Le travail de déplacement dans la formation du rêve 

Dans le chapitre intitulé “Le travail du rêve”, une partie A est intitulée “Le travail de condensation”, et une partie B  “ Le travail de déplacement”. Alors que dans cette partie A, Freud décrivait de nombreux nouveaux rêves où cette condensation était mise en oeuvre, pour cette partie B,  Freud se contente de reprendre plusieurs rêves déjà analysés précédemment à savoir celui de la monographie botanique, Le rêve de Sapho d’un analysant de Freud, le rêve des hannetons, Le rêve de l’oncle Joseph et enfin le rêve de l’injection d’Irma.   

Puis avec chacun de ces rêves il précise ce qu’est la fonction de ce déplacement  dans la formation du rêve.  Elle rend en quelque sorte le rêve anodin ce qui lui permet de franchir plus aisément l’obstacle de la censure. 

Dans la plupart des rêves, les pensées latentes du rêve ne figurent pas explicitement dans son contenu manifeste.  Elles n’y sont représentées que sous la forme d’allusions. 

Je reprends, à titre d’exemple,  le rêve de la monographie botanique, pour mesurer en effet combien le contenu manifeste du rêve peut paraître éloigné de son contenu latent.   

“ J’ai écrit une monographie sur une certaine plante. j’ai le livre devant les yeux, je suis en train de tourner une  planche en couleur repliée à l’intérieur. A chaque exemplaire est annexé un spécimen séché de la plante, comme on en trouverait dans un herbarium.”

Dans le chapitre l’indifférent et le récent dans le rêve ( p. 212),  quand il commence à interpréter ce rêve et dans la chaîne de ses associations, Freud écrit   “ Par la suite quand j’ai été étudiant, s’est développé chez moi une préférence prononcée de collectionneur pour l’acquisition et la possession de livres ( analogue à cette tendance à préférer étudier dans des monographies, une marotte identique à celle qui se présente  déjà dans les pensées du rêve à propos du cyclamen et de l’artichaut. je suis devenu un rat rongeur de livres.  Depuis que je réfléchis sur moi-même j’ai toujours ramené cette première passion de mon existence à cette impression de mon enfance ( le livre arraché feuille à feuille).  Naturellement j’ai découvert assez tôt que les passions font  souffrir. A dix-sept ans j’avais un beau compte débiteur chez le libraire sans avoir de quoi l’apurer et mon père considéra à peine comme une excuse le fait que mes inclinations ne soient portées sur rien de plus méchant.Le fait d’évoquer cet événement plus tardif de ma jeunesse me ramène cependant aussitôt à la conversation avec mon ami, le docteur Königstein.  Car ce dont il s’agissait dans la soirée du jour du rêve, c’était ces mêmes reproches d’autrefois quant au fait que je cède toujours à mes marottes.  

Freud ne compte pas poursuivre l’interprétation de ce rêve mais il se contente  d’indiquer la voie qui y mène : “ Le rêve retrouve le caractère de justification, de plaidoyer, pour mon bon droit, tout comme le premier rêve analysé, celui de l’injection faite à Irma. 

Est-ce que nous en apprendrons plus sur ce qu’il en était du désir de Freud dans ce rêve avec cette reprise de l’analyse dans ce paragraphe sur le déplacement ?  Freud écrit : “ Dans le rêve de la monographie botanique, par exemple, le centre du contenu du rêve est manifestement l’élément botanique. Dans les pensées du rêve il s’agit des complications et des conflits résultant de prestations obligeantes entre collègues”. 

Ce n’est donc qu’une fois le rêve interprété qu’on peut mesurer le degré de déplacement qui a eut lieu entre le contenu latent et le contenu manifeste du rêve.  Il y a une partie des associations du rêve que Freud n’a pas reprise et qui est liée à la fois à son transfert plus que flamboyant pour Fliess et aussi à  la monographie du rêve qu’il est en train d’écrire, et c’est sans doute là le coeur du rêve ou tout au moins l’un de ses coeurs.  “ Je vois devant moi la monographie que j’ai écrite. Cela non plus n’est pas exempt de référence, Mon ami m’a écrit de Berlin hier, avec la nature visuelle qui est la sienne : “ je m’occupe énormément de ton livre sur le rêve. je le vois déjà terminé devant moi et le feuillette. Ce que j’ai pu l’envier pour ce talent de voyant  ! Si seulement je pouvais moi aussi le voir terminé devant moi ! “  En bref, même repris dans cet autre chapitre Le travail du rêve, ce rêve de la monographie du rêve garde une grande partie de ses secrets.  Freud les a en effet gardé par devers lui, ne nous livrant que ce qui était nécessaire à sa démonstration. 

Freud poursuit sa démonstration avec le rêve de Sapho, celui de l’analysant qui rêve de l’ auberge-pension, avec des questions de haut et de bas. Dans ce rêve en effet le déplacement entre le haut et le bas est une allusion à des femmes tombées bien bas, dans le ruisseau, comme on disait dans l’ancien temps.    Dans les pensées du rêve, il s’agit pour Freud des soucis partagés par sa femme, au sujet de ses fils adolescents et des dangers de mauvaises fréquentations, avec des “femmes de mauvaise vie”.  Rien ne les laisse deviner dans le contenu manifeste du rêve, si ce n’est par ces hauts et ces bas.  

Toujours dans cette partie intitulée le travail de déplacement, , il reprend également le rêve des hannetons, dont voici le  texte :  « Elle se rappelle qu’elle a deux hannetons dans une boîte ; elle veut les mettre en liberté, parce que sinon ils vont étouffer. Elle ouvre la boite, les hannetons sont tout épuisés ; l’un d’eux s’envole par la fenêtre ouverte, l’autre est écrasé par le battant de la fenêtre au moment où elle la ferme, comme quelqu’un le lui demandait (manifestations de dégoût). »

Dans ce commentaire du rêve,   je trouve la phrase de Freud limpide et approchant surtout ce qu’il en est de la structure obsessionnelle quand il souligne  “ les relations de la sexualité à la cruauté”.  Il indique que la relation à la cruauté est présente également dans le contenu manifeste du rêve mais figurant dans un autre contexte, il paraît en effet déconnecté du contenu latent, comme lui étant étranger. 

Fait exception à cette règle du déplacement, le rêve de l’injection faite à Irma, où les pensées du rêve, sont restées présentes dans son contenu manifeste.   

Si vous voulez savoir comment Lacan rapproche la condensation de la métaphore et le déplacement de la métonymie, vous pouvez vous reporter à cet autre texte du site «  Métaphores et métonymies »

 

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