12 – Le signifiant cheval comme « un soc qui va refendre d’une nouvelle façon le réel »

Lacan et le petit-HansCette séance du 8 mai 1957 de le relation d’objet a beaucoup d’intérêt. Il faut vraiment la lire ligne à ligne. Dans les premiers paragraphes, Lacan y décrit donc ce qu’il appelle « la fomentation mythique du Petit-Hans, fomentation qu’il rapproche de ce que Freud appelle « les théories sexuelles infantiles ». théories sexuelles qui sont de trois ordres : Tous les êtres vivants ont un phallus. Les hommes et les femmes peuvent avoir un enfant. Il vient par l’anus. Enfin ce qu’il appelle « la conception sadique du coït.

Pour Lacan, cette fomentation mythique est un travail avec le signifiant et notamment le signifiant cheval :

« I1 y a certainement du côté du cheval quelque chose qui comporte toutes sortes de propensions analogiques qui en font effectivement en tant qu’image, quelque chose qui peut être un réceptacle favorable à toutes sortes de symbolisations d’éléments naturels qui viennent au premier plan de la préoccupation infantile au tournant où nous voyons en effet le petit Hans. L’accent que j’essaie ici de vous mettre, qui est toujours et partout omis, c’est que ce n’est pas cela l’essentiel. L’essentiel est ceci : un certain signifiant est apporté à un moment critique de l’évolution du petit Hans, qui va jouer un rôle absolument polarisant, recristallisant d’une façon qui nous apparaît comme pathologique sans doute, mais qui assurément est constituante de cette façon. A ce moment-là le cheval se met à ponctuer le monde extérieur de ce que Freud plus tard à propos de la phobie du petit Hans, qualifiera de fonction de signal, signaux en effet qui restructurent à ce moment là pour lui le monde profondément marqué de toutes sortes de limites dont nous avons maintenant à saisir la propriété et la fonction.

Qu’est-ce que veut dire que ces limites étant constituées, il se constitue du même coup la possibilité par le fantasme ou le désir – nous allons le voir – d’une transgression de cette limite, en même temps qu’un obstacle, une inhi­bition qui l’arrête en-deçà de cette limite ? Ceci est fait avec cet élément qui est un signifiant, le cheval.
Pour comprendre la fonction du cheval, la voie n’est pas de chercher de quel côté est l’équivalent du cheval : si c’est lui-même le petit Hans ou la mère du petit Hans, ou le père du petit Hans, car c’est successivement tout cela, et encore bien d’autres choses. Cela peut être tout cela, cela peut être n’importe quoi de tout cela, pour autant que le système signifiant, cohérent avec le cheval dans les successifs essais, disons, que le petit Hans fait de les appliquer sur son monde pour le restructurer, se trouve au cours de ces essais à tel ou tel moment toucher, recouvrir tel ou tel élément composant majeur du monde du petit Hans, nommément son père, sa mère, lui-même, la petite Anna sa petite sœur, et les petits camarades, les filles fantasmatiques, et bien d’autres choses.
Ce dont il s’agit, c’est que d’abord nous devons considérer que le cheval, quand il est introduit comme point central de la phobie, introduit un nouveau terme qui précisément a pour propriété d’abord d’être un signifiant obscur. Je dirais presque que le jeu de mots que je viens de faire en disant un signifiant, vous pouvez le prendre d’une façon complète. Il est par certains côtés insi­gnifiant, c’est pour cela qu’il a sa fonction la plus profonde, qu’il joue ce rôle de soc qui va refendre d’une nouvelle façon le réel».

Avec ce terme de réel et même sous ce vocable, Lacan aborde alors ce qui est, pour lui, les vraies raisons de sa phobie et là il me semble qu’il s’éloigne des préoccupations de Freud, de son approche.
Il va en effet centrer l’événement traumatique autour de la rebuffade de la mère vis à vis du pénis insuffisant du Petit-Hans : «A la base de ses relations avec sa mère, quelque chose s’est produit qui est l’introduction de certains éléments réels. Ce qui se poursuit jusque là sur la base du jeu, cette poursuite du dialogue autour du présent ou de l’absent symbolique, est quelque chose dont tout d’un coup pour Hans toutes les règles sont violées, car il apparaît deux choses : c’est au moment où Hans se trouve le plus en mesure de répondre cash au jeu, je veux dire de la montrer enfin et pour de vrai, et dans l’état le plus glorieux sa petite verge, qu’à ce moment­ là il est rebuté. Sa mère lui dit littéralement, non seulement que c’est défendu, mais que c’est une petite cochonnerie, que c’est quelque chose de répugnant et assurément nous ne pouvons pas ne pas voir là un élément tout a fait essentiel. Freud d’ailleurs souligne que ces sortes de contre-coups de l’inter­vention dépréciative, sont quelque chose qui ne vient pas tout de suite. I1 souligne littéralement ce terme que je m’exténue à répéter, à promouvoir au premier plan de la réflexion analytique après coup : obéissance, ce que veut dire obéir, entendre avant toute audience.
Ce n’est pas tout de suite que ni de telles menaces, ni de telles rebuffades portent, elles portent après un temps. Et, aussi bien là, serais-je dans une position loin d’être partiale, apporterais-je aussi – d’ailleurs Freud le souligne bien, et non pas seulement entre les lignes – un élément réel de comparaison : il a pu par des comparaisons entre le grand et le petit, situer à sa juste mesure le caractère réduit, infime, ridiculement insuffisant de l’organe en question. C’est cet élément réel qui vient se surajouter et lester cette rebuffade qui déjà pour lui, met en branle jusqu’aux fondements même de l’édifice des relations avec sa mère».

Lacan prend aussi en compte comme élément réel ayant intervenu dans l’apparition de sa phobie, la naissance de sa petite sœur, Anna.

Après cette énumération, Lacan ajoute «Pour l’instant ce qui nous occupe, c’est la façon dont ce signifiant va opérer au milieu de tout cela». Il va opérer comme un soc dans le réel.

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