« Le rêve avec des fleurs »

 

Ce rêve avec des fleurs se trouve dans la troisième partie du Travail du rêve, la partie C qui a pour titre “Les moyens oniriques de la figuration”. p. 351, à la suite de la partie A, la condensation et la partie B, le déplacement.(Traduction Jean-Pierre Lefevbre)

Il semble bien que jusqu’ici  nous avions étudié plutôt la défiguration du rêve qui était nécessaire au franchissement de la censure, avec le déplacement, mais là il s’agit de sa figuration.

La figuration c’est en somme la mise en scène du rêve, la représentation dans le contenu manifeste des pensées du rêve, peut-être pourrait-on dire, l’invention du rébus chargé de représenter ces pensées. Freud nous explique que dans le matériel utilisé pour fabriquer le rêve, ne se trouvent pas les outils nécessaires pour représenter toute une série d’articulations logiques du texte du rêve, celles avec des Si, parce que, à moins que, ou bien ou bien, quoique…. Freud donne donc quelques exemples de la façon dont le rêve tente de remédier à cette impossibilité. Mais il nous indique aussi que c’est au rêveur de les restituer, une fois le rêve interprété.

Dans ce chapitre nous allons retrouver tout ce que Lacan a travaillé pendant de nombreuses années, une approche logique, avec ce qu’il a appelé le principe de non contradiction et également les liens de causalité, que Lacan a rapproché de l’implication, implication formelle et matérielle avec ses tables de vérité.
Ce rêve est essentiel à sa démonstration avec quelques autres.

Le rêve “avec des fleurs”

Ce rêve est utilisé deux fois par Freud, dans chapitre, une première fois, pour décrire comment,  dans la mise en scène du rêve, les relations de causalité sont exprimées par la simultanéité de deux rêves, l’un plus court, servant de prologue à un second rêve plus long.

Quelques pages plus loin, il le reprend mais cette fois-ci pour démontrer le mode de figuration non plus de la conjonction “ parce que” le “ ou bien, ou bien” et le “en même temps”, reprenant cette expression bien connue, le fait que l’inconscient ne connaît pas la contradiction.

Tout d’abord, Freud ne nous communique qu’une partie du second rêve, celle qui est nécessaire à sa démonstration.

Voici ce texte :
‘Le prologue est le suivant : elle va dans la cuisine trouver les deux servantes et les gronde parce qu’elles n’ont pas encore fini de “manger un p’tit bout”. Ce faisant elle voit entassé dans la cuisine un grand empilement de vaisselle de cuisine grossièrement retournée pour mieux égoutter. Les deux filles vont chercher de l’eau ce qui les oblige à descendre des marches débouchant dans une sorte de rivière qui monte jusqu’à la maison ou dans la cour. Suit alors le rêve principal : Elle descend de très haut par dessus des balustrades bizarrement tournées, heureuse que ce faisant sa robe n’accroche nulle part.”

Freud interprète cette première partie.“La pensée qui se cache derrière ce rêve préliminaire est donc la suivante : Parce que je suis issue de cette maison d’une condition sociale aussi mesquine et déplaisante. Le rêve principal reprend la même pensée et le produit dans une forme métamorphosée par la satisfaction de désir : je suis d’origine élevée et donc à proprement parler : c’est parce que je suis d’origine aussi basse que ma vie à suivi tel ou tel cours”.

Ce rêve, pour ma part, m’a fait penser au rêve cité par Freud de la ferme-auberge, avec là aussi des questions de haut et de bas, le fait de monter très haut ou de de descendre très bas; d’être de haute ou de basse extraction. C’est sans doute à la fois un rêve d’ascension sociale et en même temps un fantasme masturbatoire, des rêves d’échelles ou d’escalier. C’est d’ailleurs ce qui va être évoqué dans l’analyse que Freud en a faite.

La question que posait Claire, à savoir que paradoxalement, le rêve premier, qui sert de prologue, est en apparence beaucoup plus long que celui qui le suit, est résolue, puisque le texte du rêve une fois présenté en entier fait presque deux pages. il est au contraire très long. Il se trouve p. 388, 389 et une partie de 390 !

Dans cette première séquence, Freud utilise ce rêve des fleurs pour indiquer comment rendre compte des liens de causalité dans le rêve avec la conjonction du “parce que” irreprésentable dans le rêve. Il donne l’exemple de ces deux rêves, où pour pouvoir représenter cette causalité, l’un sert de prologue à l’autre.

Page 359, Freud reprend un fragment de ce rêve pour décrire cette fois-ci la non prise en compte dans le rêve de la contradiction. C’est à son propos que Freud énonce cette célèbre formule “ Il ne semble pas que le Non existe pour le rêve”. On peut dire qu’il prêche aussi bien le faux que le vrai et même il prêche les deux à la fois.
“ Les oppositions sont réduites, avec une prédilection particulière à l’unité ou figurée avec un seul et même élément. Le rêve prend d’ailleurs un élément quelconque par son opposé quant au désir, en sorte que dans un premier temps on ne sait jamais à propos d’un élément susceptible d’un contraire, s’il est contenu positivement ou négativement dans les pensées du rêve.”
La représentation d’une pensée du rêve par son contraire est une forme de déplacement efficace pour permettre au rêve de franchir la censure. C’est sa “ défiguration”.

Cette approche de ce qu’est la non-contradiction dans le rêve est démontrée par un fragment du rêve avec des fleurs.

Il écrit “ Dans l’un des derniers évoqués dont nous avons déjà interprété la phrase première ‘parce que je suis de telle origine”, la rêveuse descend, en enjambant une rambarde, tout en
tenant à la main un rameau en fleurs. Dès lors que lui viennent à l’esprit, à propos de cette image, l’ange qui tient à la main une tige de lis sur les illustrations de l’annonce faite à Marie ( elle-même s’appelle Marie) et les jeunes filles vêtues de blanc dans la procession de la fête-Dieu […] le rameau en fleurs du rêve est très certainement une allusion à l’innocence sexuelle. Mais ce rameau est envahi de fleurs rouges dont chacune ressemble à un camélia […] Le même rameau fleuri ( “les fleurs de la jeune fille” dans les chants de la meunière, dans Goethe), figure l’innocence sexuelle mais aussi son contraire.”

Dans la suite de l’analyse de ce rêve à la page 388, Freud précisera ce thème en évoquant la question de la masturbation infantile et de la culpabilité qu’elle engendre avec cette expression allemande “ s’en arracher une” pour se masturber. J’ai cherché quelles pouvaient être les expressions équivalentes en français. il y en a une que j’aime beaucoup c’est “faire pleurer le petit Jésus” !

 

 

 

 

 

 

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