Masochisme dit féminin… et complexe de castration masculin

Un extrait de mon livre ‘Lettres à Nathanaël ; Une invitation à la psychanalyse »

Cher Nathanaël, j’aborde avec toi, aujourd’hui, une question bien difficile celle du masochisme dit féminin des hommes, masochisme qui mystérieusement les féminise, ce qui provoque l’horreur et le rejet de ces mécanismes qui sont donc de fait violemment refoulés. Seule l’analyse peut le remettre à jour mais non sans mal.

Pour démontrer les liens du masochisme au complexe de castration masculin il est nécessaire de repérer ce que Freud décrit comme les trois formes de masochisme dans « Le problème économique du masochisme » puis suivre, presque ligne à ligne, le texte de Freud « Dostoïevski et le parricide ».

Les trois formes de masochisme
et ses manifestations
avec les signifiants de la pulsion

Freud décrit donc trois formes de masochisme, le masochisme érogène ou plaisir de la douleur, le masochisme dit féminin et enfin le masochisme moral, mais tout aussitôt nous avons la surprise de constater que Freud compte décrire le masochisme dit féminin… des hommes.
Ce masochisme féminin est pourtant censé représenter « l’être de la femme ».

Il aborde, pour décrire ce masochisme féminin, aussi bien les fantasmes masochiques des névrosés que ceux des pervers.
Les uns s’exprimant dans des symptômes et notamment par l’impuissance, les autres par ce que Freud appelle des « dispositifs pervers » ou encore des « mises en scène » donc des scénarios.
En fonction des signifiants pulsionnels qui y sont mis en jeu, se manifestent, suivant les cas, le désir d’être dévoré, battu, d’être castré, violé comme une femme et le désir d’accoucher.

Mais Freud le souligne les trois formes de masochisme sont intriquées l’une dans l’autre. En effet un fort sentiment de culpabilité accompagne toujours la réalisation de ces fantasmes masochiques, l’impression d’une faute commise. Ce masochisme dit féminin est en effet associé au masochisme moral, mais avec le goût de la souffrance qui s’y manifeste, il participe également au masochisme érogène.

D’ailleurs Freud indique que la première forme de masochisme, le masochisme érogène « prend part à toutes les phases de développement de la libido et leur emprunte la succession des costumes psychiques qu’il revêt » et c’est là que nous retrouvons nos signifiants pulsionnels sous cette forme inattendue celle des « costumes psychiques ».
Au stade oral, le costume psychique qu’il adopte est « l’angoisse d’être dévoré par l’animal totémique »
Au stade sadique anal :  » Le désir d’être battu par le père »
Au stade phallique : « le précipité de ces fantasmes masochiques »: le désir d’être castré par le père bien que celui-ci soit plus tard « l’objet d’un déni ».
Au stade génital : Les situations typiquement féminines sont donc les costumes psychiques du masochisme : être castré, violé et accoucher.

Mettons, pour l’instant en réserve ce précieux butin, ce désir féminin d’accoucher d’un enfant du père, comme point d’acmé, d’apothéose de ce masochisme, puisque qu’il nous mettra sur la voie de cette grossesse symbolique que Lacan pose comme le mode d’instauration de la fonction paternelle pour le sujet névrosé… et nous mettons pour l’instant en suspens le mode d’instauration de la fonction paternelle, pour le sujet pervers, en suggérant simplement qu’il en fait la tentative dans son scénario pervers, dans son passage à l’acte.
Un exemple clinique de toutes les composantes
du complexe de castration masculin

Dostoïevski, nous l’avons déjà rappelé, souffrait d’une forme très grave d’hystérie puisqu’elle se manifestait par des « Attaques de mort » dès sa plus tendre enfance, puis par des crises d’épilepsie.
C’est dans le cadre de cette hystérie que Freud évoque donc le désir de la mort du père et la culpabilité qui en résulte. Il souligne le fait que « par une répétition individuelle d’un développement accompli dans l’histoire universelle, il espérait trouver dans l’idéal du Christ une issue et une libération du sentiment de culpabilité et même utiliser ses souffrances pour revendiquer un rôle de Christ.

