue d’emblée un rapprochement avec le rêve du père mort et qui ne le savait pas «  De même que dans le rêve de Freud […] nous avons pu désigner d’une façon dont vous avez pu voir qu’elle ne manque pas d’artifice, quels sont les signifiants du il est mort « selon son vœu », que son fils le souhaitait ; de même ici d’une certaine façon, on le verra, le point où culmine effectivement le fantasme du rêve à savoir « Je n’étais pas d’accord, mais elle était très désappointée, en sorte que je pensais que je devrais la masturber », avec la remarque que le sujet fait tout de suite, que c’est tout à fait incorrect d’employer ce verbe transitivement ; toute l’analyse du rêve va nous montrer que c’est effectivement en rétablissant cette intransitivité du verbe que nous trouvons le sens dont il s’agit. »

 

Si on maintient donc le rapprochement entre les deux rêves,  sur la ligne du désir au fantasme, à la place où s’inscrivait le « selon son vœu » on peut maintenant inscrire le fantasme « je pensais que je devrais la masturber » qui est là typiquement mis en relation avec le désir de l’Autre ( « elle était si désappointée»).

 

Quel sens pourrait-on donner en rétablissant l’intransitivité du verbe, est-ce que ce sera « je me masturbe » ou bien « Qu’elle se masturbe, si elle n’est pas contente ! », est-ce que ce serait un acte de séparation entre les deux désirs, celui du sujet et celui de l’Autre ?

D’après la typographie utilisée dans le texte d’Ella Sharpe, il semblerait que ce qui suit concernant le chaperon, peut être soit considéré comme une partie du récit du  rêve soit  être plutôt interprété comme son commentaire et donc, comme nous y invite Lacan, pourrait  s’incrire sur le haut du graphe, sur la chaîne morcelée, sur la chaîne de l’énonciation du rêve avec ce signifiant du HOOD, du Chaperon. Il s’agit de ce passage : « Je me rappelle son vagin qui enserrait mon doigt. Je vois le devant de ses parties génitales, la fin de la vulve. Quelque chose de large qui se projetait en avant et pendait vers le bas, comme un repli sur un chaperon*. Ça ressemblait tout à fait à un chaperon et c’était cela que la femme utilisait dans ses manœuvres pour obtenir mon pénis. Le vagin semblait se refermer autour de mon doigt ».

Ce qui me parait en effet important avec le surgissement de ce signifiant Hood, c’est qu’on peut l’inscrire sur ce qui est aussi nommé ligne du complexe de castration et qu’on peut donc le mettre en rapport avec le signifiant phallique. C’est en effet de cela dont il est sans cesse question dans ce rêve.  Cet avocat qui ne pouvait pas plaider était en effet en difficulté avec ce signifiant phallique, entre le fait de l’avoir ou bien de l’être, d’être l’objet phallique de l’Autre comme en témoigne son fantasme : « Elle attrapait son pénis pour se l’introduire ».  Il est son objet phallique.

Il y a entre les deux rêves que Lacan rapproche encore un autre point commun, ce poit commun est justement ce désir de la mort du père. Or il est explicite dans le premier rêve, celui du père mort et qui ne le savait pas alors qu’il n’est que latent dans le second rêve, celui de l’analysant d’Ella Sharpe. Son père était mort quand cet analysant était âgé de trois ans et il ne se souvenait pas l’avoir vu vivant. Mais quand il y pensait cela l’effrayait beaucoup. Lacan précise que ce désir de mort était lié à l’expression de son désir : « Très vite, la position du sujet dans l’analyse impliquera que le vœu de mort que le sujet a pu avoir à l’endroit de son père est là au ressort de cet oubli et de toute l’articulation de son désir, pour autant que le rêve le révèle. Entendons bien pourtant que rien, vous allez le voir, ne nous indique d’aucune façon cette agressive intention en tant qu’elle serait à l’origine d’une crainte de rétorsion. » En effet pour Ella Sharpe ce dont il s’agit au travers de l’interprétation de ce rêve c’est de faire retrouver à l’analysant, son désir de contrer le père, de triompher de lui d’une façon agressive. Lacan suivant à la trace ce Hood, ce chaperon dans le discours de l’analysant, suit un tout autre  chemin puisqu’il en arrive à démontrer comment  ce phallus peut être élevé au rang de signifiant et donc mis hors jeu des rivalités oedipiennes, en évoquant  le rire des dieux de l’Olympe, lorsque Vulcain, amant trompé,  a enserré dans un vaste filet métallique les deux coupables, Venus et Mars,   entrain de faire l’amour. C’est donc une façon mythique de décrire une scène primitive, Vulcain, l’amant trompé et bafoué,  représentant dès lors le sujet assistant impuissant aux ébats des deux amants mais, au dernier terme en triomphant, par son rire.

