Quand les premiers psychanalystes s’intéressaient à la délinquance des jeunes

C’était encore au temps de la découverte de la psychanalyse. Auguste Aichhorn a écrit un livre qui a pour titre « Jeunes en souffrance », avec en sous-titre « Psychanalyse et éducation spécialisée ». Il a été édité en 1925 et est présenté par un préambule écrit par Freud.

Ce préambule fait justement bien la jonction entre la psychanalyse qui est un lien à deux et son extension possible dans le champ social.

Mais ce que je voulais surtout vous raconter à ce propos, c’est une expérience qu’Aichhorn a tentée, non sans quelques angoisses, avec un groupe d’enfants particulièrement agressifs, qui, par exemple, dans les bagarres qu’ils avaient entre eux, jouaient aisément du couteau.

A contre-courant de ce qui se faisait habituellement et contre l’avis de l’équipe des éducateurs, en tant que directeur de ce centre spécialisé, avait décidé de ne pas s’opposer à ces actes de violences, de les laisser se déployer sans intervenir et notamment de supporter vaillamment les manifestations de mépris et les injures qu’ils provoquaient ainsi, dans l’espoir qu’ils finiraient quand même bien par répondre.

C’est ainsi que ces jeunes délinquants ont absolument tout cassé dans leurs lieux d’hébergement. Il donne des exemples concrets de ce que devait être leur vie quotidienne : un enfer.

Mais quand même après un temps d’exaltation de la violence, il y eut des temps au moins momentanés d’accalmies. Il les explique ainsi :

« Le fait qu’en dépit du comportement moqueur des jeunes gens qui dépasse toute description, nous ne nous laissions pas entraîner à adopter une attitude d’opposition, faisait supposer que, chez nos agressifs, la limite extrême devait être atteinte. Un fois cette limite franchie, elle se manifestait par des larmes de rage.

« Après le temps des larmes venait celui d’une intense labilité ». Mais ce qui comptait c’est qu’entre temps, ces adolescents avaient pu nouer d’intenses liens affectifs avec les deux éducatrices – qui étaient volontaires – et lui-même- . Ce qu’il voit en effet apparaître ce sont des sentiments de jalousie et par voie de conséquence des identifications entre les membres de ce groupe, par rapport à leurs transferts aux éducateurs.

 

Cela fait un peu Conte de Noël, c’est le cas de le dire, car, Aichhorn essaie de provoquer « un affect d’amitié intense » en fêtant Noël avec des cadeaux et le sapin.

Quelques jours après ces fêtes, ils quittèrent leur maison dévastée pour une nouvelle.

Tout semble se passer comme si ce groupe artificiel avait pu se constituer et socialiser ainsi ces adolescents, en reconstituant un mode de fonctionnement qui serait venu se substituer à ce qui aurait pu se passer au sein de la famille. Ont-ils ainsi pu, revivre une situation oedipienne, par transfert sur les éducateurs, situation oedipienne qui pouvait les socialiser, les civiliser ?

 

En tout cas, ce qu’il y a d’intéressant dans cette approche, c’est le fait de prendre en compte la violence de ces adolescents, d’une certaine façon, de la trouver justifiée, avant de pouvoir la faire cesser en créant des liens transférentiels solides avec chacun de ces enfants, ces enfant traumatisés qu’ils ont été, ou plutôt qu’ils sont restés.

 

Je sais bien qu’en pratique, cela est peu réalisable, mais quand même cela fait saisir que ce n’est pas du côté de la répression que se trouve la solution de ces problèmes de délinquance.

 

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