Le Rêve de Freud avec la condensation «  Autodidasker »

Voici le texte de ce rêve «  Une autre fois je fais un rêve fait de deux morceaux disjoints. Le premier est le mot « Autodidacsker », dont j’ai un souvenir vif, l’autre recoupe fidèlement une brève et innocente séquence imaginaire qui date de quelques jours et dont le contenu est que je dois dire au professeur N si je le vois sous peu «  Le patient sur l’état duquel je vous ai consulté dernièrement ne souffre effectivement que d’une névrose exactement comme vous l’aviez supposé ».

Or cet épisode n’est là que pour introduire ce qui va permettre en effet l’interprétation du rêve en tant que, au cours de cette rencontre des jours précédents, ce même confrère lui avait demandé combien il avait d’enfants. Freud lui ayant répondu qu’il avait trois filles et trois garçons, il lui avait fait remarquer qu’à l’adolescence ses garçons risquaient de lui créer quelques soucis.

C’est le contexte de ce rêve. Une formule va l’illustrer que l’on retrouvera dans son contenu latent « Cherchez la femme ! »  Elle viendra en effet constituer le nœud de ce rêve en rejoignant les associations qui venaient de la condensation « Autodidasker ».

Cette condensation énigmatique, une néoformation, Freud va très vite la décomposer en trois plus un signifiants Auteur, Autodidacte, Lasker et Lasalle.

A partir de ces quatre signifiants Freud poursuit l’interprétation de ce rêve. Il relate les soucis partagés avec Martha concernant les dangers que font courir les fréquentations féminines pour l’avenir de leurs trois fils. En effet en note Freud nous indique que le dénommé Lasker était mort de syphilis, tandis que Lassalle, lui était mort au cours d’un duel et tout ceci à cause d’une femme.

Et les deux fragments disjoints de ce rêve viennent converger avec l’aide de cette « chimie des mots » vers cette sorte d’injonction : « Cherchez la femme »

Cette formule a été utilisée plusieurs fois par Alexandre Dumas notamment dans son roman 1 «  Les mohicans de Paris », mais la formule est ancienne : Elle remonte à Juvenal, dans la satyre VI.

Dans la poursuite de son rêve, Freud évoque alors Alexandre, son petit frère ( après Alexandre Dumas) qu’il espère bientôt marié et sans nul doute bien marié. Il espère qu’il cherche et qu’il se trouve une femme.

En tout cas, il associe Alex à Lasker qui était mort de syphilis contaminé par une femme puis à Zola qui dans l’Oeuvre décrit une vie familiale heureuse. Ce qui fait le pont entre ces deux oppositions ce sont ces jeux de lettres sur les deux noms propres : Alex/Lasker et Zola/Aloz/Sandoz.

Pour résumer le sens de ce rêve, Freud et Martha se soucient des dangers que pourraient courir les trois fils parvenus à l’âge adulte à cause des femmes. Les trois noms Lasker, Lasalle et Zola en constitue la trace dans le contenu manifeste du rêve  et de ses associations :

« Pour l’idée inquiétante de sombrer à cause de la femme qui constituait le noyau de mes pensées du rêve, je trouvais à Breslau les exemples de Lasker et de Lasalle, qui en même temps m’autorisaient à figurer les deux façons d’être conduits au désastre par cette influence de la femme. Le « cherchez la femme » dans lequel on peut résumer ces pensées me mène dans un autre sens à mon propre frère, encore célibataire et qui se prénomme Alexandre. »

En ayant travaillé ce rêve je me suis aperçue que dans le texte2 où Lacan analyse à son tour ce rêve de Freud pour y mettre en exercice et, sans doute, une des premières fois, son approche linguistique du texte freudien, il évoque lui aussi, même si c’est de façon discrète, ce qu’était pour Freud sa conception du mariage et c’est en cela qu’il rejoint sans pour autant l’indiquer Les Satyres de Juvenal où dans la Satyre VI, il évoque les  « joies »  et contraintes du mariage. Les femmes n’y sont pas décrites à leur avantage : ce sont, à ses yeux, de redoutables emmerdeuses.

Melman a lui aussi repris ce rêve et, dans le début du texte que j’ai lu, il l’a illustré de cette formule, celle du « Pas d’homme sans femme ». C’est pas mal car ça donne une approche un peu neuve et concise du complexe de castration. S’il n’y a pas de femme, il n’y a pas de complexe de castration et donc pas d’homme non plus !

1https://fr.wikipedia.org/wiki/Cherchez_la_femme

2Lacan Freud dans le siècle 16 mai 1956

J’ai fait un schéma de ces signifiants mis en jeu dans ce rêve à partir de cet Autodidaske

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