La notion de structure en psychanalyse

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Les trois structures
Les analystes pour se repérer dans leur propre travail parlent souvent de la structure d’une névrose, d’une psychose ou d’une perversion. Le repérage de cette structure leur est nécessaire car elle conditionne, dans le cours du long travail que l’analysant et l’analyste vont entreprendre ensemble, ce qu’on appelle conduite de la cure et aussi maniement du transfert. A ce titre, cette structure est donc une référence indispensable de la clinique analytique.
Au moment où le structuralisme était en vogue et que les philosophes l’opposaient à l’existentialisme, Lacan précisait, aux journalistes qui lui posaient souvent la question, ce que, lui, en tant que psychanalyste, mettait sous ce terme de structure et quel usage rigoureux il en faisait dans la champ de la psychanalyse. C’était en décembre 1966, au moment de la sortie de son ouvrage,  » Ecrits « . J’ai donc relevé quelques unes de ces occurrences.
 » L’inconscient est structuré comme un langage  »
Cette occurrence se trouve dans un interview accordé à Gilles Lapouge paru dans le Figaro littéraire en date du 1 décembre 1966 sous le titre  » Un psychanalyste s’explique « . Lacan disait à ce journaliste ceci :  » Ce qu’on voit dans Freud, c’est un homme qui est tout le temps en train de se débattre sur chaque morceau de son matériel linguistique, d’en faire jouer les articulations. Voilà Freud, un linguiste… toute l’œuvre de Freud est à déchiffrer en fonction d’une grille linguistique qui n’a été inventée qu’après lui « . Freud avait donc devancé Saussure. C’est par rapport à cela que Lacan affirme :  » l’inconscient de Freud est structuré comme un langage – et entendez bien que je parle ici d’une façon radicale, je veux dire que dans l’inconscient un matériel joue selon les lois que découvre l’étude de langues positives, je précise encore, des langues qui sont ou furent effectivement parlées. Il faut tenter de dire plus avant. Et que Freud a moins découvert l’inconscient – dont l’existence était soupçonnée depuis longtemps – qu’il ne l’a établi en son lieu et qu’il n’a élaboré une méthode de déchiffrement… il fallait le coup de force de Freud pour comprendre que l’inconscient est structuré et que cette structure impose une méthode de lecture « .
La structure abordée par le champ de la perversion
J’ai retenu l’une de ces occurrences de la structure qui est particulièrement intéressante parce qu’elle est abordée, fait rare, par le champ de la perversion et surtout mise en relation avec ce qu’il appelle nommément  » l’expérience clinique  » du psychanalyste. Répondant à Sartre qui lui cherchait quelque querelle à propos du structuralisme, voici ce qu’il disait à Pierre Daix, au cours d’une interview parue dans les Lettres Françaises le 26 novembre 1966, sous le titre  » Entretien « ..  » J’ai pris beaucoup d’intérêt, un intérêt enraciné dans une séduction véritable, à telle reconstruction que Sartre fait dans  » l’Etre et le néant  » du vécu du sado-masochisme. C’est extrêmement instructif car c’est le développement même de ce qu’imagine celui qui n’a pas la structure perverse pour prendre appui sur le fantasme pervers, s’en délecter pour en justifier son propre désir, au point précis où ce désir est floué. En quoi quelque chose de clinique est atteint, mais sûrement pas la structure perverse elle-même. Il y faut l’expérience clinique, dont le manque ici fait la preuve de ce qui n’est pas accessible à la reconstitution : à la reconstitution subjective précisément, en rendant tangible la distorsion qui est inhérente à l’intuition et que seule peut réduire la référence à la structure « . Cette référence à la structure est donc de nécessité l’affaire du psychanalyste. Elle relève de sa compétence. Il souligne aussi, remarquons le, dans ce bref aperçu clinique, ce qu’il en est du  » fantasme pervers  » du névrosé qui est à différencier de la  » structure perverse « , de la perversion proprement dite.

Définitions de la structure
Si nous retenons ce terme  » structure perverse  » ou encore ce qu’il appellera plus tard dans son séminaire  » structures freudiennes des psychoses  » comment leur donner une cohérence, les réunir en une même approche. Ce qui nous en donne la clé c’est ce qu’il définit comme un pléonasme à savoir l’association à des fins explicatives de ces deux mots : structure et langage. Voici ce qu’il en disait à Gilles Lapouge :  » La structure n’a pas la même signification pour chacun. Ainsi pour moi, le mot structure désigne exactement l’incidence du langage comme tel dans ce champ phénoménal qui peut être groupé sous la rubrique de ce qui est analysable au sens analytique. Je précise dans le champ de ma recherche dire  » structuré comme un langage  » est un pléonasme « .

