Les deux formes de refoulement dans la névrose et dans la perversion

Dans “Les minutes Psychanalytiques” on peut trouver une conférence de Freud sur la genèse du fétichisme. Il date de 1915.
Il prend appui sur les travaux de Krafft-Ebing. Ce qui me frappe pour l’instant à cette lecture, c’est le fait que, dès le départ, en l’occurrence dans le texte de Krafft-Ebing, c’est à quel point tous les auteurs ont beaucoup de mal à séparer ce qu’il en est justement de la  » vraie perversion » en tant que structure, opposée à celle de la névrose et la psychose, et cette « perversion polymorphe infantile » qui est selon Lacan la façon de rater le rapport sexuel du côté homme des êtres parlants » et donc relève du plus banal de la névrose.

Alors j’ai lu que les premiers auteurs, en l’occurrence Krafft et Ebing, s’en tirent en parlant de “grand” ou “petit” fétiche, mais aussi en soulignant que dans le cas des névrosés, il s’agit de ‘réminiscences » Ce sont donc des souvenirs infantiles liés à ces premiers objets d’amour qui ressurgissent ainsi dans l’actuel de la rencontre amoureuse. A ce titre on peut penser à Descartes qui avoue être toujours attiré par des femmes ayant  » une coquetterie dans l’œil”, c’est-à-dire qui louchent. Il en va de même de l’Homme aux loups, qui en souvenir de Grousha aimait les femmes à la croupe rebondie.

Cela n’est donc pas identique à cette nécessité de la présence du fétichic pour qu’il puisse y avoir satisfaction sexuelle. Les auteurs soulignent que dans ces cas de fétiche il n’y a pas justement de réminiscences. Donc, si on se réfère à la métapsychologie, il n’y pas de retour du refoulé des signifiants de la pulsion, le fétiche étant érigé au point même du refoulement, sans déplacement. il n’y a pas de souvenir-écran laissant trace de l’événement traumatique, mais c’est de dit événement lui-même qui se fragmente, qui se divise : une partie, la pulsion est refoulée, tandis que l’autre partie qui lui co-existait est érigée comme trace de cet événement en tant que fétiche, fétiche qui sert donc à la fois de symbole de ce qui a été refoulé et objet de jouissance. Freud nous dit que cet objet fétiche est ainsi “Idéalisé”. Il donne comme exemple de cette idéalisation le fait qu’au moyen-âge, au moment même où la sexualité était refoulée, comme péché de chair, le culte de la Vierge Marie s’était développé.

En tout cas Freud énonce quelque chose de très important à partir de l’analyse rétrospective qu’il fait de ces deux cas, le sujet fétichiste des vêtements et celui fétichiste du pied et des chaussures,,, leur différence porte sur les deux formes de refoulement, celui de la névrose et celui de la perversion.
A propos de ce fétichiste des vêtements, il relate les circonstances d’apparition de son fétiche, il peut en établir littéralement sa genèse à partir de l’événement traumatique qui consistait dans le fait que sa mère et lui se déshabillent l’un devant l’autre, sans aucun gène. Tandis que sa pulsion scopique le fait de voir sa mère nue était refoulée, un fragment lui-même de cette scène traumatique à été érigé en fétiche, ce sont les vêtements même qui participaient à ces scènes de déshabillage qui deviennent tout à la fois, la marque de ce refoulement, mais aussi la condition de la jouissance sexuelle avec ses objets d’amour.
Parmi ces vêtements fétiches, le plus privilégié est le dernier à avoir été enlevé, la culotte. Je pense que c’est par pudeur que Freud l’appelle fétichiste des vêtements, ce serait plutôt un fétichiste de la culotte.

Le second cas clinique décrit est celui d’un fétichiste du pied et de la chaussure. Freud l’analyse brillamment en faisant remarquer que le secret de sa mise en place est l’odeur des pieds et des pieds sales. La pulsion refoulée étant donc la pulsion anale mais liée à celle que Freud nomme lui-même “pulsion nasale” qui est liée aux odeurs, non pas aux parfums, mais aux mauvaises odeurs celles des excréments..

Cette question de la pulsion nasale est bien intéressante parce que je me suis toujours demandé pour quelle raison l’odorat n’a jamais été compté comme l’un des objets petits a, parmi l’objet oral, anal, le regard et la voix alors que Freud fait des odeurs “ la base organique du refoulement”. C’est selon lui en se mettant debout que l’homme a commencé “ à lever haut le nez” et a renoncé à apprécier toutes ces mauvaises odeurs liées aux selles et à l’urine.

Pour ma part je crois que le plus important que j’ai appris de ce texte c’est qu’entre la perversion de la névrose, soit la façon de rater le rapport sexuel du côté des hommes, et la vraie perversion en tant que structure, il y a une différence des mécanismes du refoulement.

Ce texte qui date de 1915 précède donc de plusieurs années, le texte “ Clivage du moi et mécanismes de défense” qui concerne le perversion polymorphe infantile du sujet névrosé, et le texte “ Lé fétichisme” qui concerne la perversion en tant que structure opposée à celle de la névrose et de la psychose.

Mais ce qui y a aussi d’intéressant, c’est ce qu’il n’a pas encore découvert, rien n’est encore dit de l’affect qui accompagne ce refoulement, l’angoisse de castration, ni ce concept en attente, celui de la Verleugnung, du démenti de la castration.

A propos de l’idéalisation du fétiche ( Freud parle à son propos d’adoration) on peut noter que cette idéalisation rapproche la perversion du processus même de sublimation, par le fait même qu’elles se produisent au point même du refoulement, dans leur rapport à Das Ding, La Chose. je risquerai bien cette formule, imitant celle de Lacan “ le pervers érige son fétiche à la dignité de la Chose.

Ces trois textes sont très importants et sont à lire ligne à ligne et crayon à la main car c’est ainsi qu’on peut contester l’existence de cette “nouvelle économie psychique”, ainsi décrite par Charles Melman et qu’il décrit comme étant  » une perversion généralisée ».  Or il semble bien que cette économie  n’est jamais que celle du sujet névrosé. Lacan l’affirmait “ la perversion polymorphe infantile est la façon de rater le rapport sexuel, pour les sujets mâles des êtres parlants” et de ceci toute la clinique analytique en témoigne, de nos jours comme dans les temps anciens.

 

 

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