La violence du droit ou l’humour de Freud

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J’ai relu avec grand plaisir les deux lettres échangées entre Freud et Einstein à propos de la guerre. Je suis toujours à la fois surprise et émerveillée par la façon lumineuse et originale dont Freud aborde toujours les questions qu’il tente de cerner. Ainsi cette fois-ci j’ai été frappée par la façon dont il définit le droit et ce à partir de ce dont il est censé nous défendre, à savoir la violence humaine1.

« Des conflits d’intérêt surgissant entre les hommes sont donc, en principe, résolus par la violence. Ainsi en est-il dans tout le règne animal dont l’homme ne saurait s’exclure ; pour l’homme s’y ajoute encore, bien entendu, des conflits d’opinion qui s’élèvent jusqu’aux plus hauts sommets de l’abstraction et dont la solution semble nécessiter une technique différente. Mais cette complication n’est apparue que plus tard. A l’origine dans une horde restreinte, c’est la supériorité de la force musculaire qui décidait ce qui devait appartenir à l’un ou quel était celui dont la volonté devait être appliquée. La force musculaire se trouve secondée et bientôt remplacée par l’usage des instruments ; la victoire revient à qui possède les meilleures armes ou en use avec le plus d’adresse.
L’intervention de l’arme marque le moment où déjà la suprématie intellectuelle commence à prendre la place de la force musculaire. Le but dernier de la lutte est le même : l’une des parties aux prises doit être contrainte, par le dommage qu’elle subit et par l’étranglement de ses forces, à abandonner ses revendications et son opposition. Ce résultat est acquis au maximum lorsque la violence élimine l’adversaire de façon durable – le tue par conséquent.
Ce procédé offre deux avantages : l’adversaire ne pourra pas reprendre la lutte à une nouvelle occasion et son sort dissuadera les autres de suivre son exemple… »
De la violence au droit :

«  Tel donc l’état originel, le règne de la puissance supérieure de la violence brutale ou intellectuellement étayée. Nous savons que ce régime s’est modifié au cours de l’évolution et qu’un chemin a conduit de la violence au droit. Mais lequel ? Il n’en est qu’un à mon avis, et c’est celui qui a aboutit au fait que l’on peut rivaliser avec un plus fort par l’union de plusieurs faibles. L’union fait la force. La violence est brisée par l’union, la force de ces éléments représentent dès lors le droit, par rapport à la violence d’un seul. Nous voyons donc que le droit est la force d’une communauté. C’est encore la violence toujours prête à se retourner contre l’individu qui lui résiste, travaillant avec les mêmes moyens, attachées aux mêmes buts ; la différence réside, en réalité uniquement dans le fait que ce n’est plus la violence de l’individu qui triomphe mais celle de la communauté ».

Je trouve que ce résultat est rude : le droit défini comme étant également violence, « violence de la communauté ».

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