Freud

Un rêve de Freud, rêve des knödel (Suite)

Les souvenirs heureux et malheureux de Freud mis en lien avec son rêve

Nous en sommes toujours au chapitre « Matériau et sources du rêve ». Ce rêve trouve place dans la longue liste d’exemples où il démontre que dans le contenu manifeste du rêve on trouve toujours une « allusion » à un souvenir d’enfance. Cette fois-ci avec ce rêve, il décrit plusieurs souvenirs, les uns récents, les autres beaucoup plus anciens, le plus important étant celui où sa mère lui enseignait la parole biblique à savoir qu’on n’est que poussière et qu’on doit retourner à la poussière, l’année de ses six ans.

Je rappelle ici, le texte du rêve : « Je vais dans une cuisine pour qu’on m’y donne un entremets sucré. Il y a là trois femmes, dont l’une est l’aubergiste, et roule quelque chose dans sa main comme si allait faire des knödel. Elle me répond qu’il faut attendre qu’elle ait fini (ces mots là ne sont pas très clairs). Je m’impatiente et je m’en vais vexé. J’enfile un pardessus ; mais le premier que j’essaie est trop long pour moi. Je l’enlève un peu surpris qu’il ait une garniture de fourrure. Un deuxième que je passe est garni d’une longue bande ornée d’un dessin turc. Arrive alors un inconnu à long visage et courte barbiche pointue qui m’empêche de passer en déclarant qu’il est à lui. Je lui montre alors qu’il est partout couvert de broderies turques. Il demande : en quoi ça vous regarde ces (dessins, bandes…) turcs. Après quoi nous sommes très aimables l’un envers l’autre. » ( p. 244, traduction J.P Lefebvre)

Un rêve de Freud alors qu’il est à la fois fatigué et affamé (rêve des knödel)

C’est un rêve de Freud, peut-être au moins aussi important que le rêve de l’injection faite à Irma, ou celui de la monographie botanique. Pour aucun de ces trois rêves, Freud ne nous livre le fin mot de leur interprétation, mais ils n’occupent pas du tout la même place dans l’ouvrage.

Les deux premiers étaient là pour démontrer que le rêve est la manifestation d’un désir refoulé, ce rêve des trois parques, comme tous les nombreux rêves de ce chapitre, a pour fonction de mettre en évidence le fait que dans le contenu manifeste du rêve il existe toujours une « allusion » à des souvenirs d’enfance .

Voici le texte du rêve : « Je vais dans une cuisine pour qu’on m’y donne un entremets sucré. Il y a là trois femmes, dont l’une est l’aubergiste, et roule quelque chose dans sa main comme si allait faire des knödel. Elle me répond qu’il faut attendre qu’elle ait fini (ces mots là ne sont pas très clairs). Je m’impatiente et je m’en vais vexé. J’enfile un pardessus ; mais le premier que j’essaie est trop long pour moi. Je l’enlève un peu surpris qu’il ait une garniture de fourrure. Un deuxième que je passe est garni d’une longue bande ornée d’un dessin turc. Arrive alors un inconnu à long visage et courte barbiche pointue qui m’empêche de passer en déclarant qu’il est à lui. Je lui montre alors qu’il est partout couvert de broderies turques. Il demande : en quoi ça vous regarde ces (dessins, bandes…) turcs. Après quoi nous sommes très aimables l’un envers l’autre. » ( p. 244, traduction J.P Lefebvre)

La vieille dame qui, dans son rêve, n’arrêtait pas de tomber

Cette vieille dame est la même qui, dans la page précédente, était toujours pressée. D’ailleurs dans ce premier rêve elle est bousculée et tombe.  Freud nous présente ce second rêve pour mettre en évidence le fait que le contenu manifeste de ce rêve est en lien non pas avec un seul souvenir d’enfance, mais avec plusieurs. Ils sont tous des souvenirs de chute.

