La métaphore et la condensation dans le travail du rêve

Dans son article très important des Écrits, « L’instance de la lettre dans l’inconscient », il me semblait bien que Lacan posait comme équivalentes, dans le travail du rêve, la condensation et la métaphore. Or, à une lecture attentive de ce qu’est, pour Freud, la condensation, dans ce chapitre intitulé « Le travail du rêve » et notamment en reprenant tous les signifiants du rêve de l’injection faite à Irma, il semble bien que les deux termes ne sont quand même pas tout à fait équivalents ou superposables. En effet la métaphore est bien une condensation, mais il y a d’autres formes de condensations que celle de la métaphore. Par exemple quand Freud indique que sous le personnage d’Irma se cache en fait toute une longue série des femmes dans la vie de Freud, ses amies, ses analysantes, sa fille et enfin sa femme. Il en va de même du personnage d’Otto. Il y a bien en effet une condensation de tous les personnages mais est-ce pour autant une métaphore à savoir la substitution d’un signifiant par un autre signifiant avec effet de signifié ?

J’ai donc repris dans le texte ce que Lacan en écrit :

« La Verdichtung, condensation, c’est la structure de surimposition des signifiants ou prend son champ la métaphore et dont le nom pour condenser en lui même la dichtung indique la connaturalité avec la poésie, jusqu’au point où il enveloppe la fonction traditionnelle de celle-ci. » Cette phrase un peu entortillée se saisit mieux si on repère que la dichtung c’est la poésie qui est ainsi contenu dans le terme même de la condensation en allemand:Verdichtung.*

Il l’associe à deux autres mécanismes intervenant dans le travail du rêve, celui de la Verschiebung, ou déplacement associé à la métonymie. Enfin il évoque l’Enstellung qu’il traduit par « transposition ». C’est aussi la déformation ou même défiguration. C’est à proprement parler la transcription du désir dans la langue du rêve qui exige de tenir compte de la censure. Cette transposition utilise les deux mécanismes de la condensation et du déplacement.

Pour donner des exemples de ce qu’est la condensation, Freud reprend donc l’analyse des signifiants du rêve de l’injection faite à Irma et il décrit deux sortes de condensations, celle des personnages d’une part, celle des condensations de mots.(p. 335, p. 336).*

«  La fabrication de personnes globales et mixtes est l’un des principaux moyen du travail de la condensation onirique ». C’est dans ce contexte qu’il parle du procédé Galton avec superposition des images.

Freud isole « un autre cas de condensation intéressant dans le rêve » c’est l’évocation du « propylène ». Dans le contenu latent, ce n’est pas propylène qui y est mais celui d’«amylène ». Il les associe à «  Propylées » et comme ces propylées existent aussi à Munich il pense ainsi à son ami «  Wilhem » Fliess. On trouve aussi la formule chimique de la « triméthylamine ».

Dans son interprétation du rêve, au moment où il l’a présenté pour la première fois, Freud, à propos de cette formule chimique, écrit : « Je devine pourquoi la formule triméthylamine a pris toute cette importance dans le rêve : il y a tellement de choses importantes rassemblées dans ce seul mot. Triméthylamine n’est pas seulement une allusion au facteur sexuel et à sa toute puissance, le mot concerne aussi une personne dont je suis content d’évoquer l’approbation qu’elle me témoigne chaque fois que je me sens abandonné, moi et toutes mes vues. Ne faudrait-il pas que cet ami qui joue un si grand rôle dans ma vie, continue d’être présent plus largement dans le contexte des pensées déployées dans le rêve. Bien sûr que si ! Il connaît particulièrement bien les effets induits par les affections du nez et des fosses nasales et il a offert à la science la démonstration de corrélations extrêmement remarquables entre les cornets du nez et les organes sexuels féminins ( les trois formations chiffonnées dans la gorge d’Irma) (p. 155).

Dans les pages qui suivent il va encore décrire quelques exemples de condensation dans les rêves avec des mots qui sont un véritable galimatias tel ce rêve «  Tout ça va finir par un « Maistollnütz » général. »

Ma question reste ouverte : est-ce que toutes les condensations sont des métaphores même si les métaphores sont des condensations ? La façon dont Lacan dans cette citation indique le fait que la métaphore y prend son champ, peut laisser quand même supposer que d’autres champs y soient possibles et que donc que les deux termes ne sont pas identiques et superposables.

 

 

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