Rêves, lapsus, traits d'esprit et symptômes

le rêve de la Via, Villa, Casa Sezerno ( Partie 2)

Dans cette lettre du 28/4/97 ( numérotée 125 dans cette édition et 60 dans la Naissance de la psychanalyse),  adressée à Fliess, Freud raconte ce rêve 

“ Cette nuit j’ai fait un rêve qui se rapportait à toi. C’était une nouvelle par télégramme concernant ton lieu de séjour”.   Un mot  entre parenthèses précède l’adresse. Il n’est pas écrit nettement. C’est peut-être Venise.  Il y a ensuite les trois mots Via, Villa, Casa suivis de Sezerno. 

Il poursuit “Ma présentation indique ce qui apparaissait sans netteté et ce qui paraissait multiple. C’est Sezerno qui était le plus net. En même temps un sentiment d’agacement :  tu n’es pas allé à l’endroit que je t’avais recommandé : Casa Kirch.” 

Freud décrit alors ce qu’il appelle un  “ compte rendu des motifs”.  Je n’ai retenu de ces motifs que ceux qui concernaient l’agacement de Freud à l’égard de Fliess :  

Le rêve de la Via ou Villa ou Casa Cezerno ( première partie)

le rêve tel qu’il est décrit dans l’interprétation du rêve 

Ce petit rêve, tel qu’il est présenté par Freud dans l’Interprétation du rêve, ne paye vraiment pas de mine, mais en allant le retrouver dans les lettres que Freud avait envoyées à Fliess, tout au moins dans l’édition complète, il prend soudain beaucoup de relief. Car à l’arrière-plan de ce rêve se trouvent en effet toutes les hésitations, voire le trouble, éprouvés par Freud devant sa découverte du rôle que joue dans la névrose, ce qu’il appelle la séduction par le père pervers, avant d’y renoncer, pour décider que ces scènes originaires sont fantasmées à partir de choses vues et entendues. . Mais au moment de ce rêve et de celui de “ on est prié de fermer les yeux”, il croit encore à sa réalité. Il accuse même son père d’avoir abusé de l’un de ses frères et de ses plus jeunes sœurs.

Ce rêve Freud le donne à titre d’exemple pour indiquer que, lorsque il y a un “ou bien… ou bien” entre deux termes du rêve, dans ce cas là il faut remplacer cette conjonction par un “ et”, c’est-à- dire donner une égale importance aux deux termes qui sont l’objet de l’hésitation.
Exemple “ Dans le jardin ou dans la maison” doit être interprété comme “ dans le jardin et dans la maison”

« Le rêve avec des fleurs »

Ce rêve avec des fleurs se trouve dans la troisième partie du Travail du rêve, la partie C qui a pour titre “Les moyens oniriques de la figuration”. p. 351, à la suite de la partie A, la condensation et la partie B, le déplacement.(Traduction Jean-Pierre Lefevbre)

Il semble bien que jusqu’ici  nous avions étudié plutôt la défiguration du rêve qui était nécessaire au franchissement de la censure, avec le déplacement, mais là il s’agit de sa figuration.

La figuration c’est en somme la mise en scène du rêve, la représentation dans le contenu manifeste des pensées du rêve, peut-être pourrait-on dire, l’invention du rébus chargé de représenter ces pensées. Freud nous explique que dans le matériel utilisé pour fabriquer le rêve, ne se trouvent pas les outils nécessaires pour représenter toute une série d’articulations logiques du texte du rêve, celles avec des Si, parce que, à moins que, ou bien ou bien, quoique…. Freud donne donc quelques exemples de la façon dont le rêve tente de remédier à cette impossibilité. Mais il nous indique aussi que c’est au rêveur de les restituer, une fois le rêve interprété.

Dans ce chapitre nous allons retrouver tout ce que Lacan a travaillé pendant de nombreuses années, une approche logique, avec ce qu’il a appelé le principe de non contradiction et également les liens de causalité, que Lacan a rapproché de l’implication, implication formelle et matérielle avec ses tables de vérité.
Ce rêve est essentiel à sa démonstration avec quelques autres.

