Principe de non contradiction et complexe de castration

 

« L’inconscient ne connaît pas la contradiction »

Comme nous arrivons à la partie essentielle de ce texte de L’Homme aux loups en tant que c’est là que Lacan y a trouvé et isolé en tant que tel le terme de forclusion, forclusion du Nom du père et forclusion de la castration, comme étant le terme spécifique qui rend compte de la structure de la psychose, je pense qu’il faut peser chacun des termes de ce passage qui se trouve p. 231 à 233 dans le gardiner et p. 383 à 385 des Cinq psychanalyses.

Mais avant de pénétrer dans les méandres et surtout les subtilités du texte, il m’a semblé nécessaire de commencer par travailler ce que Freud dit à maintes reprises et notamment dans l’Interprétation des rêves sur le fait que le rêve ne connaît pas la contradiction parce qu’il ne connaît pas le non.

Le principe de contradiction ou de non-contradiction, énonce qu’une chose ne peut pas être vraie et fausse à la fois, elle ne peut pas être et ne pas être à la fois, entre les deux, il faut choisir, il faut décider, or l’inconscient ne choisit pas, il laisse coexister le vrai et le faux ensemble mais non sans en fabriquer quelques symptômes.

Ce principe de non contradiction qui est ainsi traité comme nul et non avenu par l’inconscient trouve en effet son application directe et je dirais magistrale dans ce texte de l’Homme aux loups lorsque Freud nous décrit comment, au cours de la scène primitive, il avait découvert ce qu’il en était de la castration de sa mère et ce qu’impliquait son désir d’être aimé de son père comme elle, à sa place, identifiée à elle, et d’en recevoir un enfant.

Il nous sera nécessaire, puisque dans un même mouvement, il avait « rejeté » cette réalité de la castration, elle n’avait pas laissé de trace pour lui, ce qui est en complète contradiction avec ce dont témoigne son rêve d’angoisse, celui des loups.

J’ai été relire dans L’interprétation des rêves ce que Freud dit de cette ignorance de l’inconscient p. 274 :

« La manière dont le rêve exprime les catégories de l’opposition et de la contradiction est particulièrement frappante : il ne les exprime pas, il parait ignorer le « non ». Il excelle à réunir les contraires et à les représenter en un seul objet. Le rêve représente aussi un élément quelconque par son désir contraire, de sorte qu’on ne peut savoir si un élément du rêve, susceptible de contradiction, trahit un contenu positif ou négatif dans les pensées du rêve. »

L’exemple qu’il en donne est en effet un fragment de ce rêve où une jeune femme tient dans sa main une branche de fleurs qui est à la fois un lys, symbole de la pureté de la Vierge et une branche de camélias évoquant la luxure en référence à la Dame au camélias, celle qui mettait un camélia blanc dans sa chevelure lorsqu’elle était disponible et un camélia rouge quand elle avait ses règles.

Mais de là, Freud part dans d’autres processus qui peuvent être englobés sous le terme de « déplacement » à savoir « le renversement en son contraire » ce qui est grand devient petit, ce qui est près devient loin tout est possible, la haine remplace l’amour et l’inverse.

Donc là ce n’est plus simplement le fait que p et non p peuvent coexister ensemble mais le fait qu’ils peuvent se remplacer l’un l’autre.

Dans le séminaire « … Ou pire » Lacan indique que même en logique, ce principe de contradiction peut être bafoué : « … l’usage de la logique n’est pas sans rapport avec le contenu de l’inconscient. Ce n’est pas parce que Freud a dit que l’inconscient ne connaissait pas la contra¬diction pour qu’il ne soit pas terre promise à la conquête de la logique. Est-ce que nous sommes arrivés en ce siècle sans savoir qu’une logique peut parfaitement se passer du principe de contradiction? Quant à dire que dans tout ce qu’a écrit Freud sur l’inconscient, la logique n’existe pas, il faudrait n’avoir jamais lu l’usage qu’il a fait de tel ou tel terme, je l’aime elle, je ne l’aime pas lui, toutes les façons qu’il y a de nier le je l’ai¬me lui, par exemple, c’est-à-dire par des voies grammaticales, pour dire que l’inconscient n’est pas explorable par les voies d’une logique ».

Par la façon dont L’Homme aux loups avait du affronter la réalité de la castration, nous verrons mis à mal et sérieusement ce principe de contradiction. A la fois il la rejettera, comme nulle et non avenue, elle sera pour lui forclose, et, à la fois, il la prendre en compte dans ses symptômes, ce qui prouve donc qu’il avait mis en jeu à la fois, et le mécanisme de la forclusion, du rejet, et le mécanisme du refoulement. Ce sont ces deux modes co-existant ensemble qu’il faudra absolument prendre en compte pour se repérer quant à la structure de l’Homme aux loups et répondre à cette question : était-il ou non psychotique ?

1 Comment

  1. Remarquable article, chère Liliane, c’est juste le titre « complexe de castration » qui me fait réagir ici. Emprunté à Jung contre lequel Freud se défend dans l’Homme aux loups, et déjà repris, cette fois à juste titre, dans le complexe d’Oedipe, ne vaudrait-il pas mieux évoquer l’angoisse, ou la peur de castration, plutôt que le complexe, d’autant que celle-ci ne joue, semble-t-il que par le biais de cette formation?
    Merci pour tout ce que vous faites pour nous transmettre un peu de ce que vous savez, Liliane!
    Bien à vous,
    JPE

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