Rêves, lapsus, traits d'esprit et symptômes

Un rêve masochiste

Christelle Prévôt

Suivre Freud de texte en texte pour comprendre son élucidation d’un rêve masochiste dans « L’Interprétation du rêve ».

Freud nous indique qu’une autre motivation des anti-rêves de désir prend sa source dans la composante masochiste de la constitution sexuelle de bien des gens, composante masochiste née du retournement en son contraire de la composante agressive sadique.

Ceux qui recherchent du plaisir dans l’humiliation et le tourment psychique sont des masochistes idéels et leurs rêves de déplaisir sont une satisfaction de leur inclination masochiste.

Vient ensuite l’exposition du rêve cité en exemple, il est composé de trois séquences :

1 – Que son frère aîné le « sekiert » (la traduction dit « tarabuste » voire « haché »)
2 – Que deux adultes se font des manières dans une intention homosexuelle  c’est une scène de séduction
3- Le frère a vendu l’entreprise dont il s’était réservé la direction pour son avenir
Le rêveur est un jeune homme qui a gravement tourmenté son frère auquel il était attaché par des tendances homosexuelles.

L’interprétation du rêve que nous donne Freud est la suivante : « C’est bien fait pour moi si mon frère m’infligeait cette vente , pour me punir de tous les tourments que je lui ai fait endurer. »

Le rêve du miroir incendiaire d’Archimède

Ce rêve, tout comme le rêve de « Rabbi Savonarole », est lui aussi mis tout d’abord en relation avec la périodicité de Fliess, celle des périodes de 28 et de 23 jours qui sont mises en lien respectivement avec la féminité ou la virilité. Cette périodicité Freud la réfute cependant à chaque fois, pour évoquer un événement de la veille qui a provoqué son rêve, en l’occurrence, cette fois-ci, le fait qu’il avait appris une mauvaise nouvelle, la suppression du lieu où il pouvait jusqu’alors donner ses conférences. Cela lui avait sans doute fait penser, écrit-il, à ses débuts de jeune médecin où on lui avait  refusé toute aide d’où son appel à Archimède et à ses « miroirs incendiaires ». Lui saurait au moins lui trouver un lieu où parler de psychanalyse.

Le célèbre rêve de la belle bouchère

Le moment est venu de travailler le rêve de la belle bouchère. A vrai dire, comme je l’ai déjà beaucoup travaillé au fil de toutes ces années, j’avais peur d’en être un peu lassée à l’avance, mais avec Freud, les lectures sont toujours nouvelles, j’avais grand tort de le penser. Je l’ai lu et retravaillé avec un très grand plaisir

Ce rêve dit de la Belle Bouchère, figure avec quelques autres, dont le rêve de l’oncle Joseph, dans le chapitre IV de l’Interprétation du rêve, ayant pour titre, « La défiguration du rêve ».

Rêves de soif

A l’orée de ce nouveau chapitre, chapitre III ayant pour titre « Le rêve est une satisfaction de désir » Freud devient lyrique. Il admire le paysage qui se présente devant lui, prend le temps de choisir les chemins qu’il empruntera, se réjouit surtout de l’exploit accompli. On le sent heureux et il y a de quoi  : « Quand au sortir d’un nouveau chemin creux on débouche soudain sur une hauteur où les chemins se divisent et où s’offrent au regard dans des directions différentes les perspectives les plus riches, on a bien le droit de se poser un instant et de se demander de quel côté on va d’abord tourner ses pas. Quelque chose de semblable nous arrive à présent, maintenant que nous avons passé le cap de cette première interprétation d’un rêve. Nous sommes dans la grande clarté d’une révélation soudaine». Arrivé au sommet, Freud admire le panorama qui se présente à lui.

Une approche du Réel, de l’Imaginaire et du Symbolique dans le rêve de l’injection faite à Irma

Dans le séminaire « Le Moi dans la théorie de Freud et de la technique analytique », Lacan consacre une dernière séance, celle du 16 mars 1955, au rêve de l’injection faite à Irma. Beaucoup de fils peuvent être suivis et notamment celui de la question de la régression, mais j’ai choisi de mettre l’accent sur un point qui va continuer à nous servir de façon efficace dans notre lecture de tous les rêves de l’Interprétation des rêves, la façon dont Lacan repère dans ce rêve les trois registres du Réel, de l’Imaginaire et du Symbolique et surtout comment ils sont en quelque sorte noués l’un aux deux autres.

