Le sadique et l’anal

 

Nous en sommes toujours au chapitre de conclusion qui a pour titre « Résumés et problèmes ».

Page 254 Freud énonçait ses intentions : « je vais tenter d’esquisser un survol synthétique de l’évolution sexuelle de mon patient ». Il a commencé par esquisser ce qu’il en était de la phase orale puis page 256 passe à l’organisation sadique anale. Ce qu’il y a d’un peu particulier dans cette évocation qui n’est pas nouvelle en elle-même, c’est la façon dont il décrit la transition entre la phase orale et la phase sadique anale: « L’organisation sadique-anale est facile à reconnaître comme continuation de l’organisation orale.  L’activité musculaire violente sur l’objet qui la distingue trouve sa place comme acte préparatoire pour la dévoration, qui ensuite disparaît comme but sexuel. L’acte préparatoire devient ensuite un but autonome. La nouveauté par rapport à la phase précédente consiste essentiellement en ceci que l’organe accueillant, passif, est séparé de la zone buccale et constitué dans la zone anale»

 

Je trouve que cette description témoigne d’une sorte d’approche bestiale, primitive de la pulsion avec une localisation organique, transfert de la bouche à l’anus, mais quand même en précisant que ce transfert est lié à la passivité et non plus à l’activité sadique anale. Je dirais peut-être que Freud en fait une approche  de l’ordre du réel, alors que pour Lacan, cette approche de la pulsion est toujours signifiante.

D’ailleurs cela ce confirme dans la phrase qui suit : « On est très près ici de parallèles biologiques ou de la conception des organisations prégénitales humaines comme restes d’aménagements qui, dans plusieurs classes d’animaux, sont maintenus de façon permanente. »

Suit une phrase tout à fait énigmatique pour moi «  La constitution d’investigation de la pulsion à partir de ses composantes est également caractéristique pour cette phase. »

Elle se rapporte peut-être au paragraphe suivant qui concerne une sorte analyse des différentes composantes de la pulsion sadique-anale, puisqu’il y a d’un côté le sadique et de l’autre l’anal : « l’érotisme anal ne se fait pas remarquer de façon ostensible. Sous l’influence du sadisme les fèces ont échangées leur signification tendre contre leur signification offensive [Je t’emmerde !]. A la transformation du sadisme en masochisme participe un sentiment de culpabilité, qui renvoie à des processus d’évolution dans d’autres sphères que les sphères sexuelles. »

Au fond Freud décrit ce qu’il appelle l’intrication des pulsions. Pour l’instant il conjugue l’oral avec l’anal mais aussi avec le sadisme, en écartant pour l’instant la pulsion scopique et la pulsion invocante, donc la voix et le regard. Par contre il y rajoute comme un nouvel ingrédient, cette fois-ci venu d’ailleurs que du sexuel, le sentiment de culpabilité.

C’est un passage un peu trop condensé pour être très lisible.

La suite de la page est plus facile à déchiffrer. Elle porte sur la transformation du sadisme en masochisme sous l’influence de la scène de la séduction par sa grande sœur Anna :

« La séduction continue son influence, en maintenant la passivité du but sexuel. Elle transforme maintenant le sadisme pour une grande part en sa contrepartie passive, le masochisme ». Mais cela n’empêche nullement les composantes actives, celles du sadisme, de se maintenir elles aussi. Elles trouvent à s’exercer contre les animaux.

Associée à ce sadisme anal se trouve toujours décrit également ce qu’il appelle « pulsion d’investigation ». Freud la décrit ainsi «  Sa recherche sexuelle a débuté à partir de la scène de la séduction, s’est attaquée essentiellement à deux problèmes – d’où viennent les enfants, et s’il est possible de perdre les parties génitales – et se mêle à des extériorisations de ses motions pulsionnelles. Elle dirige ses tendances sadiques sur les petits animaux en tant que représentant des petits enfants ».

 

Freud a longuement décrit cette composante sadique de la pulsion d’investigation dans son grand texte qu’il a consacré à Léonard de Vinci, cet homme qui a été non seulement un grand peintre mais aussi un précurseur dans les sciences de son temps (p76 et 77 de l’édition Gallimard « Un souvenir d’enfance de Léonard de Vinci ».  Mais pour en rester au texte de l’Homme aux loups, il me semble que tous ces paragraphes  sur la pulsion peuvent être lus et interprétés comme une sorte de mise en exercice clinique de ce qu’il a théorisé dans les trois essais sur la théorie de la sexualité. Mais comme par rapport à ces premiers essais, il y a une sorte de complexification, de nouveaux apports, peut-être que cette conclusion sur l’analyse de l’Homme aux loups, prépare-t-elle aussi ce que Freud a écrit à peu près à la même époque (1914/1915), parmi ses textes de métapsychologie, celui  qu’il a consacré à la pulsion.

Dans les phrases qui suivent, après la reprise de la scène de la séduction, Freud évoque à nouveau le rêve des loups. Nous verrons donc ce qu’il trouve à en dire de nouveau, alors qu’il l’a déjà repris de très nombreuses fois tout au long de ce texte si long et si complexe.

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