
A la suite de ce rêve dit d’impatience, celui de voir l’homme que cette femme aimait au cours de l’enterrement de l’enfant de sa soeur, Freud ne nous raconte, cette fois-ci qu’un petit fragment de rêve de l’une de ses analysantes où il s’agit à nouveau de la mort d’en enfant.
En voici le texte :
« Cette dame avait l’impression, dans le contexte d’un rêve assez long, qu’elle voyait sa fille unique de quinze ans, morte, couchée là devant elle, dans une boite ».
Il s’agit bien là d’une image, « une image onirique ». Freud la décrit même comme une sorte d’apparition. Elle rend bien compte de ce pourquoi il qualifie le rêve de rébus. C’est une image qu’il convient de déchiffrer, de mettre en mots. Il s’agit d’en faire le récit.
Et ce qui va justement aider au déchiffrage de ce rêve, c’est le signifiant « boite ».

j’ai commencé à travailler ce nouveau rêve. Il a un intérêt supplémentaire, outre son interprétation, c’est celui de montrer ce qu’était la technique analytique de Freud, en ce temps de l’interprétation des rêves. Il semble bien qu’il faisait, en fonction du matériau analytique livré par l’analysant, des hypothèses sur les événements survenus dans l’enfance du sujet qui avaient dû provoquer la névrose et surtout qu’il ne les gardait pas pour lui et lui en faisait part. Je pense que cette démarche devait correspondre à ce qu’il décrivait dans son article « Constructions en analyse ».
Ce rêve ne figure qu’en note de l’interprétation du rêve1. Il a été rapporté par le docteur Hermine von Hug-Hellmuth et il est cité par Freud pour décrire ce qu’est la fonction de la censure dans la déformation du rêve. Il n’a pas été interprété mais il est malgré tout assez transparent.
Dans ce chapitre III intitulé « le rêve est une réalisation de désir », Freud décrit quelques rêves qu’il qualifie de « simples ». Et bien sûr on peut se poser la question de ce qu’il entend par là. De la série d’exemples qu’il donne, il me semble qu’on peut en déduire qu’ils sont simples à déchiffrer et donc à interpréter. Ils ne font pas mystère du désir qui s’y exprime. Celui-ci n’est pas masqué, déguisé, comme il le précisera dans le chapitre suivant sous le titre la « défiguration du rêve ».
A l’orée de ce nouveau chapitre, chapitre III ayant pour titre « Le rêve est une satisfaction de désir » Freud devient lyrique. Il admire le paysage qui se présente devant lui, prend le temps de choisir les chemins qu’il empruntera, se réjouit surtout de l’exploit accompli. On le sent heureux et il y a de quoi : « Quand au sortir d’un nouveau chemin creux on débouche soudain sur une hauteur où les chemins se divisent et où s’offrent au regard dans des directions différentes les perspectives les plus riches, on a bien le droit de se poser un instant et de se demander de quel côté on va d’abord tourner ses pas. Quelque chose de semblable nous arrive à présent, maintenant que nous avons passé le cap de cette première interprétation d’un rêve. Nous sommes dans la grande clarté d’une révélation soudaine». Arrivé au sommet, Freud admire le panorama qui se présente à lui.
Dans le séminaire « Le Moi dans la théorie de Freud et de la technique analytique », Lacan consacre une dernière séance, celle du 16 mars 1955, au rêve de l’injection faite à Irma. Beaucoup de fils peuvent être suivis et notamment celui de la question de la régression, mais j’ai choisi de mettre l’accent sur un point qui va continuer à nous servir de façon efficace dans notre lecture de tous les rêves de l’Interprétation des rêves, la façon dont Lacan repère dans ce rêve les trois registres du Réel, de l’Imaginaire et du Symbolique et surtout comment ils sont en quelque sorte noués l’un aux deux autres.
Dans cette séance du 9 mars 1955, Lacan continue donc son analyse du rêve de Freud, le rêve de l’injection faite à Irma, et on peut se poser une question qui me semble importante à propos de ce qu’il dit de cette analyse après-coup, au début de cette même séance et à la fin. Les deux approches paraissant, au moins au premier abord, contradictoires.