A propos du titre de la thèse de Lacan  » De la psychose paranoïaque dans ses rapports avec la personnalité  »

En marge de ce que nous travaillons en ce moment, la névrose obsessionnelle d’Ernst Lanzer, dit l’Homme aux rats, à propos des trois personnalités de cet analysant, et des questions analytiques que pose une définition de ce qu’est la personnalité, je vous rappelle un passage de l’une des premières séances du Sinthome ( séance du 16 décembre 1975).

Ce passage n’est pas fait pour simplifier notre approche et nous donner l’illusion d’avoir tout compris, mais quand même ça vaut la peine d’y réfléchir :  » Si le nœud à trois est bien le support de toute espèce de sujet, comment l’interroger ? Comment l’interroger de telle sorte que ce soit bien d’un sujet qu’il s’agisse ?
Il fut un temps où j’avançais dans une certaine voie, avant que je ne sois sur la voie de l’analyse, c’est celui de ma thèse : De la psychose paranoïaque dans ses rapports, disais-je, avec la personnalité. Si j’ai si longtemps résisté à la republication de ma thèse, c’est simplement pour ceci : c’est que la psychose paranoïaque et la personnalité comme telle n’ont pas de rapport ; simplement pour ceci, c’est parce que c’est la même chose.
En tant que le sujet noue à trois l’imaginaire, le symbolique et le réel il n’est supporté que de leur continuité. L’Imaginaire, le symbolique et le réel sont une seule et même consistance. Et c’est en cela que consiste la psychose paranoïaque.

Je ne vois qu’une seule façon de saisir ce dont il s’agit, c’est que la consistance relève de l’imaginaire.
Or cet imaginaire se définit pour Lacan comme une étape subjective indispensable, celle du mode de connaissance paranoïaque de l’objet.
C’est en tant qu’objets du désir de l’Autre que se constitue pour le sujet le champ de ses désirs, dans la plus intense rivalité, avec un désir de destruction, un désir de meurtre, de celui qui lui fait obstacle. Ces désirs se mettant en scène en œuvre entre O et O’, ces deux points qui s’inscrivent sur le schéma optique et caractérisant la relation imaginaire au petit autre, mais une relation imaginaire qui s’effectue sous le regard de l’Autre, d’une Autre symbolique.

On peut mettre aussi en relation cette phrase sur l’équivalence entre personnalité et paranoïa, pour lui donner un peu plus de pigment, avec ce que Lacan avait énoncé de la psychanalyse comme étant  » une paranoïa dirigée  » dans son texte  » L’agressivité en psychanalyse  » ou encore avec cette phrase de Freud qu’il écrivait à Ferenczi :  » J’ai réussi, là où le paranoïaque échoue  » .

La psychanalyse :  » une paranoïa dirigée « 

Voici ce que Lacan en écrit dans ce texte « … nous désignons dans le moi ce noyau donné à la conscience mais opaque à la réflexion, marqué de toutes les ambiguïtés qui, de la complaisance à la mauvaise foi, structurent dans le sujet humain, le vécu passionnel ; ce  » je  » qui, pour avouer sa facticité à la critique existentielle, oppose son irréductible inertie de prétentions et de méconnaissances ….
Loin de l’attaquer de front, la maïeutique analytique adopte un détour qui revient en somme à induire dans le sujet une paranoïa dirigée. C’est bien en effet l’un des aspects de l’action analytique que d’opérer la projection de ce que Mélanie Klein appelle les mauvais objets internes…  »

La phrase de Freud :  » J’ai réussi là où le paranoïaque échoue « 

Cette phrase mérite d’être replacée dans son contexte, celui d’une lettre que Freud adressait à Ferenczi, au retour de l’un de leurs voyages.
Il y ait question de son transfert pour Fliess, transfert que Freud s’est efforcé de  » liquider  » selon ses propres termes.
Il écrit :  » Vous avez non seulement observé mais également compris que je n’éprouve plus le besoin de révéler complètement ma personnalité et vous l’avez fort justement attribué à une raison traumatisante. Depuis l’affaire Fliess que j’ai dû récemment m’occuper de liquider, comme vous le savez, le besoin en question n’existe plus pour moi. Une partie de l’investissement homosexuel a disparu et je m’en suis servi pour agrandir mon propre moi. J’ai réussi là où le paranoïaque échoue.  »

Qu’avait-il réussi ? Peut-on dire que, par un travail d’interprétation de ses rêves et de ses symptômes, dans son autoanalyse, Freud avait réussi à accéder au symbolique, mis en jeu la métaphore paternelle, ou plus exactement mis en jeu la fonction de suppléance du symptôme par rapport à elle ou encore a-t-il réussi à analyser, point par point, mot à mot, ce que Lacan a appelé la  » père-version  » ou encore version vers le père ?

Cette lettre a été écrite en octobre 1910. Freud était, à ce moment-là, pris dans un transfert non moins passionné que celui qu’il avait éprouvé pour Fliess, son transfert pour Jung. On y découvre que tous deux lisaient avec beaucoup d’intérêt les mémoires du Président Schreber. Son désir d’être aimé de Dieu comme une femme et de pouvoir ainsi mettre au monde un jour des milliers d’enfants nés de son esprit n’avait plus de secret pour eux.

Liliane Fainsilber

1 Comment

  1. bjr je suis tombe par « has-ard » sur ce site et j ai ressenti une puissance de sagesse :ici la psychanalyse est traiter avec en respecter les maitres et non un comme science publicitaire .

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