Psychiatre, psychologue, psychanalyste

 

Freud 1898Paroles, paroles…

Il n’est certes pas facile de savoir ce qui peut bien différentier un psychiatre d’un psychologue et d’un psychanalyste car ces trois praticiens ont au moins en commun le fait qu’ils s’occupent tous les trois de la souffrance psychique, comme en témoigne la racine étymologique commune de leur dénomination : la psyché, l’esprit, l’âme mais aussi celle de psuché, le souffle, la respiration, la force vitale.

Comment pourrions nous définir leurs fonctions respectives ? Dans une première approche peut-être pourrions nous dire que tous trois sont des psychothérapeutes mais que les moyens utilisés et les buts recherchés ne sont pas les mêmes et déjà nous faisons apparaître ce terme de guérison qui va être pour nous un élément de différentiation décisif.

 Le psychiatre vous écoutera et vous parlera mais ce sera de surcroît car c’est un médecin : il vous donnera quelques paroles d’encouragement mais il vous prescrira également des médicaments.

 Le psychologue ou psychothérapeute, vous écoutera et vous parlera, c’est en effet par la parole qu’il espère vous guérir de vos symptômes. Mais vous êtes avec lui en face à face, c’est à dire que vous vous parlez à tu et à toi et peut-être est-il ainsi sollicité de vous répondre du tac au tac.

 Le psychanalyste vous écoutera surtout – et par ses interprétations fort rares – vous permettra de vous guérir vous-même. Vous êtes allongé sur un divan, et le psychanalyste se trouve derrière vous pour n’avoir à prêter attention qu’à vos paroles et également pour se dérober à votre regard, pour mieux s’effacer devant vous.Mais cette première approche est loin d’être suffisante.

 Deux termes sont nécessaires pour tenter de différencier ces trois types de thérapeutes d’une part celui de  » Guérison  » et d’autre part, celui de  » Suggestion « . Tous trois n’en font pas du tout le même usage.

 Guérison et Suggestion

 C’est en effet avec l’aide de ces deux termes que Freud différencie, établit une coupure entre la psychanalyse et les autres formes de thérapies psychiques.
« Le procédé psychanalytique se distingue de tous les procédés de suggestion, de persuasion et autres, en ce qu’il ne veut réprimer chez le patient aucun phénomène psychique par voie d’autorité. Il cherche à pénétrer jusqu’à l’origine du phénomène et à abolir celui-ci par la modification durable de ses conditions de naissance. L’inévitable influence suggestionnante du médecin est, dans la psychanalyse, orientée vers la tâche, dévolue au malade de vaincre ses résistances, c’est à dire d’opérer le travail de guérison… L’élimination de symptômes de souffrance n’est pas recherchée comme but particulier, mais, à condition d’une conduite rigoureuse de l’analyse, elle se donne pour ainsi dire comme bénéfice annexe. »(1)

Ceci étant rigoureusement posé, cela n’empêche nullement Freud de constater qu’il y bien des façons et de moyens de pratiquer la psychothérapie et y compris de vous dire  » Ne vous frappez pas ! Tout ira bien !  » Et Freud reconnaît généreusement que tous les moyens  » qui aboutissent à la guérison sont bons  » cependant il justifie aussi son choix de la psychanalyse :  » La méthode analytique de psychothérapie est celle qui pénètre le plus profondément, qui a la plus grande portée, celle par qui les malades peuvent être le mieux transformés « .

 Différence entre l’hypnose et la psychanalyse

 Dans le fil de son propos Freud souhaite  » rectifier un certains nombre d’erreurs  » et notamment la confusion fréquente entre la méthode analytique et l’hypnose. Pour bien marquer leurs différences il les compare toutes les deux à l’art du peintre et à l’art du sculpteur tel que les décrivait Léonard de Vinci.
L’hypnothérapeute procède comme le peintre qui rajoute de la couleur sur une toile blanche :  » La technique par suggestion procède de même per via di porre, sans se préoccuper de l’origine, de la force et de la signification des symptômes morbides. Au lieu de cela, elle leur applique quelque chose, la suggestion et attend de ce procédé qu’il soit assez puissant pour entraver les manifestations pathogènes « .
Le psychanalyste procède lui comme le sculpteur, au lieu de rajouter il enlève :  » La méthode analytique ne cherche ni à ajouter ni à introduire un élément nouveau, mais au contraire à enlever, à extirper quelque chose ; pour ce faire, elle se préoccupe de la genèse des symptômes morbides et des liens de l’idée pathogène qu’elle veut supprimer. « (2)
Suivent quelles lignes où il explique pourquoi il a rapidement renoncé à l’hypnose et à la suggestion comme moyen thérapeutique :  » J’ai très rapidement renoncé à la technique par suggestion et avec elle à l’hypnose, parce que je désespérais de rendre les effets de la suggestion assez efficaces et assez durables pour amener une guérison définitive. Dans tous les cas graves, j’ai vu la suggestion qu’on leur appliquait réduite à zéro et le même trouble ou quelque autre, ressurgir. En outre j’ai un autre reproche encore à formuler à l’encontre de cette méthode, c’est qu’elle nous interdit toute prise de connaissance du jeu des forces psychiques  » autrement dit des mécanismes en jeu dans la fabrication des symptômes. (3)