Lacan relit le rêve de l’injection faite à Irma avec le schéma L

Séance du 9 février 1955

Quand on commence à lire une séance du séminaire on ne sait jamais où elle va nous entraîner. Comme je voulais un peu replacer à nouveau ce rêve de l’injections faite à Irma, tel que Lacan s’y intéresse dans ce séminaire, je me suis aperçue qu’il prend cette question du rêve d’une façon inversée par rapport à celle de Freud.

Je m’explique, Freud commence par présenter matériellement ce qu’est l’interprétation d’un rêve, avec ce rêve de l’injection faite à Irma, avant même d’avancer son schéma de l’appareil psychique dans le chapitre VII du livre.

Lacan prend le chemin inverse, dans cette première séance qu’il consacre à l’analyse de ce rêve, celle du 9 février 1956, il  décrit  d’abord ce qu’il en est des différents temps d’élaboration de cet appareil de l’Esquisse à la Traumdeutung et s’arrête longuement sur les difficultés qu’a rencontré Freud pour rendre compte de l’état de conscience, ce qu’il appelle le système perception  conscience.  Il explique par une jolie métaphore, que ces appareils ne sont que les « premiers battements d’ailes de Freud » et que ce qui ne lui permettait pas de résoudre le problème c’est le fait qu’il n’avait pas encore pris en compte la question du narcissisme.

La forme figurative du rêve

Dans cette séance du 9 mars 1955 du séminaire « Le moi dans la théorie de Freud et dans la technique analytique » Lacan reprend le rêve de l’injection faite à Irma, mais tout d’abord il apporte une précision importante concernant ce que Freud appelle « les images visuelles » et qu’il définit comme des perceptions ou encore à proprement parler des « hallucinations visuelles » qui surgissent dans les rêves. Lacan les remet en effet en question ainsi d’ailleurs que ce que Freud qualifie de régression. Il pense que Freud a été contraint d’émettre cette hypothèse en raison même des insuffisances du premier schéma de son appareil psychique, celui qu’il a inventé entre perception et conscience dans l’Esquisse. Il les remet en question en précisant qu’il ne s’agit pas de perceptions dans le rêve mais d’images, donc du « figuratif »  et à proprement parler de l’imaginaire. Selon lui «si le terme d’imaginaire avait pu être employé…

Une Initiation à la technique analytique

La deuxième partie de cet ouvrage, « L’interprétation du rêve », a pour titre «  la méthode d’interprétation du rêve ; Analyse d’un modèle de rêve ». Nous arrivons donc à la lecture du fameux rêve de l’injection faite à Irma, longuement depuis commenté par les analystes et notamment par Lacan dans le séminaire « Le moi dans la théorie de Freud et dans la technique de la psychanalyse ». Mais auparavant, Freud, en quelques pages pose, avec brio et rigueur, ce qu’il en est de la règle analytique, celle de l’association libre. C’est dans le cadre de cette thérapeutique des symptômes qu’il replace en effet la théorie du rêve et les possibilités de son interprétation.

Ces énigmatiques « représentations » du rêve

L’ambiguïté de ces termes « vorstellungen » traduits en français par « représentations » est développée dans cette partie de la littérature sur le rêve qui a pour titre «  Les particularités psychologiques du rêve ». Deux rêves de Maury nous emmènent en voyage et notamment sur l’île de Gilolo1 et servent à les cerner.

1 – La partie du texte qui suit décrit bien le fait que ces représentations du rêve sont tout d’abord des images visuelles : « Les auteurs dont je reproduis ici le point de vue se représentent la formation des rêves à peu près de la manière suivante : la somme des stimuli sensoriels agissant pendant le sommeil à partir des différentes sources mentionnées à un autre endroit éveillent d’abord dans le psychisme un certain nombre de représentations qui se présentent d’abord comme des hallucinations (lesquelles seraient plutôt pour Wundt des illusions en raison des de leur provenance de stimuli externes et internes ). Ces représentations se lient les unes aux autres selon les lois d’association bien connues, et éveillent de leur côté, selon les mêmes règles, une nouvelle série de représentations (d’images). »

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