Comment nettoyer « l’épave » du structuralisme, la remettre à neuf ?

 

 

Il n’existe que deux occurrences du graphe du désir dans ce séminaire de l’objet de la psychanalyse. Lacan les  met toutes les deux en rapport avec le structuralisme. La première est dans la séance du 8 décembre 1965. Elle pourrait avoir pour titre : le graphe appartient au « monde topologique » :

« … Si mon enseignement a un sens et s’il est cohérent avec le structuralisme qu’il met en valeur, s’il a pu se poursuivre et s’édifier an par an, il me semble qu’il est assez normal de considérer qu’il a trouvé faveur dans ceci que la formulation structuraliste, pour se fonder –rappelez-vous, ce qui le peuvent, mon premier graphe échafaudé pendant toute une année, patiemment, rappelez-vous, ce premier graphe, ce rapport en réseau des fonctions déterminantes de la structure du langage et du champ de la parole – si cette structure en réseau a par exemple un avantage c’est précisément d’appartenir à un monde topologique (je l’emploie vite pour me faire entendre) ce qui veut dire où les connections ne se perdent pas parce que le fond est déformable, souple, élastique. Ce n’est pas nouveau ça.  Même les gens les plus rebelles ont très bien compris de quoi il s’agissait. De sorte que c’est ce qui permet que l’édifice ne s’écroule pas, ne se déchire pas en raison des modifications de proportions de la métrique de l’ensemble quand j’apporte de nouveaux termes et que comme tout à l’heure je l’évoquais, après l’être et l’avoir, je parle du désir et de la demande, il s’agit de s’apercevoir où la structure les branche ces quatre termes l’un sur l’autre. Il ne semble pas que ce soit à proprement parler impossible… vous avez le graphe, le graphe à deux étages et la fonction de la parole pour autant que s’y différencie l’énonciation de l’énoncé. »

Où brancher en effet ces quatre termes, Demande et désir d’une part, être et avoir, d’autre part, sans compter ces deux autres de l’énoncé et de l’énonciation ? Cela n’est en effet pas impossible, puisqu’il les a déjà inscrit depuis de longues années de séminaire sur ce graphe.

Pour ce qu’il en est de l’énoncé il s’inscrit sur la chaîne signifiante inférieure renvoyant à la chaîne signifiante supérieure qui est celle de l’énonciation, elle est encore appelée chaîne signifiante inconsciente ou encore ligne du complexe de castration.

 énoncé-énonciation

De même on peut inscrire sur ce graphe du désir ce qu’il en est de la demande et du désir. Pour ce qu’il en est de la demande elle s’inscrit sur les deux étages du graphe, une première fois, au point du message, comme demande signifiée, demande de satisfaction du besoin, mais elle s’inscrit aussi au niveau de la chaîne signifiante inconsciente, en tant que signifiant de la pulsion, qui s’inscrit sur le graphe avec cette écriture S barré (le sujet) poinçon de grand D.

demande-désirLa ligne du désir part du petit d, en tant que désir, désir de l’Autre,  pour aller vers la formule du fantasme qui se lit S barré poinçon de petit a.

Dans une séance ultérieure, celle du 23 mars, il pose la nécessité d’effectuer une sorte de nettoyage de ce terme même de structuralisme. Il affirme : « Je me suis donné un mal énorme, au cours des nombreuses années de mon enseignement, pour faire parvenir à un milieu qui n’était pas spécialement prépa­ré à le recevoir, un certain nombre d’informations plus spécialement concernant le champ de la linguistique. Vous avez déjà senti depuis longtemps ce que je peux avoir là-dessus de légère nostalgie. Le résultat est que, après quinze ans de cet enseignement, j’ai mis -peut-être un petit peu avant les autres ce petit milieu qui était celui sur lequel j’opérais, – au parfum, au parfum de quelque chose qui, maintenant, cavale tellement partout, à tous les carrefours, à tous les coins de rue, voire sous le nom plus ou moins approprié qui sera bientôt même absolument impossible à nettoyer tellement il va être couvert de ces diverses incrustations de coquillages qui revêtent les épaves, le mot de structuralisme. C’est que c’est plu­tôt là qu’il va s’agir de procéder à un très, très sérieux nettoyage pour tout de même dire quel est le nôtre, de structuralisme. »

Or comment effectuer ce nettoyage, ce décapage de ce bateau devenu au fil du temps épave,  si ce n’est justement en prenant appui sur le graphe du désir ? Avec lui on peut redonner toute sa portée à la fonction et au champ de la parole et du langage. En effet avec le graphe du désir on ne peut que constater ce que Lacan définissait comme un pléonasme à savoir l’association à des fins explicatives de ces deux mots : structure et langage. Voici ce qu’il en disait à Gilles Lapouge au moment de la parution de ses Ecrits :  » La structure n’a pas la même signification pour chacun. Ainsi pour moi, le mot structure désigne exactement l’incidence du langage comme tel dans ce champ phénoménal qui peut être groupé sous la rubrique de ce qui est analysable au sens analytique. Je précise dans le champ de ma recherche dire  » structuré comme un langage  » est un pléonasme « . C’est une redondance car il n’est en effet de structure que du langage. Pour le dire  encore d’une autre façon : la structure c’est le langage et le graphe du désir est là pour en rendre compte, pour le démontrer.

2 Comments

  1. pouyaud Patrick Reply

    Bonjour Chère Liliane,
    Merci pour cette très explicite reprise pas à pas du Graphe, que je m’empresse de publier et de garder précieusement.
    Vôtre.
    Patrick

    • Fainsilber Reply

      Merci Patrick ! Cela me fait plaisir. Je vais travailler de près toutes les occurrences de ce graphe du désir dans les séminaires. Il y aura donc une suite. Liliane.

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