« Elle sort faire des commissions en tout hâte. Après quoi, sur le Graben, elle tombe à genou, comme effondrée. Une foule de gens se rassemble autour d’elle, notamment des cochers de fiacres ; mais personne ne l’aide à se relever. Elle fait, en vain, de nombreuses tentatives ; finalement il faut bien que ça ait réussi, car on l’assied dans un fiacre sensé la ramener chez elle : par la fenêtre on lui lance encore un grand panier lourdement rempli (qui ressemble à un panier de courses). » (p. 242 L’Interprétation du rêve, traduction J.P Lefèbvre)

Le rêve de l’établissement orthopédique

Ce rêve du paragraphe II de ce chapitre « Matériau et sources du rêve » permet à Freud de démontrer comment dans le contenu manifeste du rêve on trouve toujours une « allusion » à un souvenir d’enfance, souvenir qui est toujours aussi à la source du rêve.

Voici le texte de ce rêve :

Elle est dans une grande pièce où il y a toutes sortes de machines, un peu du genre de celles se représente comme un établissement orthopédique. Elle entend qu’on lui dit que je n’ai pas le temps et qu’il faut qu’elle suive le traitement en même temps que cinq autres. Mais elle n’est pas d’accord et ne veut pas se coucher dans le lit – ou ce qui en tient lieu – qui lui est destiné. Elle reste debout dans un coin et attend que je dise que ce n’est pas vrai. Les autres pendant ce temps, se moquent d’elle en disant qu’elle fait des simagrées. – Avec ça : comme si elle faisait plein de petits carrés. »

Freud nous indique que la première partie de ce rêve est en lien avec l’analyse et concerne le transfert, la seconde partie concerne, elle, un souvenir d’enfance. C’est le lit qui fait le lien entre les deux parties.

Le rêve de la femme pressée

Claire Charlot

Après nous avoir livré tout un morceau d’auto-analyse de ses rêves de voyage à Rome, Freud nous présente maintenant quelques exemples de rêves de patients, à partir desquels l’analyse permet de retrouver, comme source du rêve, des scènes infantiles vécues.

Pour introduire ces exemples, il oscille entre précaution et confiance. Précaution d’abord car, comment être sûr de ces scènes de l’enfance quand le souvenir du patient en est flou ou même perdu ? Quand on est parti d’une simple allusion dans un rêve ? Freud sait bien que ce ne sera pas facile d’être toujours convaincant d’autant plus qu’il ne pourra pas s’étendre sur le matériel qui permet d’établir le lien. Néanmoins il termine son paragraphe en disant, sans plus d’explication : « Toutefois, ce n’est pas pour autant que je vais m’abstenir de les communiquer ».

L’objet phobique de Freud : le train

A propos de ce train devenu ainsi objet phobique pour Freud, j’ai pensé au roman de Zola, « La bête humaine ». Au temps de Freud, les locomotives à vapeur étaient des vrais montres de puissance, aussi menaçantes que n’importe quel dragon défendant l’accès d’une profonde caverne. Je crois aussi me souvenir d’une chanson ancienne où il s’agissait d’un train fou entraînant des centaines de voyageurs vers une mort inexorable.

Freud le héros sémite

Toutes les lettres de Freud envoyées à Fliess déploient ce mythe qui étaye son symptôme : Hannibal avait promis de venger son père battu mais, parvenu aux portes de Rome, il s’en détourna. Comme le raconte Tite-live, il restera de son histoire, cette phrase célèbre que devait connaître Freud  « Tu sais vaincre, Hannibal, mais tu ne sais pas profiter de la victoire ». Identifié à Hannibal, Freud ne pouvait pas, comme lui, aller à Rome.

