Psychanalyse

Le rêve d’impatience d’une femme amoureuse

Le rêve que Freud raconte maintenant est celui d’une jeune femme qui a été élevée par sa sœur aînée. Il fait partie de toute la série de ces rêves que Freud décrit comme faisant objection au rêve comme réalisation de désir .

Quand on prend le texte même du rêve, en l’isolant de son contexte, on découvre à quel point il est impossible de l’analyser sans l’aide de la rêveuse, non seulement de ses associations mais aussi de son histoire. Il est en effet, tel quel, littéralement indéchiffrable :

« Cette nuit je rêve que je vois le jeune Cary, couché mort devant moi. Il est allongé dans un petit cercueil, mains jointes, il y a des cierges tout autour. Bref exactement la même chose que jadis avec le petit Otto, dont la mort m’a tellement bouleversée »1.

Rêve de celle qui ne souhaitait pas passer des vacances avec sa belle-mère

j’ai commencé à travailler ce nouveau rêve.  Il a un intérêt supplémentaire,  outre son interprétation,  c’est celui de montrer ce qu’était la technique analytique de Freud, en ce temps de l’interprétation des rêves.  Il semble bien qu’il faisait,  en fonction du matériau analytique livré par l’analysant, des hypothèses sur les événements survenus dans  l’enfance du sujet qui avaient dû provoquer la névrose et surtout qu’il ne les gardait pas pour lui et lui en faisait part. Je pense que cette démarche devait correspondre à ce qu’il décrivait dans son article « Constructions en analyse ».

Notes sur le désir insatisfait de l’hystérique

Lacan indiquait, notamment à propos des symptômes d’Elisabeth Von R. que les hystériques s’intéressent avant tout à des situations de désir, on peut dire que c’est ce qui se passe aussi à propos du rêve de la belle bouchère.

Nous avons affaire à l’intrication de plusieurs désirs qui viennent se croiser et se recroiser, au point d’en faire un véritable imbroglio. Le désir de Freud en premier, puisqu’il s’agit du rêve d’une analysante, puis celui du mari, du peintre, et de l’amie. De plus si le désir de caviar de la bouchère renvoie au désir de saumon de son amie, celui doit encore renvoyer à un autre désir insatisfait et ainsi à l’infini.

A un premier niveau donc il s’agit d’un rêve de transfert. Le rêve de cette analysante est fait pour démontrer à Freud que le rêve, son rêve, n’est pas, contrairement à ce qu’il avance une réalisation de désir.

Le rêve dit des services d’amour

Ce rêve ne figure qu’en note de l’interprétation du rêve1. Il a été rapporté par le docteur Hermine von Hug-Hellmuth et il est cité par Freud pour décrire ce qu’est la fonction de la censure dans la déformation du rêve. Il n’a pas été interprété mais il est malgré tout assez transparent.

Celle qui rêve est une femme de cinquante ans, veuve depuis douze ans d’un colonel de l’armée et dont l’un de ses fils est lui aussi dans l’armée.

Freud écrit « Pour effacer les passages qui lui paraissent choquants la défiguration onirique travaille dans cet exemple avec les mêmes moyens que la censure épistolaire. Celle-ci rend ce genre de passages illisibles en les recouvrant d’un large trait d’encre, la censure onirique les remplace par un marmonnement incompréhensible »

Le rêve de l’oncle Joseph

Freud va répondre aux arguments de tous ceux qui objectent à son approche du rêve comme étant une satisfaction de désir, en avançant l’existence des rêves d’angoisse. A cela il rétorque qu’il faut tenir compte de l’existence du contenu manifeste et du contenu latent du rêve. Il écrit «  il est juste qu’il existe des rêves dont le contenu manifeste est de l’espèce la plus pénible. Mais quelqu’un a-t-il jamais tenté d’interpréter ces rêves, d’en mettre au jour le contenu latent ? Or, si ce n’est pas le cas, les deux objections ne nous touchent plus ; il demeure malgré tout possible que même les rêves pénibles et les rêves d’angoisse s’avèrent après interprétation être des satisfactions de désir. »

Rêves tout simples et rêves d’enfants

Dans ce chapitre III intitulé «  le rêve est une réalisation de désir », Freud décrit quelques rêves qu’il qualifie de « simples ». Et bien sûr on peut se poser la question de ce qu’il entend par là. De la série d’exemples qu’il donne, il me semble qu’on peut en déduire qu’ils sont simples à déchiffrer et donc à interpréter. Ils ne font pas mystère du désir qui s’y exprime. Celui-ci n’est pas masqué, déguisé, comme il le précisera dans le chapitre suivant sous le titre la « défiguration du rêve ».

