Le corps de l’analyste

A la fin du séminaire « … Ou pire », j’ai trouvé un commentaire de Lacan très intéressant qui concerne la mise en jeu du corps de l’analyste au cours des premiers entretiens préliminaires : il y est en effet érigé comme condition de l’acte analytique. Cet acte, acte signifiant, acte qui implique un commencement, en tant qu’acte analytique, est défini par Lacan comme étant un engagement de l’analyste qui a pour fonction de permettre ce qu’il appelle, du côté de l’analysant, « la tache psychanalysante ». C’est donc ce dernier qui est mis au travail, au travail de l’association libre, cette tache consistant donc à dire n’importe quoi, à dire tout ce qui lui passe par la tête.

C’est dans ce contexte que Lacan introduit donc la présence du corps de l’analyste : « … quand quelqu’un vient me voir dans mon cabinet pour la première fois et que je scande notre entrée dans l’affaire de quelques entretiens préliminaires, ce qui est important c’est ça, c’est la confrontation de corps. C’est justement parce que c’est de là que ça part, cette rencontre de corps, qu’à partir du moment où on entre dans le discours analytique, il n’en sera plus question. Mais il reste qu’au niveau où le discours fonctionne qui n’est pas le discours analytique, la question se pose de comment ça a réussi, ce discours, à attraper des corps. Au niveau du discours du maître, c’est clair. Au niveau du discours du maître, dont vous êtes, comme corps, pétris, ne vous le dissimulez pas, quelles que soient vos gambades, c’est ce que j’appellerai les sentiments et très précisément les bons sentiments. Entre le corps et le discours, il y a, ce dont les analystes se gargarisent en appelant ça prétentieusement les affects. C’est bien évident que vous êtes affectés dans une analyse, c’est ça qui fait une analyse, c’est ce qu’ils prétendent évidemment, faut bien qu’ils tiennent la corde quelque part, pour être sûrs de ne pas glisser. Les bons sentiments, avec quoi ça se fait ? Ben on est bien forcé d’en venir là, au niveau du discours du maître, c’est clair, ça se fait avec de la jurisprudence. Il est quand même bon de ne pas l’oublier au moment où je parle, où je suis l’hôte de la Faculté de Droit, de ne pas méconnaître que les bons sentiments, c’est la jurisprudence et rien d’autre, qui les fonde. Et quand quelque chose comme ça vient tout d’un coup vous tourner le cœur parce que vous savez pas très bien si vous n’êtes pas un peu responsifs de la façon dont une analyse a mal tourné, écoutez! hein? soyons clairs quand même! S’il n’y avait pas de déontologie, s’il n’y avait pas de jurisprudence, où serait cet, ce mal au cœur, cet affect, comme on dit? Faudrait même essayer de temps en temps de dire un peu la vérité. »

Ce corps de l’analyste qui est donc dans l’analyse mis en jeu dans les séances préliminaires comme condition de l’acte analytique, même si selon Lacan il y est mis ensuite entre parenthèses, n’en reste pas moins très présent, ne serait-ce qu’au niveau des affects de l’analyste. Ce qu’il y a de plus surprenant c’est le fait qu’avec cette sorte de nausée, ce mal au cœur de l’analyste, il nous introduit tout d’une coup à la dimension éthique de l’analyse, ce qu’il appelle le « déontologie » soit, telle qu’elle se définit « l’ensemble des droits et des devoirs qui régissent une profession ». Il me semble que ce mal au cœur éprouvé par l’analyste relèverait plus des reproches que lui adresserait son Surmoi et au fond ce qu’on appelle déontologie serait plutôt là pour protéger l’analyste de ses méfaits et de ses reproches. Cela fait penser à cet argument devenu depuis boutade d’une femme ministre : « je suis responsable mais pas coupable ». Ce que j’avance là c’est tout le contraire de ce que semble dire Lacan, mais après tout, pourquoi pas ?

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