La déception de Freud par rapport à l’analyse de l’Homme aux loups

 

J’ai beau prendre  mon courage à deux mains et essayer  de  terminer la lecture des deux dernières pages de ce texte de Freud sur l’Homme aux loups, il s’agit du dernier chapitre, conclusif, qui a pour titre « Résumés et problèmes »,  il y a toujours quelque chose qui m’arrête en chemin. Cette fois-ci c’est la déception de Freud par rapport aux résultats obtenus dans cette analyse  qui lui a donné pourtant tant de mal. Je pense qu’il oublie qu’il en est en grande partie responsable et que ce n’est pas juste de tout verser au compte de son analysant.

 

1 – Freud en guise de conclusion maintient tout d’abord ce qu’il en est de la structure obsessionnelle de l’Homme aux loups et du soubassement hystérique de celle-ci, ce qui est classique. Il la met en lien avec l’organisation sadique-anale qui constitue la « disposition » à cette névrose.  Il est en effet important de tenir compte de l’avis de Freud quant à ce qu’il en est de sa structure, névrose ou psychose.

 

2 – Freud donne ensuite « un bref éclairage sur ses métamorphoses ultérieures ». Il faut en effet se souvenir que Freud avait limité son exploration à la névrose infantile de l’Homme aux loups, à savoir la phobie à partir de son rêve des loups, puis sa transformation en névrose obsessionnelle.

«  Avec les années de la puberté se manifesta chez lui le courant masculin, fortement sensuel, qu’on peut qualifier de normal, avec le but sexuel de l’organisation génitale ». Ce courant prenait appui sur la scène infantile avec Groucha, cette jeune servante, lavant par terre et offrant ainsi la vision de sa croupe. « Par une violente impulsion vers la femme il avait finalement conquis sa pleine virilité ; cet objet sexuel fut dés lors maintenu, mais il n’était pas heureux de sa possession, car une forte inclination vers l’homme, maintenue totalement inconsciente, qui unissait en soi toutes les forces des phases antérieures, le détournait toujours à nouveau de l’objet féminin et le contraignait dans les intervalles à exagérer la dépendance à l’égard de la femme ».

 

Comment expliquer cette dépendance exagérée à l’égard de la femme ? Peut-on dire que c’est un moyen de défense un peu paradoxal pour lutter contre ses tendances  homosexuelles refoulées ? Je rapprocherais bien cette remarque de Freud de ce que disait Lacan que l’obsessionnel est toujours entrain de demander une permission. Il la demande souvent à sa femme. Mais on peut voir aussi les choses autrement et dire qu’il était plus ou moins resté attaché à ses positions oedipiennes et avait maintenu son désir d’être le phallus de l’Autre, l’objet du désir de sa femme, comme il l’avait été de sa mère et que sa dite homosexualité inconsciente était tentative non réussie de s’en libérer dans la mesure où ce qu’il attendait de son père c’était l’obtention d’un phallus symbolique sous la forme d’un enfant. En somme les positions subjectives de l’Homme aux loups seraient inversées selon qu’on prend appui sur l’approche théorique freudienne ou lacanienne. Cela apporte donc la preuve à quel point la théorie analytique intervient dans la clinique dans toute ma mesure où elle détermine ce qu’il en est de la technique analytique.

 

3 – Ce qui a déclenché une nouvelle poussée de sa névrose, sa névrose adulte.

La cause occasionnelle de sa maladie, parvenu à l’âge adulte,  est une forme particulière de ce  que Freud appelle  « frustration » : «  Il s’effondra quand une affection organique de l’organe génital fit revivre son angoisse de la castration porta atteinte à son narcissisme et le contraignit à abandonner l’espoir d’être favorisé par le destin. Il tomba donc malade d’une frustration narcissique. »

 

4 – l’appréciation des acquis de l’analyse. « Naturellement, écrit Freud,  la cure psychanalytique ne peut produire, dans de telles perturbations, un revirement subit et un rétablissement du développement normal, mais seulement écarter les obstacles et rendre les chemins praticables, afin que les influences de la vie puissent imposer le développement vers de meilleures directions ». Ce commentaire de Freud laisse penser qu’il trouve que les résultats de cette analyse avaient été loin d’être probants.

Il en donne les justifications suivantes :

 

–       La « ténacité de la fixation ».

–       Le « développement extraordinaire de la tendance à l’ambivalence ».

–       Une « constitution archaïque » c’est-à-dire la « faculté de maintenir les investissements libidinaux les plus divers et les plus contradictoires en état de fonctionner les uns à côté des autres. L’oscillation continuelle entre eux, à cause de laquelle la liquidation des symptômes et le progrès parurent longtemps exclus, dominait l’image de la maladie de la période tardive que je n’ai pu qu’effleurer ici […]

–       Ainsi on recevait de sa vie psychique une impression comme en donne la religion égyptienne ancienne, qui devient incompréhensible pour nous, dans la mesure où elle conserve les étapes de son développement à côté des produits finaux, continue les plus anciennes significations des dieux et de Dieu comme les plus récentes, où elle étale sur un plan ce qui dans d’autres développements devient une image à trois dimensions. »

 

C’est surprenant parce Freud prenant appui sur cette  métaphore de la civilisation égyptienne  pour décrire ce qu’il a réussi à déchiffrer de la structure de la névrose obsessionnelle de l’Homme aux loups, évoque l’opposition du plan, de la surface,  au volume. En somme il lui manque l’espace à trois dimensions. C’est curieux parce que je m’attendais plutôt à ce qu’il écrive que c’était la notion du temps qui nous manquait et non pas tellement celle de l’espace.

 

A propos de ce qu’il dit de cette mosaïque d’investissements libidinaux que Freud rend responsable de l’impossibilité de guérir l’Homme aux loups de ses symptômes, cela m’a fait penser à ce qu’il dit des « trois personnalités de l’Homme aux rats » à la fin de son texte des cinq psychanalyses. Au fond, est-ce que ces juxtapositions d’investissements libidinaux ne sont pas notre lot commun en tant que restes de l’enfance, ce qu’il a décrit comme notre perversion polymorphe infantile ?

1 Comment

  1. deflorence Reply

    L’une des problématiques que soulève ce texte est comment se trouver une place dans la sexuation, ou bien comment y faire avec le réel du corps. Ce n’est pas du tout évident! Sergei se bricole une solution en restant fidèle à la figure féminine (de la mère?), et se range d’un côté tout en continuant de loucher vers l’autre. Ne voulant pas vraiment payer (de son corps) il finit par payer un prix beaucoup plus lourd (symptomes corporels importants), sans obtenir de satisfaction qui le satisfasse. A explorer aussi, le travail fait avec Brunswick, et bien entendu, ce que Pankjeff lui-même ecrivit de ses analyses.

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