Voici donc le texte du rêve de l’Homme aux loups

J’ai préféré isoler le texte de ce rêve pour prendre uniquement en compte son récit comme un tout, l’isoler comme étant son contenu manifeste sans le travail d’interprétation que Freud va bien sûr devoir effectuer pour arriver à son contenu latent. Ce rêve se trouve p. 190 du gardiner sous le titre « Le rêve et la scène originaire »

« J’ai rêvé qu’il faisait nuit et que je suis couché dans mon lit (les pieds de mon lit étaient tournés vers la fenêtre, devant la fenêtre se trouvait une rangée de vieux noyers. Je sais que c’était l’hiver, quand je rêvais, et la nuit. Tout à coup la fenêtre s’ouvre d’elle-même, et je vois avec grande frayeur que le grand noyer devant la fenêtre quelques loups blancs sont assis. Il y en avait six ou sept. Les loups étaient tout blancs et avaient plutôt l’air de renards ou de chiens de bergers, car ils avaient de de grandes queues comme les renards, et leurs oreilles dressées comme chez les chiens quand ils font attention à quelque chose. Dans une grande angoisse, manifestement d’être mangé par les loups, je criai et me réveillai. Ma bonne d’enfant se précipita vers mon lit, pour voir ce qui était arrivé. Cela dura un bon moment jusqu’à ce que je fusse persuadé que ce n’était qu’un rêve, si naturelle et si nette m’était parue l’image de la fenêtre qui s’ouvre et des loups assis sur l’arbre. Enfin je m’endormis comme délivré d’un danger… »

A propos du texte de ce rêve, il convient de faire deux remarques. La première à propos du fait qu’il n’est que le contenu manifeste du rêve et que ce qui constitue la méthode d’interprétation du rêve en psychanalyse, c’est la recherche de son contenu latent, soit des pensées inconscientes du rêve. C’est le moment où jamais à son propos de retrouver dans l’Interprétation des rêves ce que nous dit Freud du rapport entre ces deux contenus :

Le rêve comme transcription d’une langue dans une autre

« Toutes les tentatives faites jusqu’à présent pour élucider les problèmes du rêve s’attachaient à son contenu manifeste, tel que nous le livre le souvenir, et s’efforçaient d’interpréter ce contenu manifeste […] Nous sommes seul à avoir tenu compte de quelque chose d’autre : pour nous entre le contenu du rêve et les résultats auxquels parvient notre étude, il faut insérer un nouveau matériel psychique, le contenu latent ou les pensées du rêve, que met en évidence notre procédé d’analyse […] De là vient qu’un nouveau travail s’impose à nous. Nous devons rechercher quelles sont les relations entre le contenu manifeste du rêve et les pensées latentes et examiner le processus par lequel celles-ci ont produit celui-là. Les pensées du rêve et le contenu du rêve nous apparaissent comme deux exposés des mêmes faits en deux langues différentes ; ou mieux, le contenu du rêve nous apparaît comme une transcription ( Ubertragung) des pensées du rêve, dans un autre mode d’expression, dont nous ne pourrons connaître les signes et les rêves que quand nous aurons comparé la traduction et l’original ». L’interprétation des rêves, Le travail du rêve, p. 241.

On peut schématiser ainsi ce que Freud nous décrit des rapports entre le contenu latent et le contenu manifeste du rêve, par un double sens. Le sens qui va du contenu latent vers le contenu manifeste est en somme le mode de fabrication du rêve, sa formation (une formation de l’inconscient) ; dans l’autre sens, du contenu manifeste au contenu latent, c’est la technique de son interprétation. Pour le dire d’une autre façon, dans un sens, c’est le chiffrage du rêve, dans l’autre, son déchiffrage.

Tout ce qui accompagne le rêve, lui sert de commentaire, fait partie des pensées latentes du Si on lit maintenant le texte du rêve de l’Homme aux loups, qui est donc son contenu manifeste, on s’aperçoit qu’il est de fait composé de deux parties, une partie qui est à proprement parler le récit du rêve et une seconde partie qui est en quelque sorte le commentaire qui l’accompagne. Par exemple, la dernière phrase qui a été mise en italique par Freud est celle qui mérite toute notre attention : « Dans une grande angoisse, manifestement, d’être mangé par les loups, je criai et me réveillai. »

En effet Freud nous l’indique, tout ce qui accompagne le rêve, ses commentaires, font partie intégrante des pensées latentes du rêve, il nous met donc déjà sur la voie de son interprétation quand il ne nous dévoile pas l’interprétation elle-même (p. 286). « Les commentaires au sujet du rêve, des remarques en apparence innocentes servent souvent à dissimuler de la façon la plus raffinée un fragment de ce qui a été rêvé ; en réalité d’ailleurs, ils le trahissent ». Il en donne deux exemples. Voir fichier joint à propos des lacunes du rêve.

Cette remarque se confirmera, à propos du commentaire de ce rêve des loups, tout à la fin du récit de Freud et encore plus quand, il reprendra, dans son texte beaucoup plus tardif celui d’Inhibition, symptôme, angoisse, les deux phobies de l’Homme aux loups et du Petit Hans, pour l’un, son angoisse sera celle d’être dévoré par le père-loup, pour l’autre, l’angoisse d’être mordu par le père-cheval. Or cette angoisse se lit en clair dès la première formulation de ce rêve. Tout y est déjà dit mais c’est en quelque sorte en marge du texte du rêve.

Laisser un commentaire

Navigate