Quand Freud critique, dans son rêve, le style « norekdal » de son cher confrère

Le premier de ces deux rêves qu’on peut qualifier de rêves-charabias se trouve page 338 de la version J.P Lefebvre. Dans le chapitre  » Le travail du rêve » et dans le sous chapitre A- Le travail de condensation. Freud, dans ce chapitre, reprend le rêve de la monographie botanique parce qu’il est déjà interprété, pour décrire ce mécanisme de formation du rêve qu’est la condensation. Il démontre en effet comment toutes les pensées du rêve viennent toutes converger vers ces deux représentations verbales que sont « la monographie botanique ».

Il prend ensuite pour exemple le rêve des scarabées de mai, puis on trouve deux rêves que l’on peut qualifier de rêves /charabias où au cœur même du rêve se trouve une néoformation composée de plusieurs mots qui s’emboutissent les uns dans les autres.

Ces deux rêves sont introduits par cette phrase  de la 337. «  C’est quand il a choisi les mots et les noms destinés à ses objets que le travail de condensation du rêve est le plus tangible. D’une manière générale, les mots sont fréquemment traités comme des choses par le rêve et connaissent alors les mêmes combinaisons que les représentations de choses. Il résulte de ce genre de rêves des créations verbales drôles et bizarres. » Ce sont ces représentations verbales qu’il illustre avec ces deux rêves.

Pour interpréter ce premier rêve, il commence par son contexte, à savoir ce qui l’a occasionné la veille. C’est souvent à partir de là que commence l’interprétation. «  Un jour qu’un confrère m’avait fait parvenir un article de sa main dans lequel une découverte physiologique de l’époque moderne était à mon sens surestimée et surtout traitée en un style ampoulé, j’ai rêvé la nuit suivante d’une phrase qui manifestement faisait référence à ce traité : «c’est un style véritablement norekdal ».

On voit bien avec ce petit rêve en quoi consiste la condensation, entre la pensée du rêve et son contenu manifeste, juste avec ce qui a provoqué le rêve la veille et le texte du rêve.

Il analyse maintenant le mot lui-même qui est lui aussi condensé. Il commence par indiquer que c’est un mot parodique, un superlatif, comme « colossal » ou « pyramidal ».

Il le décompose ensuite en deux autres noms «Nora » et « Ekdal ». Deux personnages d’Ibsen.

Or la veille, il avait aussi lu un article du même personnage qu’il critiquait dans son rêve, sur Ibsen.

Doit-on en déduire que Freud pensait que ce personnage se considérait aussi talentueux qu’Ibsen ?

Sa remarque porte donc sur les mots qui sont pris en tant que tels et non pas en tant que représentations de choses et ce rêve l’illustre avec cette néoformation qu’est « Norekdal » . Ce sera pareil avec celle du second rêve «  Maïstollmütz ». Elles ne représentent pas des choses, elle sont en quelque sorte sans signification. Il s’en sert comme point de départ de ses associations d’idées en décomposant comme d’habitude le rêve en ses parties.

Un autre fil d’association tourne un peu court, n’est pas suivi par Freud, ce sont les deux pièces d’Ibsen dans lesquelles se trouvent les deux personnages de Nora et d’Ekdal, ce sont respectivement, celle de « La maison de poupée » et «  Le canard sauvage ». C’est peut-être là que Freud aurait pu nous donner la suite de son interprétation, la deuxième jambe du rêve, celle qui prend appui sur les souvenirs d’enfance.

J’ai aussi repensé à ce terme qu’il a choisi à propos de cette condensation, celui de « monstruosité ».  Lacan indique en effet que tout ce qui concerne le rêve, ce qui en est dit autour doit être considéré comme faisant partie du contenu latent du rêve.   Je ne sais pas de quelle monstruosité il peut bien s’agir mais peut-être fait-elle partie de ces traces de l’enfance.  Mélanie Klein, à propos de ce qu’elle appelait le « parent combiné » parlait en effet d’un « monstre biparental » mais ça peut être un ogre ou la bête du Gévaudan.

J’ai fait un schéma de la façon dont à partir de la condensation « norekdal » s’organise une sorte d’arborescence des associations du rêve qui aboutissent aux pensées du rêve , une critique moqueuse du style ampoulé de son cher confrère. La série d’associations à partir de Nora n’a pas été développée par Freud et c’est bien dommage, parce que la célèbre pièce d’Ibsen « La maison de poupée » était à l’époque d’une très grande portée sociale en ce qui concerne les rapports conflictuels entre les hommes et les femmes. Ibsen prenant la défense des droits des femmes.

 

 

 

 

 

 

Laisser un commentaire

Navigate