Donc, d’après le texte freudien, ce qui différencie la psychanalyse des autres formes de psychothérapie c’est un double renoncement concernant le plus court chemin pour arriver à la guérison au profit de l’élucidation des mécanismes en jeu, d’autre part le renoncement à la suggestion ou tout au moins à son utilisation mise à chaque fois en suspens, déboutée par le déchiffrage de ce que traduit, à chaque étape de l’analyse, l’amour de transfert, à savoir une manifestation du désir de l’analysant dans son lien au désir du psychanalyste.

La psychanalyse marque des points

Dans un autre texte il oppose à nouveau la thérapeutique analytique à la suggestion (4).
« Si, d’après un vieux dicton médical, une thérapeutique idéale est celle qui agit rapidement, avec certitude et n’est pas désagréable pour le malade, la méthode de Bernheim (la suggestion) remplissait au moins deux de ces conditions. Elle pouvait être appliquée rapidement, beaucoup plus rapidement que la méthode analytique, sans imposer au malade la moindre fatigue, sans lui causer aucun trouble. Pour le médecin cela devenait à la longue monotone d’avoir recours dans tous les cas au même cérémonial, pour mettre fin à l’existence des symptômes des plus variés, sans pouvoir se rendre compte de leur signification et de leur importance. C’était un travail de manœuvre, n’ayant rien de scientifique, rappelant plutôt la magie, l’exorcisme, la prestidigitation ; on n’est exécutait pas moins ce travail parce que c’était dans l’intérêt du malade. Mais la troisième condition manquait à cette méthode qui n’était certaine sous aucun rapport … Mais ce qui était encore plus fâcheux que cette incertitude capricieuse du procédé, c’était l’instabilité de ses effets. On apprenait au bout de quelques temps, la récidive de la maladie ou son remplacement par une autre ».

Par le biais du transfert, dans l’analyse, si la guérison des symptômes peut être obtenue c’est en retrouvant leurs sources infantiles. « … pour dissoudre les symptômes, il faut remonter à leurs origines, réveiller le conflit qui leur a donné naissance et orienter ce conflit vers une autre solution, en mettant en œuvre des facteurs qui à l’époque où sont nés les symptômes n’étaient pas à la disposition du malade ».

Tout ce que Freud attend de la psychanalyse :

Il écrit dans un de ses textes de 1923, « La psychanalyse ne s’est jamais donnée comme une panacée et elle n’a pas non plus prétention à faire des miracles. Dans un des domaines les plus difficiles de l’activité médicale, elle est, pour des souffrances déterminées, la seule méthode possible, et pour d’autres, celle qui fournit les résultats les meilleurs ou les plus durables… Du médecin qui n’est pas totalement absorbé par les soins qu’il a pour tâche de donner, elle récompense généreusement la peine en lui procurant des lumières insoupçonnées sur les labyrinthes de la vie psychique et les connexions entre psychique et corporel…
Elle a pour champ d’action avant tout les deux névroses de transfert, hystérie et névrose obsessionnelle, dans lesquelles elle a contribué à mettre à jour la structure interne et les mécanismes à l’oeuvre, sans compter toutes les sortes de phobies, les inhibitions, les anomalies caractérielles, les perversions sexuelles et les difficultés de la vie amoureuse…  »
Remarquons le, de ce champ d’action, Freud avait exclu celui de la psychose. Lacan a bien écrit  » Question préliminaire à tout traitement possible de la psychose « . Où en sommes-nous maintenant par rapport à ce champ de la folie ?

(1) S. Freud, La technique analytique,  » De la psychothérapie « , p. 9
(2) -Op.cit, p. 13.
(3) -Op.cit, p. 14.
(4) – S. Freud, Introduction à la psychanalyse, conférence 28.
(5)  » Psychanalyse  » et  » Théorie de la libido « , Résultats, idées, problèmes, vol. II, P.U.F., p. 51

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