Lacan relit le rêve de celle qui refusait de faire accorder le piano

Dans la séance du 7 mai 1958 du séminaire Les formations de l’inconscient, Lacan reprend donc les trois rêves de cette analysante de Freud, cette jeune femme réservée, « du type de l’eau qui dort ».

Il indique, après avoir étudié le premier de ses rêves, celui où elle était arrivée trop tard au marché, le contenu manifeste du second «  Nous allons maintenant prendre le deuxième rêve […] Son mari demande : ne faut-il pas faire accorder le piano ? Ce n’est pas la peine ! Cela veut dire quelque chose comme ça ne paye ! Il faut d’abord le faire recouvrir. C’est la répétition d’un événement réel du jour précédent… »

Lacan souligne donc cette phrase «  Ce n’est pas la peine » : «  Elle l’a dite hier, dit Freud, comme elle était en visite chez une amie. On l’engageait à enlever sa jaquette, elle s’y est refusée en disant «  ce n’est pas la peine », je vais devoir m’en aller ». Je pense alors qu’hier pendant l’analyse, elle a brusquement porté la main à sa jaquette dont un bouton venait de s’ouvrir. C’était comme si elle vait dit je vous en prie ne regardez pas de ce côté, ce n’est pas la peine […] Ici nous nous trouvons sur l’autre face de la question. Si le phallus est le signifiant du désir et du désir de l’Autre, le problème pour le sujet, au premier pas de cette dialectique du désir, en voici l’autre versant, il s’agit d’être ou de n’être pas le phallus.

Fions-nous carrément à cette fonction de signifiant que nous accordons au phallus, disons ceci de même qu’on ne peut pas être et avoir été, on ne peut pas non plus être et n’être pas, et s’il faut que ce qu’on est ne pas soit ce qu’on est, il reste à ne pas être ce que l’on est, c’est à dire à ce qu’on est le repousser dans le paraître, ce qui est très exactement la position de la femme dans l’hystérie. En tant que femme, elle se fait masque pour précisément derrière ce masque, être le phallus, et tout le comportement de l’hystérique, ce comportement qui se manifeste par cette main portée au bouton dont l’oeil de Freud depuis très longtemps nous a habitué à voir le sens mais accompagné de la phrase « non, ce n’est pas la peine ». Pourquoi ce n’est pas la peine ? Bien entendu parce qu’il s’agit qu’on ne regarde pas derrière, parce que derrière il s’agit que le phallus y soit, Mais ce n’est vraiment pas la peine d’aller y voir, puisque justement on ne l’y trouvera pas »

En attendant, avec ces verbes être et avoir, y être et n’y être pas, Lacan se livre à un exercice de prestidigitation à propos de ce signifiant phallique, exercice qui, pour tout avouer, m’ a vraiment donné un peu le tournis. Ce qui me fait difficulté c’est le statut de l’hystérique par rapport à la dite position féminine.  Il me semble que pour Dora par exemple, c’est Madame K qui est ce signifiant du désir de l’Autre pour son père. Comme si en somme, pour une hystérique, c’était toujours l’autre femme qui l’était ce phallus dans le désir d’un homme et non pas elle-même.

Or,  dans ce rêve, quand elle boutonne son corsage, c’est bien elle qui l’est.   Je trouve que pour Lacan non plus, ce n’est pas très clair puisque là, si on s’en tient à sa formule, c’est équivalent : être une femme c’est être hystérique.

J’ai retenu aussi, dans cette séance, ce terme souligné par lui, mais souvent utilisé, celui de « provocation hystérique ». Il suggère en effet, par son étymologie(vocare), un appel et même une interpellation et donc une attente de réponse mais de qui ? Il y a fort à parier que ce soit celle du père.

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