Le travail de déplacement dans la formation du rêve 

Dans le chapitre intitulé “Le travail du rêve”, une partie A est intitulée “Le travail de condensation”, et une partie B  “ Le travail de déplacement”. Alors que dans cette partie A, Freud décrivait de nombreux nouveaux rêves où cette condensation était mise en oeuvre, pour cette partie B,  Freud se contente de reprendre plusieurs rêves déjà analysés précédemment à savoir celui de la monographie botanique, Le rêve de Sapho d’un analysant de Freud, le rêve des hannetons, Le rêve de l’oncle Joseph et enfin le rêve de l’injection d’Irma.   

Puis avec chacun de ces rêves il précise ce qu’est la fonction de ce déplacement  dans la formation du rêve.  Elle rend en quelque sorte le rêve anodin ce qui lui permet de franchir plus aisément l’obstacle de la censure. 

Dans la plupart des rêves, les pensées latentes du rêve ne figurent pas explicitement dans son contenu manifeste.  Elles n’y sont représentées que sous la forme d’allusions. 

Le Rêve de Freud avec la condensation «  Autodidasker »

Voici le texte de ce rêve «  Une autre fois je fais un rêve fait de deux morceaux disjoints. Le premier est le mot « Autodidacsker », dont j’ai un souvenir vif, l’autre recoupe fidèlement une brève et innocente séquence imaginaire qui date de quelques jours et dont le contenu est que je dois dire au professeur N si je le vois sous peu «  Le patient sur l’état duquel je vous ai consulté dernièrement ne souffre effectivement que d’une névrose exactement comme vous l’aviez supposé ».

Or cet épisode n’est là que pour introduire ce qui va permettre en effet l’interprétation du rêve en tant que, au cours de cette rencontre des jours précédents, ce même confrère lui avait demandé combien il avait d’enfants. Freud lui ayant répondu qu’il avait trois filles et trois garçons, il lui avait fait remarquer qu’à l’adolescence ses garçons risquaient de lui créer quelques soucis.

C’est le contexte de ce rêve. Une formule va l’illustrer que l’on retrouvera dans son contenu latent « Cherchez la femme ! »  Elle viendra en effet constituer le nœud de ce rêve en rejoignant les associations qui venaient de la condensation « Autodidasker ».

Deux rêves de femmes comblées ou « La symbolique du rêve »

 Dans l’Interprétation des rêves Freud consacre un chapitre à la question de la symbolique. Il y écrit : « Quand on s’est familiarisé avec l’emploi surabondant de la symbolique pour figurer le matériel sexuel dans le rêve, on se demande si beaucoup de ces symboles ne sont pas analogues aux signes sténographiques pourvus une fois pour toutes d’une signification précise; on est tenté d’esquisser une nouvelle clef des songes d’après la méthode de déchiffrage. Il faut ajouter à cela que cette symbolique n’est pas spéciale au rêve, on la retrouve dans toute l’imagerie inconsciente, dans toutes les représentations collectives, populaires notamment: dans le folklore, les mythes, les légendes, les dictons, les proverbes, les jeux de mots courants : elle y est même plus complète que dans le rêve. Bornons-nous ici à dire que la figuration symbolique est au nombre des procédés indirects de représentation; mais qu’il ne faut pas la confondre avec les autres procédés indirects sans s’en être fait un concept plus clair ».

La condensation « Hearsing » dans le rêve de Freud, un voyage en bateau avec deux escales

 Ce nouveau rêve de Freud (page 340)  ne nous livre  que des fragments d’association d’idées mais on voit cependant comment ces dites associations suivent les lois de cette « chimie des syllabes » qu’il évoque dans sa note. Le texte du rêve, «  assez débridé », n’est pas donné, il s’agit d’une sorte de voyage en bateau, deux escales ont pour nom Hearsing et Fliess. On remarque que dans ce rêve il y a des noms propres, le sien, celui de Fliess et enfin celui de son confrère Bechterew. Mais dès qu’il y un confrère surgit son frère aussi.

