(Un extrait du « Livre bleu d’une psychanalyste »)

C’est un fait bien connu qu’il existe des relations de rivalité et de jalousie, voire de haine, entre les différentes institutions analytiques. On ne peut guère le leur reprocher car, comme tout groupe humain, elles n’échappent pas aux lois de fonctionnement des groupes humains, et notamment à cette fondamentale nécessité d’avoir un ennemi extérieur qui, déviant la haine vers lui, maintient ainsi, sinon dans l’amour, au moins dans la cohésion, chacun de ces groupes.
Je crois néanmoins que ces luttes, qui peuvent paraître, vues de l’extérieur, « intestines », méritent quelquefois d’être soutenues fermement d’un point de vue théorique. C’est le cas, par exemple, des divergences entre Jacques Lacan et Maurice Bouvet, dans leur approche respective de la névrose obsessionnelle. Lacan s’insurgeait contre la façon dont Bouvet se situait dans sa fonction d’analyste, se donnant comme une sorte de modèle, d’idéal du moi, ou de moi idéal, avec un effet possible de normalisation pour l’analysant. Mais ces divergences ne sont intéressantes que lorsqu’elles s’étayent sur des textes auxquels chacun peut se référer.
Une des « luttes » actuelles, qui serait à soutenir fermement, nous venons de le souligner, serait celle de s’ériger contre le fait que les neurosciences viendraient corroborer ce que Freud avait découvert du mode de fonctionnement de l’appareil psychique, ramenant ainsi subrepticement la psychanalyse dans le giron de la médecine, giron que Freud avait résolument abandonné, en inventant la psychanalyse, son texte Éloge funèbre de Charcot laissant preuve écrite de cet abandon.