Notes sur le désir insatisfait de l’hystérique

Lacan indiquait, notamment à propos des symptômes d’Elisabeth Von R. que les hystériques s’intéressent avant tout à des situations de désir, on peut dire que c’est ce qui se passe aussi à propos du rêve de la belle bouchère.

Nous avons affaire à l’intrication de plusieurs désirs qui viennent se croiser et se recroiser, au point d’en faire un véritable imbroglio. Le désir de Freud en premier, puisqu’il s’agit du rêve d’une analysante, puis celui du mari, du peintre, et de l’amie. De plus si le désir de caviar de la bouchère renvoie au désir de saumon de son amie, celui doit encore renvoyer à un autre désir insatisfait et ainsi à l’infini.

A un premier niveau donc il s’agit d’un rêve de transfert. Le rêve de cette analysante est fait pour démontrer à Freud que le rêve, son rêve, n’est pas, contrairement à ce qu’il avance une réalisation de désir.

Est-ce que ce n’est pas là, dans son rapport au désir de Freud, qu’on pourrait trouver la trace originelle des raisons qui nécessitent la création de ce désir insatisfait ? Si on se fie à ce qu’avait formulé Lacan, que « le transfert est la mise en acte de la réalité de l’inconscient dans son lien au désir du psychanalyste », il me semble que c’est là qu’on doit retrouver les raisons de la création nécessaire de ce désir non satisfait, en référence, bien sûr au désir parental.

On en trouve peut-être un petit indice : «  Quand je prends en analyse un psychonévrosé, ses rêves on l’a dit, deviennent régulièrement le sujet de nos discussions. Je dois alors lui délivrer toutes les explications psychologiques à l’aide desquelles je suis moi-même arrivé à comprendre ses symptômes ». N’est-ce pas la « délivrance » de ces explications qui déclenche en quelque sorte cette nécessité de parer à elle par la création d’un désir permettant d’échapper à cette contrainte ? On a l’impression que Freud était tellement occupé à vérifier ses hypothèses qu’il ne devait peut-être pas laisser à ses analysants le temps de trouver eux-mêmes l’explication de leurs symptômes.

Ce désir insatisfait serait une façon d’échapper à la violence du désir de l’Autre, d’aménager une plage de liberté où l’Autre ne peut que perdre tout pouvoir si on peut refuser qu’il soit satisfait. Je me demande aussi si ce désir insatisfait qui lui est nécessaire n’est pas un remède, quelque chose qui la protège du danger que lui fait courir la multiplicité de ces identifications, dans lesquelles elle risque littéralement de se perdre.  il est en somme la garantie de son existence de sujet.  Vient-il suppléer ainsi les insuffisances de la métaphore paternelle ?

Cela m’a fait penser à une plainte qu’avait formulé Lacan au cours d’un congrès à Strasbourg. Il avait répété plusieurs fois, au cours de ce congrès, « le manque me manque ».

Ce désir insatisfait est une façon de l’aménager, ce manque, de l’instaurer faute de mieux. C’est une sorte de point d’ancrage qui garantit en somme pour chacun son existence de sujet désirant. Cela doit pallier les insuffisances de la castration symbolique, ce qui caractérise la névrose.

En effet le caviar et le saumon étaient, à l’époque,  une nourriture de luxe, hors de prix,  ils pouvaient donc être élevés au rang d’objets phalliques.  Je me demande donc s’ils n’étaient  pas, de ce fait même, une tentative de symbolisation du phallus, sous la forme de ce désir insatisfait.

Sur le graphe du désir, ce désir insatisfait est là pour maintenir un au-delà de la Demande, ce que Lacan appelle l’aire du désir, qui est ainsi marquée en bleu. Il indique qu’il est là pour permettre à toutes les  hystériques de prendre la clé des champs, des champs de leur désir.

 

 

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