Psychanalyse

Rêves  de naissance et de retour au ventre maternel (suite) 

Je ne me suis pas trop arrêtée sur les rêves repris par Freud, celui de Jones, d’Abraham et de Rank, ( p. 443 et p.444)Je ne cite que ce fragment qui est évocateur de cette vie intra-utérine et de sa sortie de l’eau amniotique : 

“ Elle était au bord de la mer et surveillait un petit garçon qui semblait être le sien, tandis qu’il entrait en pataugeant dans l’eau. Ceci jusqu’à ce que l’eau le recouvre au point qu’elle ne voyait plus sa tête qui montait et descendait à la surface”.  

Mais de leur lecture j’ai quand même retenu ces quatre  points : 

1 – La note de Freud (p. 443).  D’une part , en évoquant “ les productions imaginaires et les pensées inconscientes relatives à la vie dans le ventre maternel”,  il en fait la source de nos aspirations à une vie dans l’au-delà”.   Comme si l’existence de cet en-deça d’avant notre naissance posait la nécessité de cet au-delà de la vie.   Il les met ensuite  en lien avec la crainte si fréquente d’être enterré vivant  mais aussi avec l’expérience de l’angoisse.  “La naissance est d’ailleurs la première expérience d’angoisse et partant la source et le modèle de l’affect d’angoisse”. 

2- A propos des rêves rapportés par Rank, Freud rapproche donc pour la première fois ces rêves de naissance avec les fantasmes de sauvetage et donc les fantasmes de sauvetage de l’analysant, en cours d’analyse, qui est un fantasme de guérison par l’analyste  ( se rappeler le fantasme de guérison de l’Homme aux loups, son désir d’être sauvé, guéri par Freud).  Suivant le sexe et l’objet, être sauvé c’est être mis au monde ou mettre soi-même un enfant au monde. Soit donner un enfant, soit le recevoir. 

Un rêve de naissance : “ un beau rêve d’eau”

Pour reprendre le fil de notre lecture, nous en sommes toujours aux rêves que Freud appelle “ rêves oedipiens” ou encore “ rêves de rapport sexuel avec la mère”. Jusque à ces jours-ci, il m’avait échappé que ces rêves de naissance dans l’eau étaient également des rêves de rapport sexuel avec la mère.

Sont donc considérés comme rêves oedipiens, le rêve de la petite maisonnette entre deux imposants palais, puis les rêves de déjà vu et d’avoir déjà été là. avec notamment celui où l’analysant se trouve à l’intérieur d’un puits profond et se trouve donc là en mesure d’observer, à l’intérieur du corps maternel le coït parental, mais aussi donc ce “beau rêve d’eau” qui se trouve donc p. 442. Nous sommes toujours dans le chapitre “ Le travail du rêve”.

Il a l’avantage d’être très bref : “Pendant son séjour d’été au lac de *** elle se jette dans l’eau sombre, là où la lune pâle se reflète dans l’eau”.

Pour l’interpréter Freud nous annonce qu’il “a abouti à une utilisation particulière dans la cure”. C’est en effet un détail important puisque ce n’est pas en effet simplement un fantasme de naissance mais de renaissance au cours de la cure. On trouve donc là, dès sa découverte de la psychanalyse, avec son interprétation du rêve, ce qu’il reprendra beaucoup plus tard, dans l’analyse de l’Homme aux loups, son désir d’être sauvé, guéri par Freud, s’exprimant dans ce double fantasme de renaissance et de retour au ventre maternel.

“ Ma vie avec le docteur Lacan”, celle de Jacques Roubaud

Il existe  un minuscule petit livre, il mesure à peine une dizaine de centimètres, mais il n’a vraiment pas besoin d’être plus grand puisque son texte ne contient tout au plus que quatre cinq phrases. Ce livre a été écrit par Jacques Roubaud. C’est à la fois un poète et un mathématicien.
Ce livre a été présenté sous un titre que je ne connaissais pas celui de biographie en oblique et il a pour titre “ Ma vie avec le docteur Lacan”. Je ne pouvais donc que me sentir concernée par cette vie-là !
Cette biographie est donc rédigée comme un compte-rendu, quelques notes jetées sur une page. Jacques Roubaud y note par exemple la similitude des prénoms entre sa fille et celle de Sylvia Bataille. Toutes deux s’appelaient en effet Laurence, mais surtout il y évoque plus que très brièvement, avec une grande sobriété, trois rencontres avec Lacan survenues à plusieurs années d’intervalle.
La première est d’ordre médical et même psychiatrique. Il écrit “ En 1961, après le suicide de mon frère, j’étais militaire,  rapatrié sanitaire du Sahara, au pavillon des isolés du Val de grâce; Le docteur Lacan accepta la responsabilité de me ma sortie et de mon retour dans mes foyers. Il me reçut une heure chez lui. Je ne me souviens que de silence.”

