« Un beau rêve »

Dans ce chapitre VI, «  Le travail du rêve », pour décrire ce qu’est le mécanisme de formation du rêve qu’est la condensation Freud prend appui sur trois rêves, le rêve de la monographie botanique qui lui sert en quelque sorte de modèle, puisqu’il est déjà interprété, et deux autres rêves qu’il va interpréter devant nous, celui intitulé « un beau rêve » et aussi le rêve d’une femme obsessionnelle, nommé « rêve du hanneton » ( Bientôt on ne saura même plus ce qu’est un scarabée ou un hanneton, ils auront tous disparu).

Ces deux rêves ont un grand intérêt parce qu’on voit comment Freud s’y prend pour analyser les rêves qui ne sont pas les siens. Comment il y intervient avec ses propres associations notamment.

De plus ce qui sert de fil de lecture de ces pages sur le travail du rêve, ses procédés de fabrication, ce sont ces vers de Goethe sur les mille et un fils d’un tissage :

« Une poussée du pied mobilise mille fils,

Et les navettes filent par-dessus, par-dessous,

Les fils s’écoulent sans qu’on les ait vus,

D’un coup mille liens entre les fils se nouent. »

Voici le texte de ce « Un beau rêve »

«  Une voiture l’emmène, en nombreuse compagnie, dans la rue X. où se trouve une modeste auberge-pension ( ce qui n’est pas exact) Dans les pièces de celle-ci, on joue du théâtre ; il est tantôt public, tantôt comédien. A la fin on lui dit qu’il faut se changer pour revenir en ville. Une partie du personnel est commise aux pièces du rez-de-chaussée, l’autre envoyée dans les pièces du premier étage. Survient alors une querelle. Ceux du haut sont fâchés que ceux du bas n’aient pas fini et qu’ils ne puissent donc pas descendre. Son frère est en haut, lui est en bas. Fâché contre son frère qu’on soit pressé de la sorte. ( Cette partie n’est pas claire). On avait, au demeurant, dès l’arrivée, défini et réparti qui devrait être en haut et qui devait être en bas. Il monte ensuite seul la côte que la rue X. franchit en direction de la ville, et marche si lourdement, si péniblement qu’il ne bouge pas de l’endroit où il est. Un monsieur d’un certain âge vient l’accompagner en proférant des injures sur le roi d’Italie. A la fin de la côte il marche alors bien plus facilement.

Le texte de ce rêve m’a fait penser à une astuce de Lacan qui avait rappelé, mais je ne sais plus en quelles circonstances, qu’une route qui monte est la même que celle qui descend. C’était dans un de ces derniers séminaires. Il est question dans ce rêve de la montée et de la descente qui peut être rapide de l’échelle sociale, pour les femmes, en ce début du vingtième siècle, il s’agit d’entrer dans le demi-monde, avant de devenir « fille des rues ». Pour les hommes, il s’agit de réussite sociale ou de faillite. Rien de bien nouveau sous le soleil, selon la maxime romaine «  La roche tarpéienne est près du capitole. On peut donc descendre aussi vite qu’on est monté. Mais en haut et en bas peut aussi évoquer, comme le suggère Freud, des positions sexuelles et aussi bien des déplacements de symptômes hystériques du bas vers le haut, comme par exemple la dyspnée et la toux de Dora.

J’ai coloré les différents fragments du rêve que Freud a isolé pour suivre le fil des associations qui toutes en partent et qui viennent toutes se rejoindre autour d’un souvenir de son enfance, celui d’avoir été porté et nourri par sa mère. C’est ainsi que dans ce rêve, au détour de toutes ces fils suivis on retrouve l’objet petit a oral, le sein, ceux de sa mère, la nourrice, mais aussi ceux de sa maîtresse qui faisaient partie de ses charmes de ce que nous en indique Freud.

On peut mesurer dans ce rêve la façon dont cet objet, cette «  agalma » vient se glisser dans l’image de l’autre en tant qu’objet érotique et être source de sa séduction.

J’ai fait un beau schéma de tous les fils d’association mais comme il n’est pas très lisible. Je cite donc ces trois principaux fils : Premier fil, celui de la difficulté de la marche, mène à son symptôme hystérique accompagné de dyspnée qui date de plusieurs années «  une tuberculose, sans doute feinte hystériquement ». Cela peut donc évoquer ce roman si célèbre à l’époque de la dame aux camélias.

Second fil, celui de « la montée difficile au début et plus facile la fin ». Freud y va de ses propres associations en proposant le « Sapho » d’Alphonse Daudet. Un jeune homme y monte l’escalier en portant sa bien-aimée, au début elle est légère et très lourde à la fin. (inversion dans le rêve).

L’analysant associe à son tour sur la pièce de théâtre qu’il avait vu la veille, « Tout autour de Vienne ». qui traite de la vie d’une demi-mondaine. Il y ait donc question des hauts et des bas de la vie.

Une autre pièce «  De marche en marche ». Sa maîtresse depuis abandonnée était comédienne.

Troisième fil, le plus important, celui qui part de «  L’auberge-pension ». Une première citation y est associée «  d’un aubergiste très gentil, je fus l’hôte il y a peu… »

Puis les vers de Goethe sur les pommes du pommier et on arrive ainsi à la scène finale «  les jolis seins figuraient aussi au sommet de l’échelle des charmes par lesquels la comédienne avait fasciné mon rêveur.

Le renvoi à une scène de l’enfance : « de fait, pour l’enfant, le sein de la nourrice est l’auberge-pension ».

 

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