Le désir évanescent de l’obsessionnel

Lacan continue son approche de la structure de la névrose obsessionnelle avec le graphe du désir, dans cette séance du 21 mai 1958. C’est dans ce chapitre qu’il décrit l’obsessionnel comme un Tantale, celui qui ne peut accéder à l’objet de ses désirs. Nous retrouverons ce mythe de Tantale en guise de récompense pour avoir réussi à déchiffrer cette séance particulièrement difficile.

A propos de ce mythe, je me suis demandée pourquoi toute affaire cessante j’avais éprouvé le besoin d’évoquer cette métaphore que j’aime beaucoup celle des cailles qui ne peuvent jamais nous tomber toutes rôties dans le bec, j’ai pensé que c’était peut-être en référence au bon cuisinier d’Aristote, celui qui avec son couteau sait découper la volaille en passant par les bonnes articulations. Les cailles, même aux raisins, il faut toujours les cuisiner avant de pouvoir les manger.

Lacan repart de la question du désir, désir insatisfait pour l’hystérique, désir évanescent pour l’obsessionnel, ou encore désir interdit, désir impossible. Reste à savoir pourquoi :

L’obsessionnel a un désir évanescent. Il est évanescent en raison de certaines difficultés de son rapport avec l’Autre qui est le siège de son désir.

Qu’est que c’est que cet Autre ? En tant qu’il est le siège de son désir, on peut sans doute en déduire que c’est ce que Lacan appelle « le trésor des signifiants », l’endroit en somme où sont mis ensemble les signifiants d’une langue donnée, de la langue maternelle.

Mais il n’y a pas que cette définition de l’Autre, puisque nous l’avons vu quand Lacan a étudié les mécanismes du trait d’esprit, il a bien indiqué que « l’Autre doit être construit pareil que le sujet » qu’il doit lui aussi avoir des besoins, être lui aussi soumis au signifiant, pour pouvoir être à même d’authentifier le mot d’esprit, le reconnaître comme tel.

Donc cet Autre se révèle être un sujet, un sujet désirant. C’est ce que révèle ce signifiant du grand A barré, sur la ligne haute du graphe.

Le premier Autre de l’enfant est sa mère.

Dans notre discussion avec David, l’autre jour, nous avons repéré que le haut du graphe du désir est la trace de ce graphe du désir de la mère. En page 2 de cette séance, dans la sténotypie, Lacan risque cette formule : « C’est le signifiant qui ordonne le désir »

Il affirme que c’est le sens de l’ensemble de l’œuvre de Freud qui démontre ce fait. « Mais bien sûr à l’intérieur de ce phénomène, le sujet cherche à exprimer, à manifester dans un effet de signifiant en tant que tel, ce qui se passe dans son propre abord avec le signifié. »

Quel est donc la part du sujet dans le fait qu’il s’empare de ces jeux signifiants, pour l’utiliser à son propre profit ?

Il me semble qu’on en a une idée dans la façon dont se construit le fantasme « on bat un enfant ». Le sujet finit pas l’utiliser comme support de sa propre jouissance.

A la suite de ces deux premières formulations, l’obsessionnel a un désir évanescent en raison des difficultés de son rapport avec l’Autre, et le fait que c’est le signifiant qui ordonne le désir, Lacan évoque l’ensemble de l’œuvre de Freud structurée à partir du fait que l’homme s’est constitué … en tant que sujet de la parole, en tant que « Je » de l’acte de la parole que l’homme est toujours expérimenté.

– Curieusement c’est en évoquant le rapport de l’homme à la Nature et à la vie que Lacan va alors faire surgir cette question du phallus à la fois comme signifiant, là ça va, mais aussi comme « leurre ».

L’homme « se trouve donc en face de la nature dans une autre posture que celle d’un porteur immanent de la vie. C’est à l’intérieur de l’expérience que le sujet fait de la parole, que son rapport avec la nature trouve à se formuler. « Son rapport à la vie se trouve symbolisé par ce leurre qu’il arrache aux formes de la vie, le signifiant du phallus, et c’est là que se trouve le point central, le plus sensible et le plus significatif de tous les carrefours signifiants que nous explorons au cours de l’analyse du sujet. Le phallus en est le sommet, le point d’équilibre. C’est le signifiant par excellence du rapport de l’homme au signifié, et de ce fait, il est dans une position privilégiée. »

Pourquoi est-ce un leurre ? Sans doute est-ce parce que ce signifiant ne s’inscrit que d’une absence : ce signifiant s’érige en effet à partir de l’absence de phallus de la mère.

A partir de ces trois formulations,

le désir évanescent de l’obsessionnel

Le signifiant ordonne le désir

Le phallus est un signifiant qui indique les rapports de l’homme en tant que sujet parlant à la nature et à la vie.

Il aborde alors la question du désir sexuel –donc qui est au joint de la nature – en indiquant qu’il dépend de quelque chose qui l’a précédé, la Demande.

C’est avec cette Demande qui est d’abord demande de satisfaction du besoin mais qui est aussi, avec son au-delà, Demande d’amour que Lacan reprend le graphe du désir. Entre ces deux formes de la demande, se situe ce champ du désir en tant qu’il est désir de l’Autre, désir qui permet au sujet de trouver le sien.

Où ? En face du petit d, au niveau du fantasme.

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  1. Cf. aussi La relation d’objet, sém 4, 28 novembre 1956. Lacan y parle de l’obsesso comme d’un acteur qui fait le mort.

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