Ces caractéristiques étant posées on peut aisément les retrouver dans quelques-uns des rêves décrits, le premier rêve de soif que Freud raconte avant celui du rêve de l’urne cinéraire, mais aussi dans tous les petits rêves d’enfants où quelques-unes des frustrations de la journée se transforment en désirs réalisés dans les rêves de la nuit. Ils s’y expriment tous de façon explicite et ne recèlent aucun mystère.

Rêves de soif

A l’orée de ce nouveau chapitre, chapitre III ayant pour titre « Le rêve est une satisfaction de désir » Freud devient lyrique. Il admire le paysage qui se présente devant lui, prend le temps de choisir les chemins qu’il empruntera, se réjouit surtout de l’exploit accompli. On le sent heureux et il y a de quoi  : « Quand au sortir d’un nouveau chemin creux on débouche soudain sur une hauteur où les chemins se divisent et où s’offrent au regard dans des directions différentes les perspectives les plus riches, on a bien le droit de se poser un instant et de se demander de quel côté on va d’abord tourner ses pas. Quelque chose de semblable nous arrive à présent, maintenant que nous avons passé le cap de cette première interprétation d’un rêve. Nous sommes dans la grande clarté d’une révélation soudaine». Arrivé au sommet, Freud admire le panorama qui se présente à lui.

Une approche du Réel, de l’Imaginaire et du Symbolique dans le rêve de l’injection faite à Irma

Dans le séminaire « Le Moi dans la théorie de Freud et de la technique analytique », Lacan consacre une dernière séance, celle du 16 mars 1955, au rêve de l’injection faite à Irma. Beaucoup de fils peuvent être suivis et notamment celui de la question de la régression, mais j’ai choisi de mettre l’accent sur un point qui va continuer à nous servir de façon efficace dans notre lecture de tous les rêves de l’Interprétation des rêves, la façon dont Lacan repère dans ce rêve les trois registres du Réel, de l’Imaginaire et du Symbolique et surtout comment ils sont en quelque sorte noués l’un aux deux autres.

Pas question d’analyser Freud, pourtant…

Dans cette séance du 9 mars 1955, Lacan continue donc son analyse du rêve de Freud, le rêve de l’injection faite à Irma, et on peut se poser une question qui me semble importante à propos de ce qu’il dit de cette analyse après-coup, au début de cette même séance et à la fin. Les deux approches paraissant, au moins au premier abord, contradictoires.

Voici la première : « Entendez bien que je ne suis pas entrain de refaire l’analyse du rêve de Freud après Freud lui-même. Ce serait tout à fait absurde. Pas plus qu’il n’est question d’analyser les auteurs défunts il n’est question d’analyser Freud mieux que Freud son propre rêve.

Une vision d’horreur, la gorge d’Irma

Dans la séance précédente, celle du 9 février 1956, Lacan a commencé à lire ce rêve de l’injection faite à Irma avec l’aide du schéma L. Il inscrit ainsi sur l’axe imaginaire du schéma (du petit autre au moi), toute la première partie de ce rêve où Freud s’identifie avec toute la série des femmes puis des hommes qui ont été invités à discuter avec lui de l’état de santé d’Irma. sur l’axe symbolique (du grand A au S), Il inscrit ce qu’il appelle « sa conversation inconsciente avec Fliess, ce qui correspond donc à son auto-analyse. Nous avons donc là une première vue d’ensemble de la structure de ce rêve.

Dans cette seconde séance du 9 mars 1956, il indique : «  ce rêve nous allons le prendre avec notre point de vue de maintenant » et donc notamment avec la notion du signifiant et surtout avec les trois registres du symbolique, de l’Imaginaire et du Réel.

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