Donc nous rejoignons ici, dans le texte de Freud, ce que Lacan disait de cette imagination d’être le rédempteur. Il nous reste donc maintenant à suivre Freud pas à pas dans le fil de sa démonstration. Son point de départ est à nouveau celui du meurtre du père :

Premier temps : « Le meurtre du père est selon une conception bien connue, le crime majeur et originaire de l’humanité aussi bien que de l’individu. C’est là en tout cas, la source principale du sentiment de culpabilité ».
Cependant « La situation psychologique en cause est compliquée et demande une élucidation ».
C’est donc dans cette élucidation que Freud s’engage avec ce qu’il décrit, faute de mieux, comme un facteur constitutionnel qu’il appelle la « bisexualité ».

Sous l’effet de l’angoisse de castration l’enfant va renoncer à sa mère comme objet d’amour et à son désir d’éliminer son père comme objet rival.

Second temps : les voies de la féminité
Cependant un curieux mécanisme se produit, alors que pour préserver sa masculinité, l’enfant avait renoncé à son objet d’amour œdipien, la menace que la castration fait peser sur elle « le pousse en direction de la féminité ».
L’enfant tente alors de se mettre à la place de la mère et à tenir le rôle de celle-ci comme objet d’amour pour le père. « Seulement l’angoisse de castration rend également impossible cette solution… la castration est effroyable aussi bien comme punition que comme prix de l’amour ».
Du coup les deux motions, haine pour le père et amour pour lui tombent sous le coup du refoulement.
Bien sûr elles ne peuvent que refaire symptômes :
Cette pente naturelle de Dostoïevski qui le poussait vers la féminité « se révèle sous une forme virtuelle (homosexualité latente) dans l’importance de ses amitiés masculines au cours de sa vie, dans son comportement marqué d’une étrange tendresse, avec ses rivaux en amour et dans sa compréhension remarquable pour des situations qui ne s’expliquent que par son homosexualité refoulée, comme le montrent de nombreux exemples de ses nouvelles. »

Troisième temps : A cette relation père et fils dans laquelle, comme le dit Lacan, « le sadisme est pour le père et le masochisme pour le fils », se substituent un Surmoi sadique et un moi masochique.
« Quelque chose de nouveau vient s’ajouter, à savoir que l’identification avec le père, finalement, se taille une place permanente dans le moi : elle est reçue dans le moi mais elle s’y installe comme une instance particulière s’opposant à l’autre contenu du moi ». Désormais l’ennemi est à l’intérieur des murailles et fait sa loi.
« Si le père était dur, violent, cruel, alors le surmoi recueille de lui tous ses attributs et , dans sa relation avec le moi, la passivité, qui précisément devait avoir été refoulée, s’établit de nouveau. Le Surmoi est devenu sadique, le moi devient masochique, c’est à dire au fond féminin passif. »

L’emprunt de ces voies de la féminité ne se justifie donc que parce qu’elle est la représentation de la castration en tant que punition. Elle est un moyen de se faire l’objet du sadisme du père introjecté sous la forme du Surmoi.

Mais elle est également une voie d’accès à ce fantasme de grossesse qui exprime le désir d’être reconnu par le père et surtout d’en recevoir un phallus en tant que signe de reconnaissance.
Ainsi sous le couvert, le camouflage, de la féminité ce qui est en fait demandé par le fils au père, certes par les voies détournées de la névrose, c’est bien une accession à la virilité sous l’enseigne ou sous l’égide de ce phallus symbolique que le père pourrait lui concéder au nom de cette équivalence symbolique : enfant = phallus.
(1) S. Freud, Problème économique du masochisme,
(2) S. Freud « Dostoïveski et le parricide »,

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