La condensation de Hearsing est mise en gras dans le texte. Elle se décompose en Hearsay ( oui-dire et calomnie) qui le conduit vers la source occasionnelle du rêve tandis que C’est la deuxième partie de la condensation, la terminaison ING qui le mène à l’interprétation de son rêve par le biais de son association avec Fliess, Fliess-ing qui glisse du F vers le V, avec Vlissingen, port d’arrivée de son frère quand il vient les voir. Une fois traduit en anglais ce port devient un verbe « Flusching », rougir et de fil en névrose, nous tombons sur cet article de Bechterew qui a eu le don de contrarier Freud et de l’énerver.

Le rêve de l’ancêtre du téléphone avec la condensation « tutelrein »

Voici le texte du rêve où cette condensation de mots est mise en exercice et sa présentation : « Un jeune homme chez qui une de ses connaissances a sonné tard le soir pour remettre une carte de visite, rêve la nuit suivante : un commerçant attend tard le soir pour régler le télégraphe domestique ( Zimmertelegraf). Après qu’il est parti, ça sonne toujours, non pas de manière continue, mais par à-coups isolés. Le serviteur va rechercher l’homme, et celui-ci dit : c’est quand même bizarre que même des gens qui par ailleurs sont tutelrein, ne s’y entendent pas à gérer ce genre de situation ».

L’analyse de Freud s’exerce à plusieurs niveaux. Il nous explique en effet que la cause occasionnelle du rêve, ce coup de sonnette de la veille, n’arrive en effet à la signification qu’en venant se substituer à une autre sonnerie celle du Zimmertelegraf. Freud évoque en effet un incident antérieur, celui où jeune garçon il avait empêché son père de dormir en renversant un verre d’eau sur les fils du télégraphe et avait déclenché ainsi une sonnerie continue.

Lectures à propos de l’écriture de Joyce

Je me suis mise à lire un peu  tout ce qui s’est écrit à propos de Joyce et, sans compter l’indispensable biographie de Joyce en deux volumes rédigée par Ellmann,  j’ai trouvé trois livres que j’ai trouvé intéressants par rapport à l’approche qu’en a faite Lacan.

Un livre d’Eugène Jolas, qui a aidé Joyce, et quand je dis aidé,  c’est pour de bon, effectivement, dans sa rédaction de Finnegans Wake. Un autre de Frank Budgen qui, lui,  l’a aidé à mettre en forme Ulysse. Enfin le troisième c’est celui d’un de ses confrères, Vladimir Nabokov,  l’auteur de Lolita. L’ouvrage de Nabokov a pour nom «  Proust, Kafka, Joyce ». Il fait de cet Ulysse de Joyce, presque un roman policier dont l’intrigue porte sur un personnage énigmatique l’Homme au mackintosch.
Le livre de Frank Budgen s’appelle « James Joyce et la création d’Ulysse ». Celui d’Eugène Jolas, « Sur Joyce ».

Rêve du hanneton pour démontrer la condensation du rêve

J’ai travaillé ce rêve il y a bien longtemps, ce rêve qui peut être appelé «  rêve des scarabées de mai ». Dans cette version, J.P Lefebvre le traduit par « rêve du hanneton » ( p. 331). Peu importe, ce sont des coléoptères. Il y a plein d’autres bestioles dans ce rêve, y compris la petite mite que sa fille laisse se noyer dans son verre d’eau sans la sauver de la noyade et la regrette amèrement le lendemain matin. Freud a souvent indiqué que pour l’inconscient, la vermine, les insectes, les petits animaux, rats, souris et autres représentent des petits enfants qui sont donc plus ou moins à faire disparaître.

Il nous présente en peu de mots la rêveuse : « une dame déjà âgée soumise au traitement psychanalytique ». Elle souffre d’accès d’angoisse très pénibles et « comme il arrive habituellement dans ces cas, ses rêves présentent quantité de pensées d’origine sexuelle ».

Nous voici donc mis au parfum. Suit le contenu manifeste de ce rêve : « Elle se rappelle qu’elle a deux hannetons dans une boîte ; elle veut les mettre en liberté, parce que sinon ils vont étouffer. Elle ouvre la boite, les hannetons sont tout épuisés ; l’un d’eux s’envole par la fenêtre ouverte, l’autre est écrasé par le battant de la fenêtre au moment où elle la ferme, comme quelqu’un le lui demandait (manifestations de dégoût). »

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