Au cours de la seconde rencontre qui était fictive, Jacques Roubaud avait en effet essayé de lire La lettre volée en compagnie de philippe Courrège, un mathématicien.

La troisième rencontre, selon ce qu’il en écrit, avait été provoquée par Lacan. Elle est ainsi décrite par Jacques Roubaud : “Un jour, à la fin de 1968; je reçus un coup de téléphone, je décrochais et j’entendis une voix qui me me dit “ c’est moi”. Il y eut un long silence, “Ici, Lacan”. Il a ensuite prononcé d’autres mots mais dont il n’est pas sûr “ Il faut que nous nous voyons”.

Rêves oedipiens

Sous cette dénomination, « rêves oedipiens », Freud camoufle lui-même ce qu’il décrit comme des rêves de rapports sexuels avec la mère. Ces rêves ne sont pas souvent transparents mais de fait camouflés.Nous en sommes à la page 440 de l’Interprétation du rêve ( J.P Lefèbvre)

Freud écrit “ Quand je souligne devant des patients la fréquence du rêve oedipien de rapport sexuel avec sa propre mère, on me répond ceci : je ne peux pas me souvenir d’un rêve pareil. Mais peu après remonte le souvenir d’un autre rêve, non reconnaissable et indifférent, qui s’est répété fréquemment chez la personne concernée et l’analyse montre que c’est là un rêve de même contenu, à savoir un rêve oedipien.”

Rêve de la petite maisonnette entre deux grands palais

Ce chapitre intitulé “le travail du rêve” est quasiment interminable. Nous en sommes p.439:440. En essayant d’avancer dans tout un maquis d’exemples de rêves dits typiques, avec parmi eux, outre les rêves à stimulus dentaire, des rêves de chute et de vol, ou de nage, j’ai isolé un joli petit rêve qui paraît anodin et qui exprime l’intense frustration pulsionnelle de l’analysant à l’égard de sa femme.
Freud l’utilise donc pour rappeler à nouveau que les rêves une fois analysés expriment toujours des désirs sexuels mais à la suite de ce rêve, il semblerait même que Freud avance qu’ils expriment de plus toujours des désirs oedipiens.
Voici le texte de ce rêve et la façon dont Freud l’introduit : “ Que les rêves, à première vue évidemment innocents incarnent de grossiers désirs érotiques est une thèse que nous avons déjà posée en d’autres lieux et que nous pourrions durcir par de nombreux nouveaux exemples. Mais il y a aussi beaucoup de rêves d’apparence indifférente, chez lesquels dans aucune direction, on ne remarquerait quoique ce soit de spécial, et qui, après analyse, de manière inattendue, se ramènent souvent à des mouvements désirants incontestablement sexuels.

“ Le rêveur raconte : “ entre deux palais imposants se dresse un peu en retrait une petite maisonnette dont les portes d’entrée sont fermées. Ma femme me conduit sur le bout de chemin qui va de la rue à la maisonnette, pousse la porte, et je me faufile alors rapidement et sans difficulté à l’intérieur d’une cour en pente qui monte en biais.

Du bon usage du désir de guérir

je vous rappellerai plutôt l’importance des fantasmes de sauvetages de l’analysant et de l’analyste pour la psychanalyse. J’ai essayé de vous montrer en quoi ils étaient nécessaires, pour le travail que poursuit l’analysant mais surtout par rapport au terme de l’analyse mais ils sont également très utiles, en tant que fantasmes de grossesse du psychanalyste, pour mettre en quelque sorte en acte, les successives réinventions de la psychanalyse par chaque psychanalyste ou encore pour cerner au plus juste ce qu’il en est de la formation du psychanalyste.

Rêves typiques; ceux “où on n’arrive pas à prendre son train” et rêves d’examen

Les rêves de difficulté à prendre le train se trouvent p. 426 dans le chapitre donc sur la symbolique du rêve.
Freud renvoie, à propos de ces rêves de train et de peur de mourir à la page 282, où il décrivait toute une première série de rêves dit typiques et notamment ceux des rêves d’examen (p.316 à 318) . Ils ont une visée commune, celle de rassurer le rêveur,

Ces rêves de difficulté à prendre le train sont en effet des rêves de réconfort face à un autre mouvement d’angoisse ressenti pendant le sommeil, l’angoisse de mourir. Partir en voyage est l’un des symboles de mort les plus fréquents. Le rêve dit alors en consolation : sois tranquille, tu ne vas pas mourir( partir)” de même que le rêve d’examen était rassurant à la veille d’un événement qui compte pour le rêveur : “cette fois-ci, non plus il ne t’arrivera rien, tu réussiras… “. La difficulté qu’il y a comprendre les deux types de rêve provient de ce que l’impression d’angoisse est précisément rattachée à l’expression de réconfort.”
C’est par ce procédé que le rêve est défiguré.

