Notes sur ce Rêve d’infanticide

Le rêve qui suit fait encore partie de la série des rêves qui paraissent démentir l’affirmation de Freud que le rêve est une réalisation de désir. Ils sont tous cités dans le chapitre « La déformation du rêve » ou « La défiguration onirique ».

Voici le texte de ce rêve  qui n’est pas celui d’un analysant mais d’une connaissance de Freud, un juriste : « Je rêve, rapporte mon informateur que j’arrive devant chez moi, une dame à mon bras. Là attend une voiture fermée, un monsieur s’avance vers moi, excipe de sa qualité d’agent de police et m’enjoint de le suivre. Je le prie seulement de me laisser le temps de régler mes affaires ».1

A propos de ce rêve, le dialogue se poursuit donc entre les deux interlocuteurs : «  Est-ce que vous croyez que ce pourrait être un désir de ma part d’être arrêté ? » – Certes pas, me faut-il concéder. Savez-vous peut-être sous quel chef d’inculpation vous avez été arrêté ? – Oui , je crois que c’est pour infanticide. – Infanticide, vous savez bien que seule une mère peut commettre ce crime-là sur son nouveau-né ? – C’est exact. »

En note de ce dialogue Freud indique que les éléments oniriques qui ne ressurgissent que dans le cours de l’analyse du rêve « fournissent régulièrement la clé de l’interprétation du rêve ». C’est donc bien ce qui arrive dans ce rêve avec l’apparition secondaire de ce terme, de ce signifiant de l’ «  Infanticide ».

Mais bien sûr Freud fait ensuite appel à ce qui s’est passé la veille, à ce qui a provoqué ce rêve :

Après un moment d’hésitation, le rêveur explique à Freud qu’il a passé la nuit avec une dame qui est mariée et que pour éviter toute grossesse, il a pratiqué un moyen de contraception qu’on appelle pudiquement en latin « coitus interruptus », le coït interrompu. C’est, chacun le sait, un moyen de contraception fort aléatoire.

Il raconte «  Quand nous nous sommes réveillés le matin, il s’est de nouveau passé quelque chose entre nous. Après quoi, je me suis rendormi et j’ai rêvé ce que vous savez ».

Freud devine alors qu’ayant fait l’amour plusieurs fois au cours de la nuit et au petit matin, cet homme n’est plus très sûr de ce moyen de contraception et son rêve est donc bien une satisfaction de désir. «  Il vous procure la garantie rassurante, énonce Freud, que vous n’avez pas fait d’enfant, ou ce qui est à peut près la même chose que vous auriez tué un enfant ».

Dans le fil de ce rêve Freud évoque alors avec son interlocuteur ce qu’il appelle la « misère conjugale » et un poème « effroyable » de Lenau qui met sur le même plan infanticide et contraception.

Freud lui pose aussi la question de savoir pourquoi il avait évoqué cette question de l’infanticide alors que ce serait un crime spécifiquement féminin ( ce devait être une législation particulière, soit pour l’époque, soit pour l’Autriche, je n’ai pas trouvé cette particularité mentionnée de nos jours et en France).

Le rêveur avoue alors qu’il a été jadis mêlé de près à un avortement : « Je fus cause qu’une jeune fille se délivra, par un avortement, des conséquences de sa relation avec moi. Je n’avais naturellement rien à voir avec la façon dont elle avait réalisé son projet, mais je fus en proie bien longtemps à une angoisse bien compréhensible de voir l’affaire découverte. »

C’est donc ce souvenir qui dans le rêve associe ce moyen d’éviter une grossesse au cours de la nuit et ce meurtre d’en enfant nouveau-né.

Ainsi même si Freud n’en était pas encore à exprimer ce que les femmes du MLF réclameraient en mai 68 : «  un enfant si je veux et quand je veux », au travers ce rêve, nous retrouvons le thème soulevé aussi dans quelques unes de ses lettres, ce qu’il nomme « misère conjugale » liée avant tout à la difficulté de contrôler les naissances. Il faut quand bien reconnaître que cette approche est plutôt évoquée d’un point de vue très masculin.

Il reprendra ces thèmes dans son texte « La morale sexuelle civilisée et la maladie nerveuse des temps modernes  » (1909).

Laisser un commentaire

Navigate