Le rêve d’une agoraphobique

 

 

Ce rêve qui est l’un de mes préférés (avec le rêve de Freud dit du WC de campagne)l figure sous le nom rêve d’une agoraphobique et se trouve p. 401 de la traduction Jean-Pierre Lefèbvre.

Il trouve place dans ce chapitre que Freud consacre au symbolisme, mais justement pour y apporter une sorte de restriction, de limite, de ses pouvoirs dans l’interprétation des rêves. Il rappelle que
l’essentiel est en effet de prendre appui sur les associations du rêveur et que le symbolisme n’en est qu’un adjuvant qui ne vient en quelque sorte que conforter ce qu’on peut déduire quant au déchiffrage de ce rêve à partir de ces associations.
“ Mais je voudrais ici aussi mettre en garde expressément contre la surestimation de la signification des symboles pour l’interprétation du rêve, contre la réduction par exemple du travail de traduction du
rêve à une traduction de symboles et contre l’abandon de la technique d’exploitation des idées qui viennent à l’esprit du rêveur. Les deux techniques doivent se compléter l’une l’autre. Mais sur le plan
pratique aussi bien théorique la priorité demeure au procédé initialement décrit, qui attribue aux propos exprimés par le rêveur la signification décisive, tandis que la traduction des symboles à
laquelle nous nous livrons vient s’ajouter comme une ressource auxiliaire.”

Voici le texte de ce beau petit rêve :

“ Je me promène en été dans la rue, je porte un chapeau de paille d’une forme particulière, dont la partie médiane est recourbée vers le haut, et dont les côtés pendant vers le bas ( la description se bloquant ici un instant) et de telle manière qu’une partie latérale se trouve plus basse que l’autre. Je suis joyeuse et d’humeur confiante, et au moment où je passe devant une troupe de jeunes officiers, je pense à part moi : vous tous, vous ne pouvez rien me faire du tout”.

 

Je ne sais pas ce que vous en penserez mais il me semble que dans ce rêve, ce que Freud évoque comme le symbolisme du chapeau ( qui est en effet une représentation à la fois de l’organe génital masculin et de l’homme dans son ensemble) est de l’ordre de la signification, du registre donc de l’imaginaire, et que, par contre, ce qui est du registre du symbolique et qui est donc de l’ordre du signifiant, c’est la traduction qu’il donne de l’expression allemande “ unter die haube Kommen”, pour se marier et littéralement “ se mettre sous la coiffe de quelqu’un”. C’est l’ancienne traduction de Meyerson que je préfère, par rapport à celle de Lefèbvre qui est quelconque. Il la traduit en effet par “ Passer la coiffe”. En français, l’expression proche ce serait : “ se coiffer de quelqu’un”. Dans mon enfance on disait “ elle a épousé le premier chien coiffé !”.

L’important ce n’est donc pas le chapeau comme symbole mais l’expression elle-même dans lequel il se trouve inséré. Je trouve que dans ce rêve, cette analysante en se mettant sous la protection des organes génitaux de son mari, érige en quelque sorte en acte le phallus comme signifiant,

Ce phallus sous la protection duquel, elle échappe en quelque sorte à ces fantasmes de viol et de prostitution. ( Cela fait bien sûr penser à tous les articles d’Hélène Deutsch sur le masochisme féminin où elle évoque dans ces fantasmes de prostitution, l’apparition d’un homme qui les sauve de ce bordel oedipien souvent sous la férule d’une mère maquerelle.

A propos de ces fantasmes, je n’avais jamais prêté attention, malgré les nombreuses relecture de ce rêve que j’ai effectuées, à la phrase entre parenthèses qui éclaire ce titre Il indique en effet ( Extrait partiel du rêve d’une jeune femme devenue agoraphobique à la suite d’une angoisse de tentation.)

C’est en effet ce terme “ angoisse de tentation” qui m’a bien plu et en tout cas m’a sauté aux yeux. Je l’ai en effet mis en lien avec le fait qu’au tout début de son approche de ce que Freud appelle “ complexe de castration” c’est-à dire dans Les trois essais sur la théorie de la sexualité” il n’attribue qu’à l’enfant de sexe masculin ce dit complexe, tandis qu’il décrit ce qu’il en est de l’équivalent pour l’enfant de sexe féminin, simplement le fameux concept d’envie du pénis si vilipendé par les féministes.
Alors voilà ma question, bien simplifiée il est vrai, pour la fille, l’angoisse de tentation, pour le garçon l’angoisse de castration !
Ce serait une façon élégante de faire disparaître cette dérangeante question de l’envie du pénis. Mais ce serait un tour de passe-passe.

Je trouve que ce paragraphe est un très joli fragment d’analyse, on y découvre comment travaille Freud avec cette analysante. Il commence par lui révéler en effet que le chapeau est un symbole de l’homme et de l’organe masculin, puis exalte la munificence des organes génitaux de son mari tout en indiquant qu’il s’abstient “délibérément d’interpréter le détail sur la différence de niveau des deux parties qui pendent”. L’analysante se tait un moment, puis trouve le courage de demander ce que cela signifie que chez son mari, un des testicules soit plus bas que l’autre”. Freud est alors tout content, il triomphe parce que son interprétation a été acceptée grâce justement à ce détail anatomique
et non plus symbolique. Il y un autre détail amusant,le fait que l’analysante lui demande alors, en confiance, à propos du défaut quant à l’ organe de son mari, si tous les hommes sont comme ça, Elle avait eu le dernier mot.

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