Phase orale de la libido et le cannibalisme

Ce dernier chapitre de conclusion, « Résumés et Problèmes », se divise donc en trois parties, une première partie qui décrit les difficultés de rendre compte de ce qui se passe dans une analyse et surtout de décrire la structure d’une névrose et les temps de sa mise en place. La seconde partie est une analyse synthétique des temps non seulement logique mais historique de la mise en place de cette névrose obsessionnelle. La dernière partie est consacrée, entre autres problèmes soulevés, à ce qu’il appelle «  Les schémas héréditaires phylogénétiques qui assurent comme des « catégories » philosophiques le classement des impressions de la vie ».

Pour l’instant donc nous en sommes à la mise en perspective de la structure de la névrose obsessionnelle de l’Homme aux loups, mise en perspective qui a déjà été amplement décrite  dans les chapitres précédents. Pourtant il y a, chemin faisant, dans ce chapitre, de nouvelles approches, par exemple dans ce paragraphe de la page 254 ce qu’il décrit de la phase orale ou cannibalique.

Voici ce qu’il en décrit : « J’ai été amené à considérer comme la première phase d’organisation sexuelle connue l’organisation dite cannibale ou orale, dans laquelle l’étayage originel de l’excitation sexuelle sur la pulsion de nutrition domine encore la scène. On ne peut s’attendre à des extériorisations directes de cette phase, mais bien à des indices lorsque interviennent des perturbations. »

Or ce qu’on découvre c’est le fait que ces indices sont avant tout et uniquement des indices langagiers. La peur d’être mangé par le loup avant tout mais pas seulement les mots d’amour qui sont empruntés à des signifiants oraux « ma douce », « une femme appétissante » et aussi le fait que dans les rêves les douceurs, les bonbons représentent régulièrement les caresses et les satisfactions sexuelles. Ils en représentent aussi des substituts et donc des compensations. Or de nos jours, les parents ne donnent plus beaucoup de bonbons et de douceurs à leurs enfants de peur qu’ils en prennent l’habitude et ne deviennent obèses. Est-ce qu’il ne pourrait pas y avoir une juste mesure ?

Quand on passe du mot somme toute anodin, celui d’oralité, à l’évocation du  cannibalisme, il me semble que là il y a quelque chose de l’horreur qui s’y introduit. Il suffit de penser aux remous dans la presse qu’avait provoqué le fait divers du japonais cannibale. Il y a un interdit majeur qui est là posé, celui de manger de la chair humaine.

Pourtant aux origines de la civilisation ce cannibalisme a cours : Cronos, après avoir émasculé son père Ouranos, sur les conseils de sa mère, Rhéa, dévore successivement tous les rejetons qui naissent de lui, pour ne pas subir le même sort que son père. Un seul, Zeus en réchappe, car Rhéa lui fait dévorer une pierre à sa place.

Cette phase cannibalique peut être mise en connexion avec ce que Freud a écrit dans Totem et tabou et l’invention de son mythe de meurtre du père. En effet après avoir tué le père, les frères de la horde qui s’étaient ligués contre lui l’avaient mangé au cours d’un repas totémique, un vrai festin. Le cannibalisme est inversé, avec Freud. Ce sont les fils désormais qui mangent le père et non pas l’inverse.

Curieusement quand Freud analyse la phobie du cheval du Petit Hans et la phobie du loup de Sergeï, il ne prend pas en compte cette inversion : à aucun moment il met au compte du fils ce désir de dévoration pourtant… Parmi les trois formes d’identification décrites par Freud, la première est celle qui est décrite comme une identification régressive au stade oral de la libido. Or cette identification est celle qui sert de base, de support à cette identification symbolique au père, celle que Lacan a spécifié comme étant celle du trait unaire. Elle se fait à un petit trait de l’objet. Or si on se réfère à l’exemple que nous en donne Freud, celui de la toux de Dora, cette identification se fait au symptôme du père.

Donc en conclusion, ce qui se manifesterait dans le symptôme phobique, cette crainte d’être dévoré par le père, serait au dernier terme, le désir de le dévorer, de l’incorporer.

A  propos de ce cannibalisme,  on ne peut s’empêcher à l’influence sur le destin que peut avoir le nom propre. Un  grand explorateur, le capitaine Cook, au cours de l’une de ses expéditions, la dernière,  a été en effet cuit à la broche par une tribu cannibale hors son nom signifie en anglais « cuire », « cuisiner ». C’est un peu anecdotique mais c’est signifiant ! Sur Wikipédia cette fin de James Cook semble être mise en doute. Autrement dit l’auteur de l’article n’ose pas en mettre sa main au feu.

Nous en sommes en haut de la page 255 où Freud va continuer à parcourir les étapes historiques de sa névrose obsessionnelle scandées par quelques événements traumatiques qui ont déjà été repérés, il commence bien sûr par l’observation du coït parental puis de la scène avec Grouscha à deux ans et demi. L’important sera de repérer ce que Freud y apporte de nouveau dans ce chapitre de conclusion. Par exemple le développement sur le cannibalisme, était, en grande partie, nouveau.

2 Comments

  1. Bruno de Florence Reply

    Article d’actualité, entre le cannibale canadien Luke Magnotta, et le cannibale de Miami. Sans oublier le cannibale allemand, en 2003, Armin Meiwes, dont la victime avait accepté d’ètre dévoré.

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