« Il n’y a d’analyse que du particulier »

On éprouve le besoin d’aérer un peu ce texte d’Inhibition, symptôme et angoisse, en repartant en effet d’exemples cliniques, car il relève d’une sorte de mathématisation de la théorie freudienne. C’est ce que Freud lui-même a fait en reprenant, pour les comparer l’analyse de la phobie de l’Homme aux loups et celle du Petit Hans A propos de la grande rigueur de ce texte, je lisais, l’autre jour, sur un forum que l’approche logique des analystes était souvent bancale. Elle ne l’est certainement pas quand Freud s’occupe de cette implacable logique du symptôme. Mais en même temps, c’est ce qu’il y a de si touchant chez lui, il n’y a pas une once d’outrecuidance ou de forfanterie : quand il rencontre une difficulté, une question non résolue, il la pose comme telle.  Ce livre pourrait avoir pour titre « pour une logique élémentaire du symptôme ».

 

A la fin de ce chapitre V, il y a une sorte de mise en perspective de ce que peut être l’évolution dans le temps d’une névrose obsessionnelle. Freud y a pris, par rapport à elle, une certaine hauteur de vue :  » La diversité des formes sous lesquelles se manifeste la névrose obsessionnelle est si considérable, que, malgré tous les efforts, on n’est pas encore parvenu à donner une synthèse cohérente de toutes ses variations. Lorsqu’on s’évertue à dégager les relations typiques, on se demande toujours si on n’a pas négligé d’autres régularités qui ne seraient pas moins importantes.

J’ai déjà décrit la tendance générale de la formation de symptôme dans la névrose obsessionnelle. Elle tend à laisser toujours plus de champ  à la satisfaction substitutive aux  dépens de la frustration […] Le résultat de ce processus, qui s’achemine de plus en plus vers l’échec complet de la lutte défensive initiale, est un moi extrêmement limité, réduit à rechercher ses satisfactions dans ses symptômes. Ce déplacement des rapports de force en faveur de la satisfaction peut conduire à l’issue redoutée : paralysie de la volonté du moi, qui découvre pour chacune de ses décisions des motivations à peu près aussi fortes d’un côté que de l’autre… »

Or c’est exactement dans cet état de totale inhibition que se trouvait l’Homme aux loups quand il vint voir Freud pour commencer avec lui  son analyse.

 

A propos de cette grande variété de la névrose obsessionnelle, selon les temps de la trans-formation des symptômes, je me souvenais d’un texte de Lacan où il avait lui aussi abordé cette question. J’ai fini par le retrouver. Il s’agit de l’Introduction à l’édition allemande des Ecrits[1] : «  Que les types cliniques relèvent de la structure, voilà qui peut déjà s’écrire quoique non sans flottement. Ce n’est certain et transmissible que du discours hystérique. C’est même en quoi s’y manifeste un réel proche du discours scientifique. On remarquera que j’ai parlé du réel et pas de la nature.

Par où j’indique  que ce qui relève de la même structure, n’a pas forcément le même sens. C’est en cela qu’il n’y a d’analyse que du particulier : ce n’est pas du tout d’un sens unique que procède une même structure et surtout pas quand elle atteint au discours […] Les sujets d’un type sont donc sans utilité pour les autres du même type. Et il est concevable qu’un obsessionnel ne puisse donner le moindre sens au discours d’un autre obsessionnel. C’est même de là que partent les guerres de religion : s’il est vrai que pour la religion (car c’est le seul trait ont-elles font classe, au reste insuffisant), il y a de l’obsession dans le coup. »

 

Bien sûr comme d’habitude, on ne peut lire ce passage que replacé dans son contexte. C’est dans ce contexte là qu’on peut aussi non sans mal, introduire la question du singulier par rapport au particulier, par rapport à cette assertion de Lacan « il n’y a d’analyse que du particulier ». Pourquoi n’affirme-t-il pas : il n’y a d’analyse que du singulier ?

On devrait pouvoir l’articuler au travers de ce texte. Pour l’instant je ne peux en dire plus, mais ce serait peut-être comme si le particulier servant de médium, de passage obligé entre l’universel et le singulier et donnerait donc un semblant, une première ébauche de transmission possible de l’expérience analytique. En suspens ! 


[1] J. Lacan, Introduction à l’édition allemande des Ecrits, p. 15, 16. Scilicet  Seuil.

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