Un jeune médecin rêve qu’il a des problèmes avec le fisc et va payer «une amende salée »

Il s’agit,en ce début du mois de septembre de poursuivre le travail commencé et de lire, ligne à ligne et un par un, chacun des rêves de l’Interprétation du rêve dans la nouvelle traduction qui me semble plus littérale, plus exigeante de Jean-Pierre Lefebvre. C’est passionnant d’y retrouver tout ce qu’on peut découvrir de l’œuvre freudienne.   Pour l’instant nous en sommes au grand chapitre « la défiguration du  rêve », à la page 197. Il est important d’articuler ce rêve d’infanticide que nous avons déjà travaillé au suivant puisque le rêve de ce jeune médecin qui a des problèmes avec le fisc en reprend la même structure, ce que Freud appelle le « même mode de pensée ».

Je reprends donc pour rappel le texte du premier rêve, celui de l’infanticide, pour pouvoir les comparer et surtout les lier l’un à l’autre : « Je rêve, rapporte mon informateur que j’arrive devant chez moi, une dame à mon bras. Là attend une voiture fermée, un monsieur s’avance vers moi, excipe de sa qualité d’agent de police et m’enjoint de le suivre. Je le prie seulement de me laisser le temps de régler mes affaires. »

Il est donc accusé d’infanticide par le fait que pendant la nuit il a pratiqué le coït interrompu. Freud se sert de ce rêve pour démontrer que ce qui paraît être un démenti à la définition du rêve comme satisfaction de désir n’en est pas un. Une fois interprété il se révèle bel et bien satisfaction de désir, en l’occurrence pour cet homme, il s’agit d’avoir évité une grossesse au cours de sa nuit d’amour avec sa maîtresse.

Voici maintenant comment Freud associe ces deux rêves «  Un jeune médecin qui avait entendu raconter ce rêve lors d’un de mes cours s’est très certainement senti concerné, car il s’est empressé de le rêver lui-même à son tour, d’appliquer à un autre sujet la forme de pensée propre à ce rêve. Le jour d’avant il avait remis sa déclaration de revenus, laquelle était tenue parfaitement à jour et conforme à la vérité, dès lors qu’il n’avait pas grand chose à déclarer. Le voilà donc qui rêve qu’une connaissance vient le trouver au sortir d’une session de la commission fiscale pour lui faire savoir que toutes les autres déclarations n’avaient pas fait l’objet de contestations, tandis que la sienne avait éveillé une méfiance générale et allait lui valoir une amende fiscale salée. Ce rêve est une satisfaction de désir un rien dissimulée, savoir du désir de passer pour un médecin aux revenus importants ».

Freud nous démontre, en articulant ces deux rêves l’un avec l’autre, qu’il n’y a rien de tel que le transfert pour nous livrer les secrets de ces grands textes.  Ils nous font toujours associer sur des fragments de notre propre histoire en les réveillant. C’est ce qui se passe avec ce jeune médecin, en écoutant Freud racontant ce rêve de l’infanticide, il rêve à son tour en utilisant, nous dit Freud, le « même mode de pensée ». En allemand, c’est en effet ce terme que Freud utilise « Gedankenform ».  Dans la traduction Meyerson, la force de ce terme est élidée : “Un jeune médecin qui entendit raconter ce rêve à mon cours dut en être particulièrement frappé, car il se hâta de le rêver à nouveau, mais en transposant ses pensées sur un autre thème”. On constate une fois de plus la portée d’une traduction. En isolant ce terme de “forme de pensée” est-ce qu’on ne découvre pas déjà ce que Freud appelle “déplacement” et Lacan “ métonymie” ? A vrai dire, pour lui rendre justice, ce terme existe lui aussi dans la traduction de Meyerson puisqu’il parle de « transposition ».

Mais peut-être que Freud n’évoque-t-il avec sa formule que le fait de présenter le rêve comme ayant un contenu manifeste pénible pour y déguiser un contenu latent qui est quand même satisfaction de désir. Ce n’est peut-être qu’une sorte de confirmation, une adhésion à l’interprétation de Freud.

En tout cas, ce que j’ai repéré de l’articulation ou de la juxtaposition de ces deux rêves, c’est la façon dont s’effectue, par voie de transfert, la transmission de la psychanalyse, Freud servant de passeur en l’occurrence entre les rêves des deux protagonistes, en ayant favorisé cette bénéfique rencontre entre deux savoirs inconscients. Rien de livresque dans tout cela !

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