Les annonces d’un grand destin

Suite de l’interprétation du rêve de l’oncle Joseph

Freud présente le rêve de l’oncle Josef, celui à la barbe jaune, une première fois, dans le chapitre «  la défiguration dans le rêve ». Il se trouve p. 177 de la version J.P. Lefebvre. En effet il met l’accent sur le fait qu’il éprouve beaucoup de tendresse pour cet oncle Josef,  ce qui dans la réalité est loin d’être le cas. Quand il le reprend dans ce chapitre « L’infantile dans le rêve », p. 231, c’est pour mettre ce rêve en relation avec un nouveau souvenir-écran qu’il nous confie, celui de la vieille paysanne qui lui avait promis un fabuleux destin. Pourtant rien dans le texte de ce rêve nous permet de deviner ce que sera le secret dernier de ce rêve :

«  I – L’ami R est mon oncle. J’ai une grande tendresse pour lui.

II- Je vois devant moi son visage légèrement modifié. Il est comme étiré en longueur, une barbe jaune l’encadre en faisant un contraste particulièrement net ».

Dans ce second chapitre, celui de l’infantile dans le rêve,  Freud reprenant ce rêve, se contente de donner à nouveau son interprétation, à savoir qu’il exprime son désir d’être nommé Professeur extraordinaire et dans ce but, son désir de dévaloriser ainsi ses deux confrères présentés comme étant indignes d’accéder à ce titre, aussi peu dignes de l’être que son oncle Joseph.

Une approche de la « traversée du fantasme fondamental » et de son au-delà, celui de la pulsion

Dans ces trois pages de l’interprétation du rêve( p.230 à 233) se trouvent donc trois souvenirs-écrans de Freud qui alimentent au sens propre et au sens figuré pour l’un d’eux, le contenu manifeste de ces rêves.

Nous avons donc le souvenir-écran de la confusion des deux mots, « reissen » et « reisen », puis de celui qui provoqué le rêve de la monographie botanique. Par rapport à la première analyse de ce rêve, on peut se demander ce que, dans ce passage, Freud apporte de nouveau, à part ce lien indéfectible qu’il établit entre le rêve et le souvenir-écran qui témoigne de son origine infantile, celui où son père leur avait confié un livre à déchirer feuilles à feuilles, comme on effeuille un artichaut. Il me semble que c’est peut-être la certitude qu’il a de sa réalité en prenant appui justement sur la longue chaîne métonymique qu’il cite «  Cyclamen-fleur préférée- plat préféré-artichaut-retirer les feuilles comme pour un artichaut, une à une – herbier – ver bibliophage dont les plats préférés sont des livres. »

Freud ne dit pas tout du secret dernier de ce rêve et de ce souvenir écran qui le contient mais il nous dit : «  … je puis assurer que le sens ultime du rêve, que je n’ai pas développé ici, est en très intime relation avec le contenu de la scène infantile ».

Un rêve où Freud « galvanise » Nansen, l’explorateur polaire

Nous avons  travaillé, ces dernières semaines, la façon dont Lacan a analysé les trois rêves de cette femme hystérique, du type de l’eau qui dort,  dans deux séances du séminaire des Formations de l’inconscient. Nous en sommes maintenant aux trois rêves de Freud qui sont également très intéressants dans la partie «  L’infantile dans le rêve » pages 230 et 231.

En effet Freud reprend l’analyse du rêve de la monographie botanique et du rêve de l’oncle Joseph, pour les rattacher à deux souvenirs-écrans, qui sont en quelque sorte à l’arrière-plan de ces rêves. Par contre il évoque pour la première fois, ce rêve où il porte secours à l’explorateur Nansen.

Il renvoie lui aussi à un souvenir-écran, ce qui est pour lui sans doute une page de honte : des adultes (ses grands frères) s’étaient moqué de lui parce qu’il avait confondu deux mots REISEN et REISSEN. Il me semble que nous devons tous avoir des souvenirs de ce genre où nous nous sommes heurtés à la difficulté de trouver l’usage juste des mots. Cela nous arrive même en tant qu’adultes.

Lecture ligne à ligne de l’Interprétation du rêve, l’oeuvre majeure de Freud

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