Rêve d’un chimiste

Ce rêve se trouve p. 423 de l’Interprétation du rêve ( version J.P Lefebvre)  dans le chapitre consacré à la symbolique dans le rêve.  Freud nous indique que c’est le rêve d’un chimiste qui essaie d’abandonner ses activités masturbatoires pour les tourner vers l’objet féminin.   Il est en fait composé de deux parties. “ Il doit faire du bromure de phénylmagnésium, voit l’appareillage très nettement, mais il s’est lui-même substitué au magnésium.  Il est alors dans un état général bizarrement vacillant, ne cesse de se dire : c’est ce qu’il faut, ça va, mes pieds se dissolvent déjà […] là-dessus il se réveille partiellement, se répète le rêve parce qu’il veut me le raconter. Il a peur directement que le rêve se dissoulve, pendant tout ce demi-sommeil il est très énervé et ne cesse de se répéter : phényl, phényl

La deuxième partie du rêve : “ Il est avec toute  sa famille à … ing, il doit être à onze heures trente à un rendez-vous au Schottentort avec une certaine dame, mais il ne se réveille qu’à onze trente. Il se dit qu’il est trop tard pour y arriver, il sera midi et demi. Le moment d’après il voit toute sa famille assemblée autour de la table et de manière particulièrement nette sa mère et sa bonne avec la soupière.  il se dit alors : bon si on mange déjà, bien sûr que je  ne peux plus partir.”  

Le Noeud Borroméen et quelques règles données par Lacan concernant son maniement ( version podcast) 

Bienvenue sur ce site de podcasts Une psychanalyse à fleur d’inconscient.  Claude Lévi-Strauss, dans l’un de ses ouvrages, “La Pensée sauvage”, avait consacré un chapitre à ce qu’il appelle l’art du bricolage. Je trouve que la façon dont Lacan utilise ces bouts de ficelle relève en effet de cet art.

C’est en 1972 que Lacan a emprunté à Guilbaud ce nœud borroméen. Il a trouvé qu’il lui allait « comme bague au doigt » pour y démontrer ce qu’il avait déjà mis en évidence depuis fort longtemps, les trois registres du symbolique, de l’imaginaire et du réel (1).
Théodule Guilbaud était un mathématicien qui s’était lui aussi intéressé à l’application des mathématiques aux sciences sociales.

Je voudrais vous parler aujourd’hui de l’usage que Lacan a essayé de faire de ce nœud borroméen en le transplantant dans le champ de la psychanalyse.

C’est d’une façon très tardive, de 1973 à 1976, au cours des trois séminaires « Les non-dupes errent », « RSI » et « le Sinthome », qu’il élabore alors un nouveau mode d’approche de la psychanalyse avec sa théorie des nœuds, avec ce qu’il appelle ses ronds de ficelle.

Comment Hanns Sachs analyse le rêve de Bismarck, sans la présence, ni l’aide du rêveur (Suite)

C’est intéressant de voir comment, malgré l’absence du rêveur et de ses associations, l’analyste, Hanns Sachs analyse ce rêve grâce justement à la symbolique du rêve mais aussi en prenant appui sur les circonstances dans lesquelles Bismarck avait fait ce rêve, circonstances qui sont rapportées par l’auteur de ce rêve dans ses mémoires.

Pour rappel, je reprends le texte de ce rêve : “ J’ai rêvé et raconté dès le lendemain matin à ma femme et à d’autres témoins que je chevauchais sur un étroit sentier des Alpes, l’abîme à droite, les rochers à gauche ; le sentier se rétrécissait soudain, en sorte que le cheval se mettait à refuser et il était impossible à cause du manque de place de faire demi-tour ou de descendre de cheval ; j’ai alors frappé avec ma cravache, que je tenais dans la main gauche; sur la paroi rocheuse entièrement lisse en implorant Dieu. La cravache s’est alors allongée à l’infini, la paroi à basculé comme un décor de théâtre, découvrant un large chemin avec vue sur les collines et une vaste forêt comme en Bohème, ainsi que des troupes prussiennes derrière leurs drapeaux, et en moi-même, toujours dans le rêve, je pensais à la façon dont je pourrais promptement faire savoir tout cela à votre majesté. Ce rêve s’est accompli et je m’en suis réveillé joyeux et ragaillardi.”
Nous en sommes donc p. 419. Le titre du paragraphe étant intitulé “ Un rêve de Bismarck”.

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