Structure de la névrose et de la psychose
C’est à partir de cette définition de la structure comme langage, que l’on peut parler des trois structures névrose, psychose et perversion. Dans son texte des Ecrits sous le titre  » Fonction et champ de la parole et du langage en psychanalyse  » Lacan oppose et caractérise la structure de la névrose et celle de la psychose toujours en référence au langage mais en y ajoutant la dimension de la parole.  » Les symboles enveloppent… la vie de l’homme d’un réseau si total qu’ils conjoignent avant qu’il ne vint au monde ceux qui vont l’engendrer  » par l’os et par la chair « , qu’ils apportent à sa naissance avec le don des astres, sinon avec le don des fées, le dessin de sa destinée, qu’ils donnent les mots qui le feront fidèle ou renégat, la loi des actes qui le suivront jusque là où il n’est pas encore et au-delà de sa mort même… Servitude et grandeur où s’anéantirait le vivant, si le désir ne préservait sa part dans les interférences et les battements que font converger vers lui les cycles du langage… « ( p. 279) Ce désir est soutenu par la parole, parole de l’Autre, parole du sujet. C’est par rapport au langage et à la parole que Lacan caractérise alors la folie, en opposition à la névrose.  »

« Une parole qui a renoncé à se faire reconnaître »: la psychose
Dans la folie, il s’agit  » d’une parole qui a renoncé à se faire reconnaître, soit ce que nous appelons obstacle au transfert, et d’autre part, la formation d’un délire qui… interprétatif, revendicateur ou idéaliste – objective le sujet dans un langage sans dialectique. L’absence de la parole s’y manifeste par les stéréotypies d’un discours où le sujet, peut-on dire, est parlé plutôt qu’il ne parle : nous y reconnaissons les symboles de l’inconscient sous des formes pétrifiées… Mais c’est une erreur de dire que le sujet les assume : la résistance n’étant pas moindre que dans les névroses, quand le sujet y est induit dans une tentative de cure « (p. 280).

« Une parole chassée du discours concret  » : la névrose
En ce qui concerne la structure de la névrose qui se manifeste par ses symptômes, l’inhibition et l’angoisse et qui est approchée dans cette référence à la parole et au langage, Lacan la définit comme  » une parole chassée du discours concret  » mais cependant une parole  » de plein exercice  » :  » La parole est ici chassée du discours concret qui ordonne la conscience, mais elle trouve son support ou bien dans des fonctions naturelles du sujet… ou bien dans les images qui organisent… leur structuration relationnelle. Le symptôme est ici le signifiant d’un signifié refoulé de la conscience du sujet. Symbole écrit sur le sable de la chair et sur le voile de Maïa, il participe du langage par l’ambiguïté sémantique que nous avons déjà souligné dans sa constitution. Mais c’est une parole de pleine exercice, car elle inclut le discours de l’autre dans le secret de son chiffre « . (p. 281)

Le symptôme : « un langage dont la parole doit être délivrée »
Donc avec ce concept de la structure posé comme lié au langage, si l’analyste est à même de se repérer quant au trois structures, névrose, psychose et perversion, et qu’elle lui donne donc des indications précieuses sur ce que pourra être la conduite de la cure, le maniement du transfert, il met aussi en évidence les raisons de l’efficacité de la psychanalyse, en révélant les secrets de l’interprétation du symptôme. Lacan écrit :  » … si pour admettre un symptôme dans la psychopathologie psychanalytique, qu’il soit névrotique ou non, Freud exige le minimum de surdétermination que constitue un double sens, symbole d’un conflit défunt par delà sa fonction dans un conflit présent non moins symbolique… il est tout à fait clair que le symptôme se résout tout entier dans une analyse de langage, parce qu’il est lui-même structuré comme un langage, qu’il est langage dont la parole doit être délivré « . (p.269) En conclusion ce concept de la structure posé comme équivalent au langage, organise le champ clinique de la psychanalyse, en mettant en évidence les trois structures de la névrose de psychose et de la perversion, en démontrant l’efficacité de la psychanalyse, dans toute la mesure où l’interprétation du psychanalyste prend appui sur cette même structure, celle du langage. Cette approche, cette rigoureuse prise en compte de la structure dans l’histoire de chacun de ses analysants est ce qui peut qualifier l’expérience clinique du psychanalyste.

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