A propos de l’Homme aux rats

C’est en 1907 que Freud fit ses premières armes dans cette guerre sans merci que se livre l’obsessionnel. Avec l’Homme aux rats, il avait  réussi à pénétrer au cœur des combats de cette névrose. Tandis que la bataille faisait rage, faisant alliance avec son patient, prenant sa défense, il l’a aidé à lutter contre son grand délire obsessionnel, sa grande obsession des rats.
Je ne fais que l’évoquer ici : le double point de départ de cette obsession avait été d’une part, le récit fait par un « capitaine cruel» d’un vieux supplice chinois : On introduisait dans l’anus d’un condamné des rats affamés, d’autre part, une circonstance fortuite, il avait reçu un colis par la poste et devait en rembourser les frais non pas au capitaine comme il lui avait été dit par erreur mais à la demoiselle de la poste elle-même qui lui avait fait confiance.
Quelques heures après, lui était venue cette menace qu’il s’était   formulé à lui-même :  s’il ne rendait pas l’argent au capitaine alors son père et sa dame, des personnes qui lui étaient chères subiraient ce supplice des rats.
Freud a eu beaucoup de mal à déchiffrer cet écheveau très compliqué autour de cette dette à payer coûte que coûte,  mais dès cette époque il avait appris beaucoup de choses concernant la structure d’une névrose obsessionnelle.
Notamment, même s’il avait préféré laisser dans l’ombre, comme en attente, celle qui était l’objet de ces amours conflictuelles et à vrai dire l’enjeu même du conflit, à savoir sa mère, il avait déjà par contre bien repéré le rôle décisif qu’avait joué dans son scénario obsessionnel la haine qu’il éprouvait à l’égard de son objet rival, son père.
D’un point de vue clinique il a en effet réussi à mettre en évidence « la petite cellule élémentaire » de la névrose de l’Homme aux rats, cellule qui avait été mise en place dès son enfance. Il a même donné sa formule sous la forme d’une implication logique : « Si j’ai le désir de voir une femme nue, alors mon père devra mourir ».
D’un point de vue théorique, il caractérise la structure d’une névrose obsessionnelle par trois séries de termes opposés, antagonistes et donc conflictuels :
L’ambivalence amour haine.
L’hésitation entre le masculin et le féminin.
Une alternance activité  passivité.

L’ambivalence amour haine rend bien difficiles pour ne pas dire impossibles les amours de l’obsessionnel. Aussi bien l’histoire de cette dame aux scarabées de mai que celle de l’Homme aux rats sont là pour en témoigner.
L’hésitation entre le masculin et le féminin telle que Freud l’évoque mériterait à elle seule un long développement car elle révèle au cœur de la structure de la névrose obsessionnelle, son soubassement hystérique.
En effet arrivé au terme de son déchiffrage de l’obsession de l’homme aux rats qu’est-ce que découvre Freud  : le typique fantasme de grossesse du sujet névrosé. Les rats qui entraient de force dans l’anus étaient en fait des enfants rats qui en sortaient et selon les théories sexuelles infantiles associées à la pulsion anale,  les hommes aussi bien que les femmes pouvaient les mettre au monde.
Ce désir d’avoir un enfant du père qui est commun aux hommes et aux femmes est surdéterminé . Mais dans l’un de ses sens, et non le moindre, il camoufle la haine du père sous l’amour, amour qui va jusqu’au désir d’être aimé de lui comme une femme et d’en recevoir un enfant.
La troisième opposition, l’alternance activité passivité, qui recouvre en partie l’opposition masculin/féminin, concerne l’utilisation de la violence de l’obsessionnel. Va-t-il se décider à l’utiliser contre les autres ou la retourner contre lui-même par culpabilité ?

 

 

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