Le petit Hans sauvé de la psychose par sa phobie


La première occurrence qui concerne l’analyse du Petit Hans par Lacan se trouve dans la séance du 27 février de la relation d’objet. Il y évoque le fantasme des deux girafes. La seconde occurrence se trouve dans la séance du 6 mars 1957. C’est une séance formidable. Il y a beaucoup de pistes à suivre.  Il y avait plusieurs possibilités de lecture qui s’offraient à nous. La première, la plus simple, était celle de suivre tout d’abord ce que Lacan nous dit de son histoire.

La seconde approche consistait à intégrer dans cette séance du séminaire ce commentaire du Petit Hans en fonction du schéma qu’il a mis en exercice cette année là, celui de la frustration, privation, castration. Ces plusieurs pistes pouvaient être suivies. C’est ce que j’ai tenté de faire dans la partie 6 de ce commentaire de la séance.

1 – Une définition de ce qu’est la castration symbolique d’un objet imaginaire par le père réel. C’est pour expliciter ce qu’est cette intervention du père réel, que Lacan reprend la phobie du petit Hans, pour y démontrer en quoi justement cette intervention du père réel y est en défaut.

2 – Comment la phobie est quelque chose qui vient remédier à cette défaillance du père réel.

3 – Comment ce qui provoque la phobie, c’est l’intervention du pénis réel du Petit Hans. Cela fait penser à ce proverbe anglais que j’aime beaucoup : ce n’est pas le chien qui remue la queue, c’est la queue qui remue le chien. C’est elle qui réveille l’angoisse du Petit-Hans.

4 – Dans cette séance il y a aussi deux termes qui sont avancés par Lacan, celui de « pénis réel », celui du Petit-hans et celui du père, et il y a aussi le terme de « Père réel », opposé au père symbolique et au père imaginaire. En somme si j’ai bien compris, le pénis réel du Petit-Hans remue un peu trop tandis que celui de son père ne remue pas assez.

De ce que j’ai pigé, le père réel intervient en tant qu’agent de la castration, en tant que c’est lui qui détient le pénis réel, en tant qu' »il est de son appartenance ». Pour le Petit Hans, son pénis à lui fait du remue-ménage mais le pénis réel du père ne fait pas ses preuves. C’est ce qui déclenche son angoisse et l’apparition de sa phobie.

Donc pour résumer l’histoire du Petit Hans trouve place dans ce que Lacan élabore dans chacune de ces séances, autour de son schéma de la castration, privation, frustration. Il entend consacrer cette séance à la castration symbolique d’un objet imaginaire par le père réel. C’est là qu’est justifié pour Lacan la nécessité de la phobie, il n’y a pas pour le Petit-hans de père réel, celui qui est agent de cette castration symbolique. C’est lui qui ne remplit pas sa fonction.

4 – Mais il y a un point que je n’ai pas abordé la dernière fois et qui est presque le clou de cette séance du séminaire de la relation d’objet, je ne l’ai pas abordée pour mieux la souligner, la mettre en évidence : il y a dans ce texte une petite phrase qui pourrait aisément échapper à notre attention et pourtant elle est essentielle elle marque une ligne de partage des eaux entre la névrose et la psychose, c’est là, en ce point même où nait la phobie du Petit Hans. C’est un point de bifurcation du fait qu’il y a eu ou non une Verwerfung , une forclusion de ce signifiant du père. C’est à retrouver dans le texte.

« Ne voyez-vous pas qu’au moment où apparaît chez l’enfant sous la forme d’une pulsion dans le sens le plus élémentaire du terme, quelque chose qui remue, le pénis réel, c’est à ce moment là que commence à apparaître comme un piège ce qui longtemps a été le paradis même du bonheur, à savoir ce jeu où on est ce qu’on est pas, où on est pour la mère tout ce que la mère veut, parce que bien entendu je ne peux pas parler de tout à la fois, mais tout cela dépend du fait après tout de ce que l’enfant est réellement pour la mère, et nous allons essayer d’y mettre tout à l’heure quelque différence, et nous allons tâcher d’approcher de plus près ce qu’était Hans pour sa mère.

Mais pour l’instant nous restons dans ce point crucial qui nous donne le schéma général de la chose. Jusque là l’enfant, d’une façon satisfaisante ou pas – mais après tout dont il n’y a aucune raison de ne pas voir qu’il peut mener très longtemps ce jeu d’une façon satisfaisante – l’enfant est dans ce paradis du leurre avec un peu de bonheur, et même très peu pour sanctionner cette relation si délicate qu’elle puisse être à mener. Par contre l’enfant essaie de se couler, de s’intégrer dans ce qu’il est pour l’amour de la mère, mais à partir du moment où intervient sa pulsion à lui, son pénis réel, apparaît ce décollement dont je parlais tout à l’heure, à savoir qu’il est pris à son propre piège, qu’il est dupe de son propre jeu, que toutes les discordances, que toutes les béances, et la béance particulièrement immense qu’il y a entre le fait de satisfaire à une image et de, lui, avoir là justement quelque chose à lui présenter, à présenter cash si je puis dire, et ce qui ne manque pas de se produire n’est pas simplement que l’enfant, dans ses tentatives de séduction, échoue pour telle ou telle raison, ou qu’il soit refusé par la mère qui joue à ce moment là le rôle décisif. C’est que ce qu’il a en fin de compte à présenter est quelque chose qui peut lui apparaître à l’occasion, et nous en avons mille expériences dans la réalité analytique, comme quelque chose de misérable. A ce moment le fait que l’enfant soit mis devant cette ouverture, ce dilemme, ou d’être le captif, la victime ou l’élément sacrifié d’un jeu où il devient dès lors la proie des significations de l’Autre.C’est très précisément en ce point que s’embranche ce que je vous ai indiqué l’année dernière comme l’origine de la paranoïa, parce qu’à partir du moment où le jeu devient sérieux, et où en même temps ce n’est qu’un jeu de leurre, l’enfant est entièrement suspendu à la façon dont le partenaire indique par toutes ses manifestations, pour lui toutes les manifestations du partenaire deviennent sanction de sa oui ou non suffisance. C’est ce qui se passe très précisément dans la mesure où cette situation est poursuivie, c’est-à-dire où ne vient pas intervenir la Verwerfung laissant dehors ce terme du père symbolique, dont nous allons voir dans le concret justement combien il est nécessaire. Laissons le donc de côté pour l’autre enfant, pour celui qui n’est pas dans cette situation très particulière de voir et d’être livré entièrement à partir de ce moment, à l’œil et au regard de l’autre, c’est-à-dire au paranoïaque futur. Pour l’autre la situation est littéralement sans issue par elle-même. Bien entendu elle est avec l’issue puisque si je suis là, c’est pour vous montrer en quoi le complexe de castration en est l’issue ».

C’est là que les deux chemins de la névrose et de la psychose se séparent. Le Petit-Hans a pu choisir le bon chemin, même si c’est au prix de sa phobie. C’est elle qui l’a sauvé de sa psychose.

Est-ce que ça ne vous évoque pas les dernières élaborations de Lacan concernant le noeud borroméen, le fait que les trois ronds du symbolique, de l’imaginaire et du réel puissent s’en aller tous les trois chacun de leur côté et pourtant tenu ensemble par le sinthome ou encore – c’est une autre façon de le formuler, le fait que le noeud de trèfle raté puisse être réparé par lui. C’est ce qui est arrivé avec sa phobie.

 

 

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