Le  losange de la formule du fantasme

Pour saisir en quoi au niveau même de la formule du fantasme et avec son écriture sujet barré poinçon de petit a on peut à la fois inscrire ce qu’il en est du désir de mort à l’égard du père et le lien érotique à un objet d’amour, on peut se référer à ce que nous indique Lacan de ce petit losange qui s’incrit entre le S barré du sujet et le petit a de l’objet. Lacan en effet nous annonçait dans son texte des Ecrits « Subversion du sujet et dialectique du désir » que cette formule est là pour permettre vingt ou cent lectures différentes.

C’est en effet avec l’aide de ce losange du fantasme qu’il effectue un rapprochement entre  le schéma L et la formule du fantasme sur le graphe du désir.  Lacan l’effectue dans la séance du 7 janvier 1959. C’est un vrai tour de force.

Lacan reprend le rêve du père mort et qui ne le savait pas et où le sujet assumait pour lui la « douleur d’exister ». « Cette douleur c’est au moment de la prendre sur lui, que le sujet s’aveugle sur sa proximité, sur le fait que dans l’agonie et dans la disparition de son père, c’est quelque chose qui le menace lui-même […] C’est-à-dire qu’il a besoin d’interposer entre lui est cette existence dans l’occasion un désir […] Il lui faut faire revivre pour un certain temps imaginairement son père, parce que dans cette rivalité avec le père, dans ce qu’il y a là de fond de pouvoir dans le fait que lui triomphe enfin de compte[…] là est la mince passerelle grâce à quoi le sujet ne se sent pas complétement envahi, directememnt engouti par ce qui s’ouvre à lui de béance, de confrontation pure et simple avec l’angoisse de mort […] On commence ici à voir s’esquisser une sorte de […] qui est constitué par quoi ? La formule que j’essaie de vous présenter comme étant la formule fondamentale qui constitue le support, le rapport intra-subjectif essentiel où tout désir comme tel doit s’inscrire ; c’est sous cette forme la  plus simple, celle qui est inscrite ici, ce rapport séparé dans le rapport quadrilatère, celui du schéma L, celui du sujet au grand Autre pour autant que ce discours partiellement inconscient qui vient du grand Autre vient s’interposer entre eux. La tension a a’, ce quon peut encore, sous certains rapports appeler la tension image de S par rapport à a, selon qu’il s’agit du rapport  a a’ ou du rapport du sujet à l’objet, ou du rapport image de a par rapport à l’Autre. C’est justement l’accent qui, comme étant caractéristique du rapport du désir, mis sur le rapport du sujet avec les fonctions imaginaires, qui est exprimé sous la formule du fantasme $ poinçon de petit a, en ce sens que le désir comme tel, et par rapport à tout objet possible pour l’homme, pose pour lui la question de son élision subjective.

 

 

Cette relation quadrilatère du schéma L qu’il met en correspondance avec le losange du fantasme permet de repérer en quoi, quand le sujet s’identifie à un objet rival,  il y a d’emblée par rapport à cette rivalité,  un tiers. Et on ne peut qu’évoquer ici cette description de Saint Augustin auquel Lacan se réfère souvent, celle d’un enfant contemplant d’un regard jaloux son petit frère de lait appendu au sein de sa mère. C’est ainsi qu’est introduit,  dans cette rivalité, d’une part un Autre, objet de cette rivalité, qui est sa cause, et d’autre part, le signifiant du phallus en tant qu’il est le signifiant du désir de l’Autre. Cet objet rival,  il est en effet le phallus, l’objet du désir de l’Autre.

 

On peut transcrire ainsi les lettres du schéma L sur les quatre sommets du losange du fantasme, le Sujet élidé se cachant sous les habits de  i(a) en face de son objet rival i’(a), le tiers se retrouvant en grand A, comme lieu de la parole et donc lieu symbolique d’où le sujet peut se repérer dans ce champ imaginaire comme s’identifiant à l’autre, à son objet rival dans le désir de l’Autre.

C’est cette question du phallus que Lacan approfondira tout au long de ce séminaire sur le désir et de son interprétation et notamment avec l’aide de ce rêve de l’analysant d’Ella Sharpe ainsi qu’avec le drame d’Hamlet puisque reprenant cette célèbre formule « to be or not to be » il la complète ainsi « Etre ou ne pas être… le phallus ». Là est en effet la question.

 

Le phallus sur le graphe du désir est donc certes inscrit sur la ligne du complexe de castration, sur la ligne haute du graphe, mais également au niveau de la formule du fantasme quand il s’agit de réaliser ce qu’il en est de son désir dans la relation amoureuse, c’est-à-dire de reproduire à son tour les composants de la scène primitive, celle qui l’a inscrit en tant que sujet dans le champ du symbolique mais aussi dans le champ du désir. Ce n’est pas pour rien que Lacan, dans le séminaire des formations de l’inconscient avait parlé de la multi-présence du phallus sur le graphe du désir. On le retrouve en effet à nouveau sur le court-circuit imaginaire entre le moi et le petit autre. C’est en effet à partir de cette ligne que le fantasme qui avait été construit comme un « imaginaire qui prend fonction signifiante »,  y fait aussi retour,  mis en jeu dans la relation d’amour entre un homme et une femme.

 

Liliane Fainsilber

 

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