Qu’est-ce que la névrose ?

Dans ce chapitre IX d’inhibition, symptôme et angoisse, j’ai d’abord cru que  Freud s’occupait à nouveau  des liens du symptôme au développement de l’angoisse mais aussi  au danger extérieur et intérieur qui causent cette angoisse et qu’il revenait donc sur ce qu’il avait déjà explicité et donc qu’il radotait un peu  mais en fait, à la fin de ce chapitre,  il arrive à ce qui était sa visée à savoir une définition de ce qu’est la névrose. Pour la définir il était en effet nécessaire de articuler les uns aux autres ces trois termes, danger intérieur et extérieur, angoisse à la fois devant ces dangers et angoisse cause du refoulement, et  formation du symptôme. 

Il commence par deux exemples cliniques : « Si on abandonne à lui-même un agoraphobe après l’y avoir accompagné, il fait un accès d’angoisse ; si l’on s’arrange pour empêcher un malade atteint de névrose obsessionnelle de se laver les mains après avoir touché quelque chose, il est la proie d’une angoisse intolérable. Il est donc clair que la condition qui est mise d’être accompagné et l’action compulsionnelle du lavage avaient pour fin, et aussi pour résultat, de prévenir de telles manifestations d’angoisse ».

1-  « les symptômes sont créés pour soustraire le moi à une situation de danger ».2 –  il y a deux sortes de danger, un danger interne, celui des revendications pulsionnelles, et un danger externe, mais ce danger externe est déclenché en guise de punition pour ces revendications pulsionnelles, danger de castration et perte d’amour, il est donc conséquence du danger interne.

 3 –  danger externe et danger interne sont confondus quand il s’agit d’un danger venu du Surmoi. C’est l’ennemi intérieur, celui aussi appelé « le saboteur interne ».

 4 – Entre le danger interne ou externe et le symptôme surgit l’angoisse. Suit un passage un peu coton : « D’après notre conception, les relations entre l’angoisse et le symptôme s’avèrent moins étroites que nous l’avions supposé, depuis que nous avons intercalés entre les deux termes le facteur de la situation de danger ». Qu’est-ce que nous indique Freud, ici, par cette remarque ? Je pense qu’il apporte une atténuation au fait que c’est l’angoisse qui provoque le refoulement, peut-être est-il plus juste de dire que c’est la situation de danger, dont le développement d’angoisse sert de signal qui provoque le refoulement et donc la formation du symptôme.

5 – « La formation de symptôme a pour effet de supprimer la situation de danger ». Elle fait en effet disparaître, tout au moins en apparence, la revendication pulsionnelle qui avait créé cette situation. Il décrit « deux faces du symptôme ». L’une reste cachée, « elle provoque dans le ça une modification telle que la situation de danger est évitée », l’autre face du symptôme est celle qui nous est présentée, une formation de substitut. Est-ce que ce n’est pas ce qui correspond au refoulement lui-même et au retour du refoulé ?

6 – il y a deux sortes de processus de défense, soit on prend la fuite devant le danger, soit on organise la défense de façon active. Freud prend l’exemple d’un homme attaqué par un loup, soit il prend la poudre d’escampette, soit il s’arme d’un gourdin pour se défendre. Il en va de même du danger pulsionnel, soit il prend la fuite, soit il organise sa défense : « En effet il intervient dans le cours de pulsions menaçantes le réprime comme il peut, le détourne de son but et le rend ainsi inoffensif. »

7 – Le facteur temps intervient. Les névrosés sont des sujets qui on gardé de leur enfance, les situations de dangers et les mécanismes de défense qu’ils avaient érigés contre elles à savoir les symptômes. «  Toute situation de danger correspond à une certaine époque de la vie ou à une phase de développement de l’appareil psychique et semble se justifier par rapport à elle. Le petit être de la toute première enfance n’est effectivement pas équipé pour maîtriser psychiquement de grandes quantités d’excitation qui lui arrivent de l’intérieur ou de l’extérieur. A une certaine époque de la vie, ce qui est d’un intérêt primordial, c’est bel et bien que les personnes dont on dépend ne retirent pas leur tendre sollicitude. Plus tard, lorsque le petit garçon ressent le père  si puissant comme rival par rapport à la mère, il a bien raison d’avoir peur de son père et l’angoisse d’être puni par lui peut, renforcée par le facteur phylogénétique, se manifester comme angoisse de castration. »

Or le sujet névrosé se caractérise par le fait de ne pas avoir abandonné ces situations d’angoisse arrivé à l’âge adulte. «  En définitive, la condition d’adulte […]  n’offre aucune espèce de protection  absolue contre le retour de la première situation traumatique génératrice d’angoisse. On peut concevoir qu’il y a pour chacun, une limite au-delà de laquelle son appareil psychique échoue à maîtriser les quantités d’excitation qui exigent d’être liquidées. Ces rectifications mineures ne sauraient en aucune manière ébranler le fait que nous examinons ici, à savoir que tant d’hommes demeurent infantiles dans leur comportement envers le danger et ne surmontent pas des conditions d’angoisse qui sont désormais surannées. Le contester serait en effet nier le fait de la névrose, car c’est justement ces personnes qu’on appelle des névrosés  ».

C’est donc bien ça la névrose, le maintien mais aussi le transfert à l’âge adulte d’une lutte contre des dangers qui n’auraient plus lieu d’être, car ils sont d’un autre temps, celui de l’enfance.

Freud termine ce chapitre sur cette question du pourquoi de la névrose : «  D’où provient ce caractère de persistance des mêmes réactions au danger ? D’où vient le privilège dont semble bénéficier l’affect d’angoisse sur tous les autres affects, d’être le seul à provoquer des réactions qui se distinguent des autres  comme  anormales (les symptômes) et qui par leur caractère impropre, s’opposent au courant de la vie ? »

A cette question, Freud se trouve incapable de répondre. Et nous ?  Je me disais, à propos de cette question restée sans réponse, que ce serait sans nul doute intéressant de reprendre  les deux rêves de l’Homme aux loups, son rêve princeps, le rêve des loups, et le rêve de la fin de son analyse,  celui de la destruction des icônes avec l’aide de Ruth Mack Brunscwick, pour pouvoir y mesurer le travail accompli après de si longues années d’analyse. En tout cas c’est intéressant de considérer la « guérison » de la névrose, comme une façon de lui redonner sa place, sa raison, sa justification, dans le temps, un temps désormais révolu puisque étant celui de l’enfance.

 

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