Rêves tout simples et rêves d’enfants

Dans ce chapitre III intitulé «  le rêve est une réalisation de désir », Freud décrit quelques rêves qu’il qualifie de « simples ». Et bien sûr on peut se poser la question de ce qu’il entend par là. De la série d’exemples qu’il donne, il me semble qu’on peut en déduire qu’ils sont simples à déchiffrer et donc à interpréter. Ils ne font pas mystère du désir qui s’y exprime. Celui-ci n’est pas masqué, déguisé, comme il le précisera dans le chapitre suivant sous le titre la « défiguration du rêve ».

Ces caractéristiques étant posées on peut aisément les retrouver dans quelques-uns des rêves décrits, le premier rêve de soif que Freud raconte avant celui du rêve de l’urne cinéraire, mais aussi dans tous les petits rêves d’enfants où quelques-unes des frustrations de la journée se transforment en désirs réalisés dans les rêves de la nuit. Ils s’y expriment tous de façon explicite et ne recèlent aucun mystère.

Mais peut-on dire qu’ils sont de ce fait qu’ils sont quand même des désirs inconscients ? Peut-on, par exemple, les inscrire sur la chaîne signifiante du haut du graphe ou les maintenir seuelement sur la chaîne du bas, celle où on inscrit le contenu manifeste du rêve?

En posant cette question, on trouve la réponse : dans les rêves dits simples, les deux chaînes du graphe du désir, celle de l’énoncé et de l’énonciation sont confondues. Elles représentent en effet l’une, le contenu manifeste du rêve et l’autre son contenu latent. Dans les rêves simples, il n’y a pas de différence entre les deux.

En somme dans les rêves simples le désir inconscient s’y manifeste en clair en tant que le rêve est réalisation de ce désir. Dans les autres rêves, ce désir inconscient subit une défiguration, il se masque et se dérobe.

Les deux rêves de soif de Freud illustre ces deux catégories de rêves, dans le premier il exprime son simple désir de boire, dans le second ce même désir se complexifie avec l’apparition de l’urne funéraire comme récipient dans lequel sa soif ne peut même pas être apaisée, mais également dans le fait que c’est sa femme qui lui donne à boire.

Un des rêves d’enfant que Freud rapporte rend compte des deux sortes de désir, l’un explicite, l’autre masqué : Il s’agit du rêve d’une de ses filles âgée de huit ans : «  Nous avions emmené avec nous à Hallstalt le garçon de nos voisins âgé de douze ans, un chevalier accompli qui, à ce qui sembla, jouissait déjà de toutes les sympathies de notre petit bout de femme. Or voici que le lendemain elle raconta le rêve suivant : Imagine, j’ai rêvé qu’Émile était de notre famille, qu’il vous disait papa et maman et qui dormait avec nous dans la grande chambre des garçons. Alors maman arrivait dans la chambre et jetait sous nos lits une poignée de grandes barres de chocolat dans du papier bleu vert. Là dessus les frères qui n’ont pas appris par transmission héréditaire à interpréter les rêves déclarèrent tous comme nos auteurs : ce rêve est stupide. La fille défendit une partie du rêve et il est très utile pour la théorie des névroses de savoir laquelle. Qu’Émile fasse complètement partie de notre famille c’est stupide mais pas les barres de chocolat. C’est justement ce dernier point qui était obscur pour moi. »

C’est avec ces barres de chocolat que ce rêve tout simple, se complexifie. Condensation et déplacement y sont sans doute à l’œuvre pour travestir ce désir. Même Freud ne sait pas ce que sa fille a voulu leur dire. Nous encore moins.

Laisser un commentaire

Navigate