Pour reprendre le fil de notre lecture, nous en sommes toujours aux rêves que Freud appelle “ rêves oedipiens” ou encore “ rêves de rapport sexuel avec la mère”. Jusque à ces jours-ci, il m’avait échappé que ces rêves de naissance dans l’eau étaient également des rêves de rapport sexuel avec la mère.
Sont donc considérés comme rêves oedipiens, le rêve de la petite maisonnette entre deux imposants palais, puis les rêves de déjà vu et d’avoir déjà été là. avec notamment celui où l’analysant se trouve à l’intérieur d’un puits profond et se trouve donc là en mesure d’observer, à l’intérieur du corps maternel le coït parental, mais aussi donc ce “beau rêve d’eau” qui se trouve donc p. 442. Nous sommes toujours dans le chapitre “ Le travail du rêve”.
Il a l’avantage d’être très bref : “Pendant son séjour d’été au lac de *** elle se jette dans l’eau sombre, là où la lune pâle se reflète dans l’eau”.
Pour l’interpréter Freud nous annonce qu’il “a abouti à une utilisation particulière dans la cure”. C’est en effet un détail important puisque ce n’est pas en effet simplement un fantasme de naissance mais de renaissance au cours de la cure. On trouve donc là, dès sa découverte de la psychanalyse, avec son interprétation du rêve, ce qu’il reprendra beaucoup plus tard, dans l’analyse de l’Homme aux loups, son désir d’être sauvé, guéri par Freud, s’exprimant dans ce double fantasme de renaissance et de retour au ventre maternel.
C’est donc important de repérer ce que Freud trouve déjà à en dire. Il écrit : “ Les rêves de ce type sont des rêves de naissance. On parvient à les interpréter si on inverse les faits objectifs communiqués dans le rêve manifeste.”
Se jeter dans l’eau = sortir de l’eau = être mis au monde.
La lune pâle se sont les fesses. C’est par l’anus que naissent les enfants selon les théories sexuelles infantiles.
Freud interprète ainsi ce rêve “ Que peut donc signifier le fait que la patiente se souhaite d’être “mise au monde pendant son séjour d’été”. J’interroge la rêveuse qui me répond sans hésiter, ne suis-je pas mise au monde une seconde fois dans la cure ?
Et là Freud en donne une interprétation un peu légère, un peu évasive, à l’usage de ses lecteurs “ Ce rêve devient ici une invitation à continuer le traitement dans cette villégiature estivale, c’est-à- dire à lui rendre visite là-bas. Il contient peut-être aussi une suggestion tout à fait timide du désir de devenir mère elle-même”.
Ce rêve présente donc l’intérêt de montrer comment ces désirs de rapport sexuel avec la mère, de retour au ventre maternel sont remis en jeu dans l’analyse, dans le transfert. C’est par Freud qu’elle souhaite être remise au monde ou recevoir un enfant de lui. C’est par lui qu’elle veut être sauvée.
Je suis intriguée par les petites étoiles qui ont été mises à la place du nom du lac, comme s’il pouvait donner un indice qui permettrait de deviner qui elle était, son identité, ou un point de refoulement pour Freud lui-même.
A propos de ce rêve de renaissance au cours de la cure, j’ai été retrouver ce que Freud en disait longtemps après ces premières occurrences de l’Interprétation du rêve, dans son analyse de l’Homme aux loups. Cela se trouve p. 402 des Cinq Psychanalyses.
Cela vaut tout à fait le coup de s’y reporter car ce qu’on y découvre c’est que l’homme aux loups, y remet en scène toute la scène primitive auquel il avait assisté dans son enfance, ce dont témoignait son fameux rêve des loups.
Ce fantasme de seconde naissance, L’homme aux loups le mettait en scène par le noyau hystérique de sa névrose obsessionnelle, comme Freud l’appelle “ sa petite parcelle d’hystérie”. Son symptôme consistait en une constipation opiniâtre qui ne cédait que lorsque son valet de chambre ou lui-même ( par nécessité, nous dit Freud) lui administrait un lavement.
Cet acte était la représentation d’un rapport sexuel homosexuel, le clystère étant substitut du pénis.
Freud écrit “ Le fantasme d’une seconde naissance est ainsi étroitement lié à la condition de satisfaction sexuelle de par un homme. La traduction en serait la suivante : ce n’est que s’il se substitue à la femme, s’il acquiert le droit de se mettre à la place de la mère, afin de se laisser satisfaire par son père et d’avoir un enfant de lui, ce n’est qu’à cette condition que sa maladie le quittera. Le fantasme d’une seconde naissance n’était donc ici qu’une édition tronquée et censurée des fantasmes de désir homosexuel.
Mais regardons-y de plus près : nous verrons que le malade, par cette condition posée à la guérison, ne faisait que répéter la situation de ce que nous avons appelé la scène primitive”
Ce fantasme de seconde naissance est également associé à ce qu’il appelle un fantasme de retour au ventre maternel. Ce second fantasme concerne cette fois-ci la mère : “ On désire se retrouver dans la situation dans laquelle on était dans les organes génitaux maternels, l’homme s’identifie ainsi avec son pénis et s’en sert pour le représenter”. Les deux fantasmes se révèlent être des désirs de rapport sexuel ou avec le père ou avec la mère.
Donc quand Freud nous dit que ce rêve d’eau, ce rêve de renaissance de l’analysante, servit beaucoup dans la cure on ne peut qu’être d’accord avec lui, si en effet, il avait donné accès à ce qu’avait été pour elle cette scène primitive, noyau de sa névrose.